IL ARRIVE que des questions posées au comptoir se trouvent sans réponse. Parce qu'on ne sait pas précisément, ou même pas du tout. Préparateurs et pharmaciens ont quelques excuses. La santé est un vaste domaine et l'officine tient à disposition du public plusieurs milliers de références. L'équipe ne peut donc légitimement pas tout savoir. Mais elle ne peut laisser un client sans réponse. Comment réagir lorsque tombe une question inattendue ? Quelle attitude adopter pour ne pas se décrédibiliser ? Comment trouver et présenter sa réponse ? Les précieux conseils de Christine Caminade, Brigitte Defoulny, Françoise Martin et Fabiole Moreddu, intervenantes en officine.
. Quelle attitude adopter spontanément ?
Premier réflexe, ne pas se laisser déstabiliser lorsque surgit une question dont on ne connaît pas la réponse. « Ne prenez pas un air étonné, gêné, voire affolé. Restez imperturbable, autant que possible », recommande Brigitte Defoulny, directrice de la société de conseil et de formation Héliotrope. Confiance et sérénité sont de mise. « Ne dites pas spontanément, ou ne laissez pas voir, que vous ne savez pas », indique Françoise Martin, pharmacienne et consultante pour l'officine. A fortiori, ne vous excusez pas de ne pas savoir, complète Fabiole Moreddu, pharmacienne et consultante de la société DTalents. Comme le client attend une réponse immédiate, trouvez quelques astuces pour gagner du temps. « Vous pouvez reformuler la question de votre interlocuteur », propose par exemple Brigitte Defoulny. La réponse peut alors commencer par « Si je comprends bien votre question », puis reprendre les termes de l'interrogation. Ces quelques secondes de répit peuvent aussi être mises à profit pour trancher : vous savez ou vous ne savez pas satisfaire à la demande. Dans le second cas, la réponse devra être différée. « Si vous ne savez pas, vous devez toutefois savoir où trouver votre réponse », affirme Brigitte Defoulny. Pour des précisions sur les caractéristiques d'un produit, il est bien entendu qu'il ne faut pas s'en remettre, devant le client, à la notice ou aux indications de l'emballage. Mauvais effet garanti. La connaissance des principes actifs, des indications, des posologies et des effets indésirables les plus fréquents font partie des prérequis du métier officinal. Malgré tout, pour rechercher ou vérifier une information, on a recours à la documentation « papier » (dictionnaires Vidal et Théra, etc.) ou à Internet (voir encadré sur les sites).
La recherche d'informations.
Tout d'abord, ne commencez pas par vous justifier avec des formules telles que « Je vais regarder, je ne voudrais pas vous dire de bêtises ». Même si vous n'avez pas le moindre élément de réponse, cela ne doit pas transparaître de l'autre côté du comptoir. Dites plutôt : « Si vous voulez bien, je regarde pour vous donner une information très complète », ou « Si vous avez quelques instants, je fais une recherche auprès d'une banque de données », suggère Brigitte Defoulny. « Cette démarche n'est pas négative. Elle montre que les officinaux sont rigoureux », analyse Christine Caminade, docteur en pharmacie et formatrice. Plusieurs possibilités s'offrent ensuite à vous. Françoise Martin propose de chercher la réponse au comptoir, avec le patient. « Vous pouvez tourner l'écran dans sa direction pour lui faire partager l'information trouvée sur Internet, indique t-elle. La réponse est également recherchée dans un ouvrage professionnel que l'on peut consulter avec le patient au comptoir ». Mais cela vous expose au risque de le voir s'approprier votre Vidal et se plonger, seul, dans sa lecture. Si la recherche se fait en back-office, mieux vaut ne pas s'absenter trop longtemps. Cela pourrait être source d'inquiétude pour votre interlocuteur. « Vous pouvez entreprendre la recherche hors de la vue du client, mais seulement si vous savez où trouver très vite l'information », estime Brigitte Defoulny. Si la réponse ne vient pas au bout de quelques minutes, il faut la différer. Vous ferez votre recherche plus tard. Soit le client repasse le lendemain, de préférence aux heures creuses pour l'officine. L'idéal serait alors de lui remettre des documents que vous aurez imprimés. Soit vous prenez ses coordonnées pour le recontacter sous 24 heures. Une proposition pour l'amener à faire ce choix : « Je n'ai pas trouvé de réponse immédiate dans ma base de données. Je vous confirme cela (ou je me renseigne précisément pour vous apporter une réponse) au plus vite ».
