Les règles d’installation des notaires, qui peuvent choisir leur successeur, souvent au sein de leur famille, doivent-elles être remises à plat, selon le souhait du ministère de l’Économie ? Très attendu, le point de vue du Conseil constitutionnel sera bientôt connu. Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, doit présenter à la mi-décembre en conseil des ministres son projet de loi sur l’activité et l’égalité des chances qui doit, entre autres, « simplifier les règles d’installation » des notaires. En ligne de mire, le « droit de présentation » qui permet aux notaires en exercice de présenter leur successeur, lequel doit par la suite être nommé par le garde des Sceaux. M. Macron a dénoncé des « archaïsmes » et des blocages à l’égard des jeunes et des femmes, dans ce système. S’il existe aussi des concours pour les nouveaux offices créés chaque année en France, leur nombre est faible. Or mercredi les Sages ont examiné en audience une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les règles d’installation des notaires, à la suite du recours engagé par un particulier, Pierre Thiollet. Depuis avril, celui-ci a attaqué une centaine de nominations de notaires. Selon son avocat, Me Jean de Calbiac, le droit de présentation est contraire à la Constitution : il enfreint le principe d’égale admissibilité aux « dignités, places et emplois publics », énoncé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Et si les Sages devaient considérer que les notaires n’exercent « ni un emploi public », ni « une délégation de service public », alors il s’agit d’une activité privée, fait valoir l’avocat, et le droit de présentation enfreint la liberté d’entreprendre protégée par l’article 4 de la Déclaration de 1789. Ce « droit discrétionnaire, pour chaque notaire, de choisir librement son successeur », explique l’écart entre « les quelque 1 600 diplômés notaires par an et les 300 personnes nommées notaires ».
Or « le niveau de rentabilité assez confortable des études notariales, 37 % selon l’Inspection générale des Finances (..) et les revenus annuels supérieurs au million d’euros dans certaines études parisiennes », incite le notaire à « choisir ses successeurs parmi ses proches ». D’où une « profonde inégalité entre diplômés notaires, en raison de leur réseau relationnel et surtout de leur filiation », a plaidé Me de Calbiac.
Pour l’avocat du Conseil supérieur du notariat (CSN), Me Emmanuel Glaser, en revanche, les notaires ne peuvent pas être considérés comme occupant des « places, dignités et emplois publics » au sens de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme, car ils exercent une profession libérale. En outre, le droit de présentation « n’est qu’une simple faculté offerte aux notaires », a plaidé Me Glaser, la loi ne prévoyant pas d’« obligation », pour le Garde des Sceaux, de nommer ces mêmes candidats.
Si le droit de présentation venait à être déclaré inconstitutionnel, celui en vigueur chez les avocats aux Conseils (Conseil d’État, Cour de cassation) ou les greffiers en chef des tribunaux de commerce, pourrait aussi être sanctionné. La décision du Conseil constitutionnel est attendue le 21 novembre.
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