Le premier tour de la primaire de la droite et du centre se déroulera dimanche prochain. À quelques jours de ce scrutin, près de la moitié des pharmaciens interrogés déclarent avoir l’intention de se rendre aux urnes (47,6 %), selon une enquête* réalisée par la société Call Medi Call pour « le Quotidien ».
Parmi eux, 45 % n’ont pas encore choisi leur candidat. Pour le reste, ils se prononcent massivement en faveur d’Alain Juppé. Le maire de Bordeaux recueille en effet 32 % des intentions de vote, distançant largement ses concurrents. François Fillon obtiendrait ainsi 8,3 % des suffrages, Nicolas Sarkozy, 7,1 % et Bruno Le Maire, 5,3 %. Loin derrière, on retrouve Jean-Frédéric Poisson, à égalité avec Nathalie Kosciusko-Morizet (1,2 %). Quant à Jean-François Copé, aucun des pharmaciens ayant participé à l’enquête ne lui accorde son soutien.
Compte tenu de la forte proportion d’indécis à six jours du premier tour de la primaire, le podium peut encore être modifié. Mais personne ne semble dans la capacité de voler la première place à Alain Juppé, qui a d’ores et déjà creusé l’écart chez les officinaux.
Cependant, quel que soit le vainqueur de ce scrutin, les trois piliers de l’officine ne devraient pas être remis en cause. Attachés au maillage actuel, les candidats ne souhaitent pas non plus autoriser la vente de médicaments hors des pharmacies. En ce qui concerne le capital, tous souhaitent également préserver l’indépendance du professionnel.
Dans un message audio diffusé le 23 octobre dernier à l’occasion du Congrès national des pharmaciens à Nantes, Alain Juppé a affirmé qu’il souhaitait non seulement « conserver et conforter le monopole pharmaceutique », mais aussi établir avec les pharmaciens un « véritable pacte de confiance ». Le candidat favori des pharmaciens entend accélérer le recours aux génériques, renforcer la prévention, le rôle d'accompagnement et de suivi du pharmacien, organiser la continuité ville-hôpital, et confier un rôle essentiel aux pharmaciens dans la télésanté et la télémédecine, dans des territoires où les médecins sont peu nombreux à s'installer. Pour le maire de Bordeaux, les pharmaciens sont des professionnels de haut niveau, dotés d’une formation solide et polyvalente qu’ils entretiennent tout au long de leur carrière professionnelle. « Vous êtes l’un des professionnels auxquels les Français font le plus confiance, ils ont raison », souligne l’ancien Premier ministre.
Dans une lettre adressée au président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et lue également lors du congrès de Nantes, François Fillon a lui aussi exposé sa vision de l’officine. Pour lui, le pharmacien est un acteur central de la santé publique et possède un rôle essentiel dans les soins de proximité. « C’est souvent le premier interlocuteur de nos concitoyens sur leurs problèmes de santé. Au-delà de la dispensation des médicaments, il a un rôle de conseil et d’orientation. Enfin, il joue un rôle majeur dans la prévention de la santé des citoyens et dans l’éducation thérapeutique des malades », estime le député de Paris. Rappelant que de nouvelles missions sont en train d’émerger (notamment éducation thérapeutique, vaccination antigrippale chez l’adulte), il juge nécessaire qu’elles s’accompagnent de formations et qu’elles soient rémunérées par un honoraire. « Le pharmacien pourrait aussi avoir un rôle dans les zones sous-dotées, où sont aujourd’hui testées des cabines d’examen équipées de différents capteurs connectés à une équipe médicale à distance », précise François Fillon.
