AUJOURD’HUI, les pharmaciens qui s’installent pour la première fois ou qui reprennent une officine préfèrent clairement l’exercice en association : selon les dernières statistiques de l’Ordre, plus de la moitié (56 %) des titulaires exercent désormais en association, la SEL étant la forme de société la plus choisie. Il y a ainsi, actuellement, environ 7 300 sociétés d’exercice libéral, déclinées principalement en SEL à responsabilité limitée (SELARL), mais aussi, pour une plus petite part, en SEL unipersonnelles à responsabilité limitée (SELURL) ou en SEL par actions simplifiée (SELAS).
Or ce phénomène devrait continuer à s’amplifier dans les mois et les années qui viennent, en raison de la publication, le 6 juin 2013, du nouveau décret relatif à l’exploitation des officines sous forme de SEL et de sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL). « Dans moins de quatre ans, la majorité des officines sera exploitée en SEL », commente Luc Fialletout, Directeur général de la société de financement Intertfimo. Conséquence de cette évolution : les autres formes juridiques d’installation restent minoritaires ou sont baisse. La SEL est donc incontournable pour un adjoint qui souhaite devenir titulaire. Comment articuler l’acquisition d’une officine par le biais d’une SEL avec le nouvel outil que constitue la SPFPL ? Les montages les plus conseillés sont les suivants.
. AVANTAGE FINANCIER.
La SEL procure un avantage évident pour l’acquisition et l’exploitation d’une officine. L’achat d’un fonds officinal avec cet outil permet en effet d’accéder à une pharmacie d’un prix plus élevé qu’en exercice individuel ou avec une société soumise à l’impôt sur le revenu, telle qu’une société en nom collectif (SNC). Explication : « dans le cadre d’une SEL à l’IS, les bénéfices mis en réserve ou consacrés au remboursement des emprunts ne supportent qu’un taux d’imposition de 15 % jusqu’à 38 112 €, ou de 33,33 % au-delà de cette somme. Les associés ne paient alors ni impôt sur le revenu, ni charges sociales, sur cette fraction des bénéfices. À marge bénéficiaire identique, la capacité de remboursement est donc accrue par rapport à un exercice individuel ou à une société à l’impôt sur le revenu », détaille Luc Fialletout dans une note de synthèse.
Bien entendu, sur un plan général, la société d’exercice libéral, comme toutes les sociétés de capitaux, permet aussi de regrouper les moyens financiers de plusieurs pharmaciens et, grâce à la technique de l’impôt sur les sociétés, de capitaliser des réserves ou d’investir en franchise d’impôt. Mais l’avantage de la SEL n’est pas que fiscal et financier. Sur le plan patrimonial, notamment, la société d’exercice libéral autorise des arbitrages entre la rémunération du travail et la rémunération du capital par les dividendes. Attention toutefois : les dividendes sont désormais soumis, moyennant un abattement de 40 %, au barème progressif de l’impôt sur le revenu (et aux prélèvements sociaux de 15,5 %). En outre, pour les pharmaciens non salariés qui exercent au sein de la société (gérants de SELARL, par exemple), la fraction des revenus distribués qui excède 10 % du capital social est soumise aux cotisations sociales. Pour le pharmacien titulaire, les avantages fiscaux et sociaux à exercer en SEL sont donc limités, et ils ne doivent pas être prioritaires dans le choix de ce type de société.
. CAPITAL OUVERT.
L’autre grand intérêt de la SEL est de permettre à jeune adjoint d’acquérir une officine en entrant dans son capital. Ainsi, lorsqu’il n’a pas les moyens d’acquérir le fonds ou l’ensemble des parts du pharmacien titulaire, un adjoint peut être intégré dans l’officine en s’associant au titulaire et en faisant l’acquisition d’une participation minoritaire. Il pourra ensuite devenir le successeur du titulaire en lui rachetant progressivement ses parts. L’avantage pour le jeune pharmacien est aussi de bénéficier du savoir-faire et de l’expérience de l’ancien titulaire, tout en s’installant avec un apport personnel plus faible que s’il avait acquis un fonds individuel, et en prenant moins de risques professionnels. De son côté, le pharmacien âgé bénéficiera du développement de son officine et pourra même réaliser une plus-value sur la revente de ses parts. À noter aussi que ce type de « cession-transmission » de l’officine est renforcé par une disposition qui permet à un ancien titulaire de détenir pendant dix ans une part minoritaire de la SEL exploitée par le jeune pharmacien. Mais dans tous les cas, il faut retenir que la SEL est la seule société qui autorise un pharmacien non exploitant à investir dans son outil de travail.
Par ailleurs, depuis la parution du décret du 4 juin 2013, un pharmacien peut prendre des participations minoritaires directes ou indirectes - autrement dit via une SPFPL - dans quatre officines en SEL autres que celle où il exerce, et une SEL exploitant une officine peut détenir directement ou indirectement des parts ou actions dans quatre autres SEL de pharmacie : la société d’exercice libéral est donc également un outil d’investissement personnel et un vecteur de travail en réseau. Cette logique de capital et de participations croisées est toutefois relativement peu utilisée jusqu’à présent (moins de 400 SEL ont une participation dans une autre ou deux autres SEL).