. Peut-on faire appel aux autres ?
Pour apporter une réponse immédiatement, on serait tenté de solliciter un autre membre de l'équipe. À l'officine, certains ont même pour consigne de s'adresser à un diplômé en cas de besoin. Il y a quelques règles à respecter. Appréhendez votre collègue avec tact, en prenant soin de ne pas le déranger dans ses activités. Cette fois encore, Brigitte Defoulny préconise que cela ne se fasse pas devant le client, mais un peu à l'écart du comptoir. « Si ce n'est pas possible, soyez discret. Ne posez pas la question à la cantonade, car le risque est qu'un autre client s'en mêle et interfère », prévient Fabiole Moreddu. Il faut viser juste. Pas question de refiler le bébé n'importe comment. « Ne mettez personne en porte à faux. L'équipe doit se mettre d'accord au préalable. Car si votre collègue, lui non plus, ne sait pas répondre, cela peut être très risqué », avertit Brigitte Defoulny.
Fabiole Moreddu estime, pour sa part, que cela n'est pas si grave. Vous pouvez dire à votre interlocuteur : « Très honnêtement, je n'ai jamais entendu parler de cette question. Mon (ma) collègue non plus. C'est un sujet intéressant sur lequel je vous remercie d'avoir attiré notre attention ». Pour la consultante de DTalents, cette attitude valorise la demande du client sans forcément dévaloriser l'officine et son équipe. Si la question porte sur un domaine qui vous est inconnu (par exemple une gamme spécifique de cosmétiques), indiquez-le d'emblée à votre client. « Si vous voulez bien, je vais vous adresser à une personne plus particulièrement spécialisée » est une formule proposée par Brigitte Defoulny.
. Se prononcer sur les effets d'un traitement.
Des questions sont régulièrement adressées aux officinaux sur l'efficacité des médicaments prescrits ou conseillés, et sur d'éventuels effets indésirables. De la même façon, ne laissez pas penser que vous n'avez pas de réponse précise à donner. Cela pourrait avoir un impact très négatif sur l'observance. Rien n'est plus contagieux que le doute. À l’inverse, n'affirmez rien dont vous ne soyez sûr et certain. Surtout, pas de réponse hâtive et péremptoire du type « Cet effet secondaire ne s'est jamais produit » ou « À ma connaissance, cela n'arrive pas ». Pour autant, soyez rassurant. Préférez une réponse un peu générale, qui minimise la survenue d'une mauvaise tolérance. Aussi, Brigitte Defoulny préconise de rappeler cette réalité : « Pour aucun médicament, on ne peut garantir une absence d'effets secondaires à 100 %. Mais sachez que, dans au moins 95 % des cas, ce produit est extrêmement efficace et bien toléré ». Il n'est donc pas question de nier la survenue éventuelle d'effets indésirables. « C'est même la preuve de l'efficacité d'un médicament », ajoute Brigitte Defoulny. Pour la directrice d'Héliotrope, il est bon de rappeler que des études rigoureuses ont été menées avant la mise sur le marché d'un médicament. Et que celui-ci est toujours sous surveillance, soumis au principe de précaution. Une démarche de pharmacovigilance incombe en effet aux professionnels de santé, qui peut mener au retrait ou à la suspension de la commercialisation d'une spécialité.
. Comment affronter la rumeur ?
