« JE VEUX TRANSMETTRE une sensibilité, m’adresser à quelqu’un : je cherche à donner une émotion. Je ressens le besoin irrépressible d’exprimer cette émotion. » Daniel Le Graet, pharmacien à Brest (Finistère), est tout sourire, tout le temps, mais on le sent dévoré de l’intérieur. Est-ce un hasard s’il exerce à Brest, à Recouvrance plutôt, ce quartier chanté par Mac Orlan, Queffélec, Barbara ?
Daniel Le Graet remonte à loin sa passion. Son père, ingénieur des Eaux et forêts, servait outremer, à Madagascar, au Sénégal. Des missions de trois ans, suivies de six mois de congés en métropole, en revenant par paquebot : « J’étais fasciné par les tableaux de maître reproduits sur les menus des restaurants du bord », se souvient-il, émerveillé. Son plus ancien souvenir de cadeau est une boîte de peinture à l’huile, il avait 8 ans.
De retour en France, il vit chez ses grands parents, puis est pensionnaire chez les Jésuites : « Les loisirs étaient limités, il faisait très froid, je me suis recentré sur les crayons. Quand on s’ennuie, on crayonne. »
La famille Le Graet repart pour le Sénégal. Le lycée du jeune peintre ferme en mai 1968. Un retraité et peintre, le comte Jacques de Saint-Seine, consul de France, remarque son travail : « Il m’a emmené peindre la nature en Casamance. » C’est son premier « professeur », lui qui prendra si peu de cours. Suivront deux autres maîtres, le conservateur du musée de La Roche-sur-Yon (Vendée), et, plus tard, Pierre Péron, peintre de la Marine et Brestois.
« Je n’ai jamais beaucoup travaillé l’histoire de l’art, confie-t-il, j’ai suivi des cours, sans plus. Mon travail est plus personnel. J’observe beaucoup. Je vois, mon cerveau travaille et permet à ma main de recracher. Ce qui m’obsède, c’est la couleur, l’assemblage des couleurs. J’ai longtemps été un peintre figuratif, mais l’esprit ne s’en suffit plus. Le non figuratif est une démarche intellectuelle, je me sens apte à représenter quelque chose de beau, de poétique. » Ses tableaux montrent des marines, des ports, des bateaux, Brest, la Bretagne, mais présentent aussi ces assemblages de couleurs que son cerveau a su créer de ses observations.
Daniel Le Graet expose, peu souvent, mais depuis longtemps. On a vu ses tableaux à Versailles, où ses débuts ont été explosifs : il a si bien vendu qu’il a pu s’acheter sa première voiture ! Plus de vingt expositions ont émaillé son parcours : à Brest, à Versailles, en région parisienne, à Nantes, et des salons, ces expositions de groupe avec un jury. La mairie de Brest l’a exposé en 2007, puis en 2011 ; une autre serait en préparation.
Le peintre a « basculé en pharmacie » par accident, un « vrai gagne-pain », aux yeux de ses parents. L’œuvre est-elle compatible avec l’officine ? « Non, répond-il, mais oui à la fois. Ce que je fais est un travail préparatoire. J’envisage la retraite comme peintre, je suis malade de la peinture car la nature est belle, c’est une source d’inspiration même si j’ai aussi du bonheur à regarder une simple cruche. Tous les jours je cherche, tous les jours je crayonne ou je peins. Ma main est conduite par le cerveau, je ne sais pas où je vais. C’est la différence entre l’artisan et l’artiste, l’artisan sait où il va ! »
L’homme est un boulimique de la peinture. Il peint très vite, un tableau peut lui demander moins de deux heures, il en finit une cinquantaine par an. « La peinture est un monde qui m’échappe, et qui me happe en même temps. Quand je peins, je suis dedans. » Le pharmacien de Recouvrance se sent « très frustré des quelques milliers de tableaux jamais réalisés, même pas commencés ». Il se voit comme « un vieux solitaire, démangé par la peinture ».
Ce « frustré » ne se satisfaisait pas des calendriers qu’on lui proposait d’offrir en étrennes à ses clients. Depuis plusieurs années, il peint une toile, imprimée en calendrier à 800 exemplaires, pour ses bons clients. Cette année, le tableau représentait le Bibus, le nouveau tram de Brest. De nombreux clients demandent une dédicace.
Légende photo (J. Gravend) : Daniel Le Graet dans sa mini-galerie, en mezzanine de l’officine
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