. ACHETER AVEC UNE SPFPL.
Le décret du 4 juin 2013 autorise les SPFPL à détenir des participations majoritaires ou minoritaires dans des SEL de pharmacie. Il prévoit que le capital des SPFPL de pharmaciens d’officine est ouvert à des pharmaciens d’officine en exercice, à d’anciens pharmaciens pendant dix ans ou aux ayants droit de ces personnes pendant cinq ans à compter du décès… et aux adjoints. Comme les titulaires, les adjoints exerçant en officine sont en effet habilités, eux aussi, à participer au capital d’une SPFPL. Par ailleurs, une SPFPL peut prendre des participations dans trois SEL au maximum.
Actuellement, un peu plus de deux cents SPFPL d’officine sont inscrites à l’Ordre, mais très peu d’adjoints sont recensés dans le capital de ces structures. Car, pour un adjoint, l’intérêt de la holding n’est pas tant, aujourd’hui, de détenir une participation minoritaire dans une SPFPL que de pouvoir utiliser cet outil pour acquérir une officine et s’installer. En effet, plutôt que d’acquérir directement les parts d’une SEL, un adjoint a intérêt à le faire en constituant une holding avec un autre pharmacien : dans ce cas, c’est la holding qui contractera le crédit nécessaire et remboursera l’emprunt. L’avantage de cette formule est d’abord financier : le remboursement par la SPFPL des intérêts d’emprunt, est payé par les bénéfices réalisés par la SEL, sans prélèvement fiscal ou social. Inversement, lorsqu’un pharmacien rembourse personnellement des intérêts d’emprunt, il le fait avec sa rémunération, laquelle est soumise à l’impôt et aux cotisations sociales. Mais l’avantage est aussi fiscal : en faisant acheter l’officine en SEL par la SPFPL, les intérêts d’emprunt peuvent être déduits des bénéfices de cette officine (voir ci-dessous). Au contraire, un pharmacien qui acquiert directement des parts de SEL (ou d’une autre société à l’IS) ne peut déduire de ses revenus qu’une petite partie des intérêts d’emprunt. Dans cette hypothèse, en effet, le montant des intérêts déductibles est limité pour le pharmacien à la part de l’emprunt qui ne dépasse pas le triple de sa rémunération nette annuelle. Par conséquent, aucun adjoint n’a intérêt aujourd’hui à porter lui-même l’achat des parts d’une SEL dans laquelle il veut exercer.
. OPTIMISATION FISCALE.
En pratique, ce principe de base de l’acquisition de la SEL par la holding peut se décliner, sur option, en deux volets fiscaux. Le premier, et le plus intéressant, est celui de l’intégration fiscale. « À condition que la SPFPL détienne au moins 95 % de la SEL filiale, ce régime permet de déduire intégralement les intérêts d’emprunt et de faire masse des charges de la SPFPL et des produits de la SEL, d’où un résultat fiscal global plus faible », explique Dominique Leroy, expert-comptable du Cabinet Exco Normeco, à Mont-Saint-Aignan. Mais attention : la loi Dutreil imposant au titulaire de l’officine de détenir directement au moins 5 % du capital de la SEL, le régime de l’intégration fiscale ne peut fonctionner, pour l’instant, qu’avec un seul titulaire. Selon tous les spécialistes de la profession, il faudrait donc une modification de ce texte (avec par exemple un seuil de 1 %) pour élargir le périmètre de l’intégration fiscale. Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l’Ordre, a confirmé à Pharmagora qu’elle y était favorable.
À défaut d’intégration fiscale, le régime fiscal mère-fille peut aussi s’appliquer. C’est un système qui reste très avantageux, puisqu’il permet de faire remonter les dividendes de la SEL dans la holding et de rembourser l’emprunt avec ces dividendes, ces dividendes versés par la fille à la « mère » étant exonérés d’impôt sur les sociétés à hauteur de 95 %. « Lorsqu’on a deux associés dans la SEL - de type SELARL -, on s’orientera vers le régime fiscal mère-fille. Les dividendes de l’officine sont alors quasiment exonérés d’impôt. La seule condition est que la SPFPL détienne au moins 5 % de la SEL », poursuit Dominique Leroy.
Les SPFPL, en tant qu’outil d’installation pour les adjoints et les pharmaciens, semblent donc promises à un bel avenir. « D’autant qu’elles peuvent être utilisées pour gérer l’ensemble de son patrimoine professionnel avec une fiscalité allégée, pour créer un groupe de sociétés, pour transmettre l’officine, notamment avec le système de l’apport cession, ou encore pour réinvestir », assure Carole Lejas, expert-comptable au cabinet Exco A2A, à Mérignac.
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