Nocivité des antennes relais, des téléphones portables, lien entre antitranspirants et cancer du sein, présence de bisphénol A dans des biberons, inefficacité des préservatifs dans la lutte anti VIH… Les suspicions et rumeurs portant sur des sujets de santé ne manquent pas. Faisant les gros titres des médias, ces inquiétudes sont régulièrement relayées au comptoir. Parfois sans nuances. « Des clients peuvent présenter une rumeur comme une véritable information », rapporte Fabiole Moreddu. Dans ce cas, pas de sourire en coin, de signes d'agacement (yeux au ciel, etc.) ou d'impatience (par exemple en coupant la parole de son interlocuteur). « Si le client vous parle d'un sujet sur lequel il a des doutes, c'est forcément important pour lui. Il s'est même peut-être déjà renseigné sur la question. Donc, ne minimisez pas ses propos », argumente Fabiole Moreddu. S'agissant de questions sur des fléaux sanitaires, comme la grippe porcine, remettez-vous en aux informations de la presse professionnelle (voir ainsi en page 2 le point sur la nouvelle grippe d’origine porcine) et aux autorités. La réponse proposée par Brigitte Defoulny est la suivante : « En tant que professionnels de santé, nous sommes informés en priorité. Sachez qu'en France, à ce jour, il n'y a aucune raison de s'alarmer ». Si une rumeur vous est totalement inconnue, dites le d'entrée de jeu à votre client : « Je vous avoue que je n'ai jamais entendu parler de cela. Je vous écoute. Dites-moi précisément ce que vous savez sur la question ». Fabiole Moreddu préconise de sonder le niveau de connaissance sur le sujet et d'identifier les sources d'informations. On aura donc une idée un peu plus précise sur leur véracité.
Après l'écoute, vient le moment de formuler une réponse. Le client attend souvent du professionnel qu'il tranche entre les avis contradictoires. Or la médecine n'est pas une science exacte. « On ne peut pas toujours lever les doutes à 100 % », reconnaît Fabiole Moreddu. Que répondre alors ? « Que, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, on peut avoir tel ou tel discours. Mais il n'est pas exclu que ces conclusions évoluent à l'avenir », propose la consultante de DTalents. Dans ces conditions, on ne saurait être catégorique. Plus tard, votre client pourrait vous le reprocher. « Dites au patient que, a priori, il y a ou il n'y a pas de risques. Évoquez la notion de principe de précaution, recommande Françoise Martin. On peut donner les résultats des dernières études fiables sans vraiment se prononcer dans un sens ou dans l'autre ». Toutes ces recherches peuvent finir par être chronophages pour les officinaux. D'où cette suggestion de Françoise Martin : « Si vous manquez de temps, indiquez à votre client les sources de documentation où il pourra trouver des informations ».
. Se positionner sur l'évolution d'une pathologie.
Il n'est pas rare que, à l'issue de la dispensation d'une ordonnance, un patient demande son avis au pharmacien sur l'évolution d'une pathologie. « S'il s'agit, par exemple, de la dermatite atopique chez un enfant, on peut dire que, dans la majorité des cas, les symptômes s'améliorent avant l'âge de deux ans », estime Fabiole Moreddu. Mais comment réagir si les interrogations portent sur le caractère évolutif d'une sclérose en plaque ou d'un cancer ? Nos expertes en communication sont catégoriques : il faut prendre en considération ce type de questions, mais ne jamais se risquer à y répondre. « Le pharmacien est spécialiste des médicaments, pas des pathologies, rappelle Fabiole Moreddu. L'évolution de la maladie varie en fonction de différents éléments médicaux et environnementaux ». Éléments que, de toute façon, les officinaux n'ont pas en main. « Dites à votre patient que vous ne disposez pas des données détenues par son médecin et que, par conséquent, il vous est difficile d'apporter une réponse », justifie Brigitte Defoulny. La règle est donc d'orienter vers le praticien. Il est le seul à pouvoir apporter des réponses. « Ne prononcez surtout pas le mot cancer à l'examen de l'ordonnance, ou même à partir des propos de la personne. Son médecin peut très bien ne pas l'avoir mis au courant », avertit Françoise Martin. Demandez donc à votre patient ce que son médecin lui a dit à ce sujet. « Ne vous lancez pas dans des interprétations de quelque nature que ce soit, conseille Brigitte Defoulny. Et s'il n'a pas posé la question au médecin, invitez-le à le faire lors d'une prochaine consultation ». Le rôle de l'officinal se cantonne ici à rassurer le patient, en l'encourageant à ne pas baisser les bras et à suivre son traitement. Christine Caminade recommande aussi de lui indiquer les coordonnées d'associations de malades, qui pourront sûrement l'épauler.
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