Un Goncourt picaresque et historique
Le prix Goncourt a été décerné à Pierre Lemaitre pour « Au revoir là-haut » (Albin Michel), par 6 voix contre 4 à « Arden », de Frédéric Verger. Après s’être fait une réputation dans le roman policier (7 livres traduits en 20 langues), Pierre Lemaitre, 62 ans, a reçu la récompense suprême avec un roman qui se lit d’un trait et qui, avec des intrigues parfois rocambolesques, remet les pendules à l’heure de la vérité historique et politique.
L’histoire est celle de deux rescapés de la Grande Guerre qui se heurtent à l’ingratitude de la « nation reconnaissante », laquelle préfère célébrer ses disparus plutôt que d’aider les soldats qui sont revenus sans rien, sauf leurs blessures. L’un a eu la moitié du visage emporté en voulant sauver l’autre, alors qu’un cynique lieutenant, la veille de l’Armistice, poussait les hommes à l’assaut en menaçant de leur tirer dans le dos. Complètement abandonnés, et comme un pied de nez au pays qui les a trahis, les deux compères organisent une formidable – et fictive – arnaque aux monuments aux morts, tandis que le fameux lieutenant se fait beaucoup d’argent dans ce qu’on appellera « le scandale des exhumations militaires », qui a bel et bien éclaté en 1922.
Débutant par une longue scène de boucherie, avec de l’action et des rebondissements, ainsi qu’un parti pris de tourner les choses en dérision, « Au revoir là-haut » est un excellent roman populaire qui conduit à la réflexion. Selon l’auteur, il trouve un écho « par rapport au désenchantement de notre époque, cette hantise de la précarité et la peur de devenir un jour un déclassé... sans parler du plaisir des lecteurs de voir les personnages prendre leur revanche sur l’injustice ».
Bonne nouvelle : « Au revoir là-haut » constitue le début d’une fresque de plusieurs romans dont l’intrigue s’étalera de 1915 à 2015. À suivre donc.
L’Académie française séduite par l’amour
Le prix du roman de l’Académie française est revenu à Christophe Ono-dit-Biot pour « Plonger » (Gallimard). Agrégé de lettres et directeur adjoint de la rédaction du « Point », le lauréat, 38 ans, est aussi l’auteur de 4 romans tous remarqués, dont le dernier en date, « Birmane », a reçu le prix Interallié en 2007. On retrouve dans « Plonger » (« le Quotidien » du 23 septembre) de nombreux éléments autobiographiques, du vrai-faux romancé bien entendu. Mais lorsque le narrateur tente d’expliquer à son jeune fils pourquoi sa mère les a abandonnés pour aller mourir sur une plage lointaine près des requins, on se laisse emporter d’abord par l’histoire d’amour qui les a réunis un temps. Un amour fait de sensualité mais aussi de partage de beautés – les lieux, la peinture, la littérature, toutes choses naturelles ou culturelles, qui sont aujourd’hui menacées. Comme l’amour de cet homme et de cette femme épris d’absolu mais qui n’avaient pas les mêmes priorités.
Un gros Renaudot
Le prix Renaudot a été attribué au premier tour à Yann Moix, 45 ans, pour « Naissance » (Grasset). Depuis la parution de « Jubilations vers le ciel », en 1996, prix Goncourt du premier roman, les prises de position et les créations de l’écrivain et réalisateur – il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages et du film « Podium » – n’ont cessé de susciter des polémiques. « Naissance » ne fait pas exception, qui a été salué comme un « livre délirant et monumental » (1 152 pages, 1,3 kg) et le prix accepté avec reconnaissance par son récipiendaire, car « adapté à la folie des écrivains, qui peut digérer leur folie ».
Le livre raconte la gestation et les premières années d’un futur écrivain nommé Yann Moix, né circoncis dans une famille antisémite, enfant mal aimé de ses parents et maltraité, qui trompe son ennui provincial en se faisant des amis plus ou moins imaginaires et en choisissant ses auteurs. Impossible à résumer, cette fausse autobiographie n’enfle pas sous le nombre de révélations, mais à cause de l’accumulation des digressions qui nous mettent la tête à l’envers, avant de revenir au point de départ. D’ailleurs Yann Moix concède que le lecteur « est le bienvenu, mais il n’est pas convié ». À chacun donc de se faire son opinion, à ses risques et périls.
Les sans-voix entendus par le Femina
Le prix Femina a été attribué à Léonora Miano pour « la Saison de l’ombre » (Grasset). C’est le septième roman de cette écrivaine âgée de 40 ans, originaire du Cameroun et installée depuis plus de vingt ans en France, lauréate du prix Goncourt des lycéens en 2006 pour « Contours du jour qui vient ». « La Saison de l’ombre » s’inscrit dans une œuvre qui conjugue l’esthétique et la politique. Le récit s’ouvre avec la disparition d’une douzaine de jeunes hommes Mulango, un clan imaginaire quelque part en Afrique subsaharienne, après l’incendie de leurs habitations. Qui les a attaqués ? Comment cette tribu qui vit à l’intérieur des terres et n’a jamais vu la mer ni les Européens, pourrait-elle imaginer la traite négrière ? Léonora Miano fait entendre les voix des hommes et des femmes dont les proches ont été enlevés. Elle leur donne des visages et des noms, des croyances, des traditions, évoqués avec autant de poésie que de puissance.
Le prix Femina étranger a été décerné au très connu écrivain américain Richard Ford pour son 8e roman « Canada » (l’Olivier), qui a pour thème la fin de l’innocence. Dell a 15 ans lorsque, pour rembourser un créancier, ses parents braquent une banque, et échouent. Il s’enfuit et trouve refuge au fin fond du Saskatchewan, auprès d’un homme également recherché aux États-Unis. Au milieu d’une nature sauvage et d’hommes à la force brutale, le garçon doit trouver sa voie et faire ses choix.
Le prix Femina essai est revenu au duo père-fils Jean-Paul et Raphaël Enthoven pour leur « Dictionnaire amoureux de Marcel Proust » (Grasset/Plon). Les auteurs, l’un écrivain, l’autre philosophe, invitent à gambader, de A à Z, selon le principe de la collection, à la fois dans la « Recherche du temps perdu » et dans la vie de son créateur, entre désinvolture et érudition.
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