Les pharmaciens peuvent aussi compter sur Nicolas Sarkozy pour défendre les trois piliers de l’officine. Alors président de la République, il n’avait pas hésité à écarter les propositions du rapport Attali prévoyant la fin du monopole pharmaceutique et des règles d’installation et de propriété des pharmacies. Présente au Congrès national des pharmaciens, sa représentante, Claude Greff, a assuré que les conclusions de la Grande consultation de la pharmacie d’officine seraient prises en compte, car rien ne doit « être imposé d'en haut ». Le candidat Sarkozy entend également diminuer le taux de prise en charge des dépenses de santé par l’assurance-maladie de 76 % à 73 %, avant intervention des complémentaires, sachant que 1 point équivaut à plus de 2 milliards d’euros. « Il faut en particulier travailler sur la prise en charge des patients ALD qui représentent à la fois la plus grande part de la dépense et de la croissance de la dépense », expliquait en mai Nicolas Sarkozy dans un entretien avec « le Quotidien du Médecin ». Il préconise notamment de moins bien rembourser les comportements irresponsables des patients chroniques.
Bruno Le Maire pense, pour sa part, que la modernisation du réseau passe par une évolution capitalistique du secteur. Le député de l’Eure et ancien ministre de l’Agriculture, juge toutefois essentiel de préserver l’indépendance des capitaux des pharmacies. « Nous privilégierons donc la possibilité pour les officines de recourir à des financements obligataires externes, indique-t-il. En outre, nous autoriserons l’ouverture du capital (minoritaire) aux préparateurs en pharmacie (comme cela l’est aujourd’hui pour les pharmaciens adjoints) afin de favoriser la participation des salariés au capital. » Bruno Le Maire propose aussi d’autoriser la création de succursales pour encourager l’implantation de pharmacies en secteur rural. Il entend également « favoriser l’évolution du métier vers les services de santé et mieux prendre en compte ce nouveau rôle en revalorisant les honoraires versés ». « Notre système de santé est riche de ses pharmaciens d’officine, qui sont des professionnels de santé à part entière, dont le rôle de santé publique doit davantage être reconnu et valorisé », affirme-t-il.
Distancée dans les intentions de vote des pharmaciens, Nathalie Kosciusko-Morizet propose quant à elle une nouvelle réforme de la santé, visant notamment à mieux organiser la prise en charge des patients en affection de longue durée (ALD) par les médecins libéraux en ville, à développer les génériques et à mettre en place un régime unique de santé. Elle souhaite aussi réduire « la capacité d’accueil des hôpitaux en raison du développement de la chirurgie et de la médecine ambulatoire », et améliorer le contrôle des arrêts maladie et des transports de patients. Des mesures qui, selon elle, permettraient un gain de 20 milliards d’euros par an.
Au coude à coude avec la députée de l’Essonne, Jean-Frédéric Poisson souhaite de son côté restaurer et encourager l’exercice libéral de la médecine par des aides favorisant l’installation et l’implantation de jeunes médecins, en particulier dans les territoires frappés de désertification médicale. Il place le développement des soins et de la culture palliative, ainsi que la baisse du nombre d’avortements, comme des priorités de santé publique. « Il n’est pas possible d’assurer la cohésion d’un peuple lorsque des atteintes permanentes sont portées à la liberté des familles, affirme le député des Yvelines. Ni lorsque la valeur de la vie humaine est fragilisée par le recours quasi systématique à l’avortement, comme par la possibilité de faire mourir légalement des patients. »
Jean-François Copé, dont le projet n'a pas retenu l'attention des officinaux interrogés, préconise de « lutter contre les déserts médicaux en réformant les études médicales pour favoriser l’installation des jeunes médecins et rendre plus attractifs les territoires sous-dotés en médecins ». Il promet de « supprimer le caractère férié du 8 mai pour financer la recherche sur les maladies du vieillissement » et « transférer vers la TVA le financement des affections de longue durée (ALD), ce qui contribuera à alléger les cotisations sociales qui pèsent sur le travail ». Le député-maire de Meaux veut « soutenir l’accès aux médicaments innovants en mettant en place un "paiement à l’efficacité" pour les médicaments onéreux (notamment anticancéreux) et en prévoyant que son coût soit supporté par l’industriel lorsqu’un traitement n’est pas efficace pour un patient ». Enfin, Jean-François Copé entend mettre fin au paritarisme de l’assurance-maladie et créer une Agence nationale de l’assurance-maladie.
* Enquête réalisée par Call Medi Call du 24 octobre au 4 novembre 2016 auprès de 1 066 pharmaciens.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion