Le monde aujourd'hui

Sans Hollande, ce sera la même bataille

Par

Publié le 05/12/2016

Article réservé aux abonnés

La soudaine décision de François Hollande de ne pas se présenter pour un second mandat constitue un événement de nature historique, mais qui ne modifie pas sensiblement le rapport de forces gauche-droite dans le cadre des élections de 2017. Le sacrifice personnel du président permet sûrement à la gauche de trouver un meilleur candidat, ce qui ne veut pas dire qu'un autre homme, Manuel Valls par exemple, parviendra à renverser la situation.

La gauche est nécessaire, ne serait-ce que parce qu'il faut toujours se méfier des consensus apparents qui, s'ils se trompent sur la voie qu'ils ouvrent, conduisent parfois à une erreur historique. Au pouvoir, et sous François Hollande, elle n'a pas commis que des bévues. Avec lui, l'humanisme français a été protégé, notamment dans l'immense bataille qui nous oppose au djihadisme à l'intérieur et à l'extérieur de nos frontières. Le gouvernement n'a pas toujours pu ou su prévenir les attentats, mais il a combattu la terreur avec constance, sang-froid et compassion pour les victimes. Ses calembredaines, qui vont des imprudents propos tenus par le président à des journalistes à la querelle familiale qui a opposé le chef de l'Etat à son Premier ministre, n'ont pas empêché le pouvoir de tenir son rang et de rester digne dans une simplicité et une proximité qui sont la marque de M. Hollande.

Mais la France a sincèrement essayé le programme de la gauche avec le résultat que l'on connaît et qui est catastrophique sur le plan social. L'ennemi de la finance a alimenté la progression du chômage. Le parti des déshérités a aggravé leur sort. Le défenseur de la veuve et de l'orphelin n'a pas su leur offrir un espoir. Il y a une force dans les cycles politiques qui tétanisent leurs acteurs. Les dirigeants, qu'ils soient aimables ou non, sincères ou non, habiles ou non, ne comptent pas autant que la puissance des événements qui les transcendent. Dans ces conditions, il n'est ni excessif ni partial de dire que le moment de l'alternance est venu et que, de même que François Hollande a succédé démocratiquement à Nicolas Sarkozy en 2012, la gauche qui a échoué doit laisser la place à la droite en 2017.

Une alternative à l'extrême droite

Il ne s'agit pas de s'accommoder d'une quelconque fatalité. Il s'agit d'une évolution en quelque sorte inéluctable parce que ceux qui, à gauche, prétendent remplacer M. Hollande, sont à peine moins responsables que lui de ce qui s'est passé dans ce pays depuis 2012. Ils ont pataugé dans une série de demi-mesures et ils ont fait une crise de nerfs. Il est vrai que M. Fillon, qui fut aux côtés de M. Sarkozy pendant cinq ans en qualité de Premier ministre, devrait lui aussi être comptable des échecs passés de la droite. C'est d'ailleurs cette brèche dans son armure qui lui vaut aujourd'hui d'acerbes critiques de toutes les composantes de la gauche. Mais, d'une part, il a présenté un projet qui est certainement le plus novateur et le plus crédible sur le plan économique et social. Et, d'autre part, s'il devient, comme il se doit, la cible privilégiée de la gauche, il offre une alternative valable à l'extrême droite. M. Juppé aurait pu lui aussi jouer ce rôle, mais le scrutin en a décidé autrement.

Or la montée du Front national, qui sera sans doute présent au second tour de la présidentielle, n'est pas un danger à relativiser ou à négliger. Elle s'inscrit dans un mouvement historique qui parcourt toute l'Europe d'un frisson de fièvre. Elle est en accord avec ce que nous voyons en Autriche, en Pologne, en Hongrie, en Allemagne, en Slovaquie, avec le Brexit, avec la victoire de Trump aux Etats-Unis. L'incapacité de la gauche à réduire le chômage et les inégalités a contribué à renforcer le Front national et si, par extraordinaire, la gauche empêchait l'alternance, le round suivant n'aboutirait qu'au triomphe de Marine Le Pen. Nous devons collectivement préférer un pouvoir de droite qui se pliera aux règles démocratiques à un pouvoir d'extrême droite qui fera tout pour s'en affranchir. Il ne s'agit plus de droite ou de gauche, il s'agit de choisir entre un candidat qui a fait du « Faire » non seulement un livre mais sa doctrine et un autre qui résultera forcément d'une bataille fratricide. La gauche a besoin d'un retrait, d'une réflexion, de se ressourcer, de se demander pourquoi elle, qui éprouve tant de détestation pour le thatchérisme, n'a jamais choisi le schrödérisme et n'a jamais décidé de se réformer elle-même avant de réformer la France.

Richard Liscia