Prévenir plutôt que guérir. En dépit de l'adage populaire, la France a construit depuis 1950 son modèle de santé en le centrant sur le soin et non sur la prévention. Comme l’explique le Pr Franck Chauvin, président du Haut Conseil de la santé publique lors de la journée nationale des URPS pharmaciens, « les professionnels de santé français ont tout intérêt à ce que les gens soient malades car ils ne sont pas rémunérés pour la prévention ».
Or, d’après une étude de la Drees, l’espérance de vie sans incapacité ne s’est pas améliorée en France depuis 2004, ce qui montre les limites d’un système uniquement centré sur le soin. « Seulement 45 % des hommes arrivent à 65 ans en bonne santé en France, contre 77 % en Suède où la prévention est plus développée », souligne Franck Chauvin. Il met en regard ces chiffres avec les dépenses hospitalières, qui atteignent 41 % des dépenses de santé en France, contre 33 % en Suède, tandis que les dépenses en soins de ville sont respectivement de 23 % et 43 %.
Fortes inégalités
Par ailleurs, les inégalités restent fortes dans l’Hexagone. Ainsi, l’espérance de vie à la naissance chez les hommes est de 71,7 ans chez les 5 % les plus pauvres, contre 84,4 ans chez les 5 % les plus riches, soit une différence de 13 ans. « Si les personnes les plus aisées ont déjà intégré dans leur mode de vie des mesures de prévention comme l’hygiène, le dépistage, la vaccination, l’activité physique ou l’alimentation, il reste des efforts à faire de la part des professionnels et du système de santé pour amener les populations défavorisées à un niveau de prévention similaire », estime Olivier Rozaire, président de l’URPS pharmaciens d’Auvergne Rhône-Alpes.
D’après Franck Chauvin, « si rien n’est fait, d’ici à 10 ans le système ne pourra plus supporter une telle charge financière. Il y aura un système de santé à deux vitesses ». Pour éviter cela, le Haut Conseil de la santé publique propose de développer massivement la prévention et d’adapter le système de santé, en le rééquilibrant vers des soins primaires.
Freins financiers et positions dogmatiques
Le pharmacien a toute sa place dans la prévention, comme l’ont montré les différentes URPS au cours de l’après-midi. Elles ont toutes mis en place des actions de dépistage ou de prévention dans leur région, pour la plupart en coopération avec d’autres URPS ou d’autres professionnels de santé. « Nous avons montré le grand intérêt de ces projets, avec des résultats très probants, souligne Olivier Rozaire. Mais le problème est que ces initiatives ne sont pas financées par l’assurance-maladie, donc elles restent généralement à l’état de projet ou s’arrêtent, soit faute de financement, soit du fait de l’incompréhension et/ou de l’opposition d’autres professionnels de santé. » Dans les Hauts-de-France par exemple, l’URPS a lancé une action de prévention du risque cardiovasculaire avec un rendez-vous pharmacien, qui prévoyait une mesure de glycémie capillaire. « Les biologistes ont attaqué ce projet en critiquant cette mesure de glycémie par les pharmaciens. Cela s’est arrangé, mais ce combat a duré 18 mois », regrette Olivier Rozaire.
Bénéfices à moyen et long terme
En Corse, une initiative de dépistage du cancer colorectal a été mise en place en 2016-2017, avec un financement de l’agence régionale de santé (ARS). Elle a permis de faire passer le taux de dépistage de 10 % à 35 % sur l’île, grâce à la mobilisation des pharmaciens. Mais le projet s’est arrêté faute de budget et le taux est désormais retombé à sa valeur initiale de 10 %.
Pour Olivier Rozaire, le frein principal à la généralisation de ces projets de prévention est que « cela prend du temps et coûte de l’argent, alors que les bénéfices attendus ne sont qu’à moyen voire long terme ».
Cela n’empêche cependant pas les pharmaciens de lancer de nouveaux projets et de rechercher des financements. En région parisienne, par exemple, les officinaux dépistent chaque année entre 5 000 et 6 000 personnes pour le diabète, avec un taux de 5 % de résultats positifs. « Cela permet de repérer des personnes qui présentent un diabète non détecté auparavant », se félicite Olivier Rozaire.
Médecins et infirmiers partenaires
En Nouvelle-Aquitaine, une initiative de dépistage de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) précoce a permis de dépister 15 % de personnes dans 130 pharmacies, grâce à la mise en place d’un parcours de soins associant les ophtalmologistes. « Quand la DMLA est détectée trop tardivement, elle peut avoir atteint le nerf optique, ce qui empêche une guérison, explique Olivier Rozaire. Le dépistage précoce permet d’éviter cela et le partenariat avec les ophtalmologistes permettait aux patients d’avoir un rendez-vous en urgence quand ils étaient adressés par le pharmacien. » Le même projet est en cours de développement en Auvergne sur un modèle identique. En Bretagne, c’est la fragilité des personnes âgées qui a été au cœur d’une initiative menée tout au long de l’année 2019 par les pharmaciens, en collaboration avec l’ARS et les autres URPS de professionnels de santé.
« Dans quasiment tous les projets menés, les médecins et les infirmiers sont associés, tient à souligner Olivier Rozaire. En France, plusieurs milliers d’officines ont participé à des initiatives de prévention. Les pharmaciens sont prêts à s’y investir. Et si le soin nous a permis de vivre plus, la prévention doit nous permettre de vivre mieux », conclut-il.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion