La situation pourrait être comparée à celle des herboristes en France, dont les derniers représentants se battent pour recréer officiellement leur métier supprimé en 1941. La particularité de Taïwan, dont le nom officiel est la République de Chine (État indépendant dont la souveraineté est revendiquée par la Chine, dite République populaire de Chine), réside dans son histoire. Colonisée tour à tour par les Chinois et les Européens, pour finir annexée par les Japonais jusqu’en 1945, l'île reflète ces diverses influences, notamment dans le choix des soins. La médecine traditionnelle taïwanaise s’est enrichie de la médecine traditionnelle chinoise avant de connaître un arrêt brutal pendant les années nippones, à une époque où le Japon voue un culte à la médecine moderne et désavoue les thérapies non fondées sur des preuves. Aujourd’hui, la population taïwanaise semble aussi moderne qu’attachée à ses traditions médicales.
En 1998, les autorités ont souhaité réguler le secteur très artisanal des remèdes traditionnels. En refusant de délivrer toute nouvelle licence à la pharmacie traditionnelle, les autorités espéraient que les médecins et les pharmaciens s’empareraient de cette spécialité, de façon à mieux encadrer prescriptions et délivrances. Ce qui n’a pas eu lieu à cause de la faible rentabilité des traitements traditionnels et de la difficulté à s’approprier les connaissances spécifiques. Selon l’un de ces spécialistes de la pharmacopée traditionnelle interviewé par l’AFP, Lee Ching-chang, qui exerce depuis 54 ans, trois à cinq ans sont nécessaires pour « distinguer les ingrédients de base et la façon dont ils interagissent ». Sa fille, qui travaille à ses côtés depuis plus de dix, continue aujourd’hui à apprendre grâce à son père.
Jeune génération
La situation a poussé l’association des commerçants d’herbes médicinales traditionnelles de Taïwan à organiser une manifestation en novembre dernier devant le ministère de la Santé. L’une des manifestantes, Ku Cheng-pu, avait alors supplié « notre présidente, notre premier ministre et notre ministre de la Santé de venir en aide aux professionnels en herbes médicinales traditionnelles et aux étudiants en formation pour éviter le problème de transmission ». Elle ajoutait : « Notre secteur est prêt à suivre toute la formation nécessaire et à passer des examens. Aussi longtemps que l’État organisera des examens nationaux, nous y participerons. Mais il ne faut pas nous couper toute possibilité de survie en ne nous distribuant pas de licence. » À 36 ans, Ku Cheng-pu travaille dans l’échoppe de son beau-père depuis des années, mais la santé fragile de ce dernier lui fait craindre le pire : « Si je dois fermer boutique, mon plus grand regret ne sera pas de perdre mon moyen de subsistance, mais de voir une tradition mourir. » Le ministre de la Santé Chen Shih-chung s’est donné trois mois pour étudier la loi de 1998 et proposer des mesures pour que ces boutiques traditionnelles puissent « être gérées par la jeune génération ». Selon l’industrie de la médecine traditionnelle chinoise à Taïwan, le nombre de pharmacies traditionnelles serait de moins de 8 000 aujourd’hui, soit moitié moins qu’il y a 20 ans.
Avec l'AFP et Radio Taïwan International.
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