Quasiment inconnus du grand public, les 751 députés européens (dont 79 Français) mènent un travail législatif considérable, en participant à l’élaboration de directives et de règlements qui concernent tous les domaines de la vie des Européens, santé, pharmacie et médicaments compris*.
En théorie, les compétences de l’Union européenne dans ce domaine devraient se limiter à la protection de la santé, ainsi qu’à l’amélioration de la sécurité et de la qualité des traitements, y compris en matière de formation et de compétences des professionnels de santé. Pourtant, bien que l’organisation et l’économie des systèmes de santé relève des États membres, la Commission européenne considère que certaines dispositions nationales, dont les restrictions d’accès à différentes professions - en particulier les pharmaciens - peuvent entraver les sacro-saints principes européens de libre circulation des personnes, des services et des biens.
Dans le même temps toutefois, l’UE souhaite élargir les missions des pharmaciens, par exemple en matière de vaccination : la Commission recommande désormais aux États membres de faciliter l’accès à la vaccination dans les pharmacies, et salue la proximité des pharmacies dans la prévention et l’éducation à la santé.
Une Commission très libérale
Les propositions de la Commission en matière d’organisation des services de santé ont débouché à plusieurs reprises sur de vives polémiques avec les professionnels concernés, qu’ils soient médecins, pharmaciens ou dentistes. Mais en 2009, la Cour de Justice européenne a confirmé la conformité du monopole et du capital des pharmacies avec le droit européen, au grand dam de la Commission de l’époque qui en souhaitait l’ouverture. Dans ces conflits, anciens ou récents, on relève cependant que les députés européens se sont souvent montrés plus « protecteurs » des règles nationales que la très libérale Commission.
En 2017 par exemple, plusieurs députés ont été amenés à élaborer un compromis autour de la notion de « proportionnalité », c’est-à-dire l’évaluation des mesures de contrôle d’accès à une profession, que la Commission souhaitait partiellement supprimer au nom de la liberté des services. Les professions médicales ont dû batailler pendant plusieurs mois pour montrer que certaines restrictions d’accès, comme les répartitions par quotas, obéissaient certes à des impératifs économiques, mais aussi de santé publique, et ne pouvaient donc être comparées à des mesures administratives visant à limiter le nombre d’experts-comptables ou de notaires.
Un parlement plus proche des officines ?
S’il se présente, parfois avec un peu trop d’emphase, comme « la voix de l’Europe des citoyens », le Parlement n’en reste pas moins la structure la plus accessible (certains parleront d’influences et de lobbyisme excessif) de l’Union européenne. C’est donc aussi pour cette raison qu’il est important d’élire des députés européens qui, au-delà des grandes envolées lyriques autour de l’Europe, savent jouer un rôle très concret en participant à l’élaboration et à l’amendement de directives qui, tôt ou tard, influenceront la vie quotidienne de chacun.
Bien conscients de ces réalités, les pharmaciens européens, que ce soit au niveau national ou à travers leurs représentants auprès des institutions, profitent des campagnes électorales pour rappeler, tant aux candidats qu’à l’opinion publique, les orientations qu’ils jugent prioritaires.
C’est ainsi par exemple que l’Association des pharmaciens allemands, l’ABDA, a publié un véritable « manifeste » résumant ses attentes au sein du nouveau Parlement. Elle l’appelle, avant tout, à faire respecter le principe de subsidiarité garanti par les traités européens, c’est-à-dire à laisser aux États le soin d’organiser eux-mêmes leurs systèmes nationaux de santé, y compris donc en matière de financement, d’accès et de réglementation. L’Europe doit, elle, s’occuper des sujets qui concernent l’ensemble du continent, comme la sécurité des médicaments ou la qualité des formations. À l’image de plusieurs autres associations de professionnels de santé, l’ABDA invite l’UE à « renoncer aux tendances libérales qui menacent la cohérence des systèmes de santé ».
Agir contre les ruptures de stock
De plus, l’ABDA appelle les parlementaires européens à encourager le retour de la production pharmaceutique, et notamment celle des matières premières, sur le territoire de l’UE. Ce retour à l’autosuffisance, rappelle-t-elle, est indispensable pour mettre un terme aux ruptures de stock, de plus en plus fréquentes, qui touchent tout le continent. Enfin, elle exhorte l’Europe à favoriser le développement des nouveaux services… mais lui demande de ne pas oublier que ceux-ci ont un coût, incompatible avec les baisses de revenus qu’entraînerait l’irruption d’un libéralisme sauvage dans la distribution du médicament.
* Un aperçu intéressant de l’impact de la politique européenne sur la vie quotidienne des Européens a été réalisé par le Parlement à l’adresse https://www.what-europe-does-for-me.eu/fr/portal/2/B65, et peut être consulté globalement ou par mots-clés, y compris « pharmacie ».
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