Construite dans le village d’Alt Rehse, dans une région rurale du Mecklembourg, (Nord Est de l’Allemagne), l’« École du Führer pour les médecins allemands » évoquait une ferme modèle, avec ses grands bâtiments aux toits de chaume et ses plantations soigneusement entretenues. De 1935 à 1943, 10 000 médecins, un millier de pharmaciens et autant de sages-femmes y effectuèrent des stages de quatre à six semaines, combinant cours théoriques sur la médecine et la santé, notamment en matière de « pureté raciale », et activités sportives et de plein air, dans une ambiance à mi-chemin entre l’université d’été et la caserne.
Depuis 2002, cette « École », abandonnée après la guerre, est devenue un lieu de mémoire et de réflexion sur l’éthique et la santé, animé par une Fondation. Comme l’explique son directeur, l’historien Rainer Stommer, « le but de ces stages était de persuader les professionnels de santé que certains actes, dont l’euthanasie, étaient éthiquement et moralement acceptables ». En outre, « l’École du Führer » transmettait aux médecins et aux pharmaciens les conceptions du régime en matière de médicaments et de plantes. Pour cela, un jardin médicinal fut créé en 1936, sous l’égide du Reichsapothekerführer Albert Schmierer, l’équivalent, nommé par les autorités, du président de l’Ordre des pharmaciens, tout puissant pour la profession. Ce dernier, ancien officinal à la tête d’un institut d’étude sur les plantes médicinales, ainsi que de nombreux organismes professionnels, se rendait fréquemment sur place, et y faisait aussi des cours sur le rôle et les missions des pharmaciens ; en outre, l’Ordre finança le bâtiment destiné à les accueillir lors de leurs séjours.
Pour les nazis, poursuit Rainer Stommer, les plantes médicinales avaient de nombreux avantages : héritées de la tradition, relativement faciles à cultiver, elles favorisaient aussi les cultures locales, donc autarciques, et ne coûtaient pas très cher. Bien évidemment, seules les plantes d’origine « allemande » étaient parées de vertus et donc retenues pour ces cultures. Le jardin d’Alt Rehse servit de modèle à la création d’un jardin similaire au camp de concentration de Dachau en 1938. Alors que le jardin d’Alt Rehse était cultivé par des jardiniers et des pharmaciens, celui de Dachau l’était par des déportés, qui durent travailler à sa réalisation puis à son entretien dans des conditions très dures. Quelques autres camps furent dotés de jardins comparables, dont la production était ensuite revendue aux pharmacies puis à leur clientèle…
En 1943, les stages cessèrent faute de médecins et de pharmaciens, tous affectés à des tâches militaires plus urgentes. Lorsque les Soviétiques conquirent la région, en 1945, ils brûlèrent ou emportèrent les archives, si bien qu’il est presque impossible, en dehors de témoignages d’anciens stagiaires, de savoir qui y était venu et comment se déroulaient les formations.
Selon M. Stommer, les premiers stagiaires étaient d’abord des médecins et des pharmaciens membres du Parti, et les autres devaient les suivre petit à petit, projet finalement contrarié par le cours de la guerre. De plus, les professionnels de santé des pays ou régions annexées, dont l’Alsace et la Moselle après 1940, devaient se « reformer » obligatoirement pendant quelques semaines à Alt Rehse : en 1941, plusieurs médecins et pharmaciens alsaciens y furent ainsi « conviés ». Selon les souvenirs de l’un de ces médecins, les cours théoriques étaient plutôt ennuyeux, mais la vie sportive et au grand air ne leur a pas laissé que des mauvais souvenirs.
Aujourd’hui, le site fonctionne grâce à différentes subventions et organise de nombreux séminaires. Si le jardin médicinal a disparu, son évocation permet aussi de se pencher sur la vie et l’activité des pharmaciens allemands à l’époque nazie, qui reste globalement mal connue et peu étudiée.
Pour plus d’informations : www.ebb-alt-rehse.de
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