APRÈS que ses travaux de recherche ont conforté l’idée que la science était en marche, le généticien Axel Kahn s’est mis lui-même à marcher : une première traversée de la France du Nord-Est au Sud-Ouest, racontée dans « Pensées en chemin », l’a entraîné à parcourir une autre diagonale, de la Bretagne à la Méditerranée. « Entre deux mers, voyage au bout de soi » (1) est le récit de ce périple de 2 000 kilomètres effectué à l’âge de 70 ans. Sans taire la difficulté physique du défi, Axel Kahn ouvre les portes de son voyage intérieur tout en multipliant ses réflexions politiques sur la France dite d’en bas, à travers des régions souvent riches qui conservent leur dynamisme en s’appuyant sur leurs identités locales. La voix d’un marcheur épris de beauté, conscient des difficultés mais aussi des atouts des contrées traversées.
Loin de ce récit plutôt terre à terre, « la Vie des elfes » (2), le troisième roman de Muriel Barbery après l’énorme succès de « l’Élégance du hérisson » il y a neuf ans, est une sorte de conte fantastique où la nature et le surnaturel tiennent la vedette. Ici, l’avenir de l’humanité dépend de deux fillettes qui doivent réunir les forces supranaturelles dont les a dotées le monde elfique pour combattre un méchant elfe perverti. L’une enchante par sa musique, l’autre parle aux arbres et aux animaux. L’envolée est belle, les richesses du terroir le disputent aux savoirs ancestraux et la magie est partout. Entre onirisme et réel, une écriture qui s’étire et un lyrisme démultiplié qui nous mettent sous hypnose, le roman est déroutant. Mais n’est-ce pas le propre du merveilleux ?
À (re)lire de toute urgence la compilation des grands écrits de Jean-Marie Pelt, professeur honoraire de biologie végétale de l’université de Metz et président de l’Institut européen d’écologie, qu’il fonda dans cette ville en 1971. Elle paraît sous le titre « l’Homme renaturé » (3), son premier livre publié en 1977, ouvrage fondateur de la pensée écologique, aujourd’hui introuvable. Dans « la Vie sociale des plantes », il développe une vision originale du monde végétal qui marque sa proximité avec celui des hommes ; « De l’univers à l’être » présente la fresque de l’évolution, du big bang jusqu’à l’apparition de l’homme ; dans la trilogie « la Loi de la jungle », « la Solidarité chez les plantes, les animaux et les humains » et « la Raison du plus faible », il montre les « inventions » de la nature pour préserver son unité et son équilibre ; et dans « Nature et spiritualité », il parcourt les grands courants spirituels d’Orient et d’Occident.
Régine Detambel ajoute une pierre de taille à son œuvre littéraire avec « le Chaste Monde » (4), la biographie romancée de la vie du naturaliste et explorateur allemand Alexander von Humboldt, qui, en 1789, s’est embarqué avec l’écrivaine romantique Rahel Vernhagen, pour une traversée, à pied ou à cheval, de la majeure partie de l’Amérique du Sud. L’homosexuel rejeté par sa famille et la société prussienne et l’épouse rebelle et contestataire du directeur de l’hôpital juif de Berlin sont à la recherche d’un changement radical de leur vie. Tout en évoquant l’esprit de l’époque et les recherches du scientifique, Régine Detambel montre comment leurs aventures outre-Atlantique ont été une épreuve initiatique qui a bouleversé leur sexualité.
Plateau, plaine et montagnes
Corrézien d’origine, figure majeure de l’école de Brive, à l’origine d’une centaine de livres, Michel Peyramaure, 92 ans, n’est pas seulement un grand romancier de l’histoire. En témoigne « la Maison des tourbières » (5), qui a pour thème un dilemme toujours d’actualité, même si le récit se situe dans l’entre-deux-guerres. Sa passion pour les livres conduit la fille d’un petit fermier du plateau de Millevaches à devenir maîtresse d’école puis à écrire un ouvrage qui connaît aussitôt un grand succès. Pour poursuivre une carrière littéraire, elle doit s’installer à Paris. Est-elle prête à quitter le Plateau et tout ce qui constitue le terreau de son inspiration ?
S’il dirige un lycée en région parisienne, Olivier Maison a choisi de planter le décor de son premier roman, « Ceux de la plaine » (6), en Corrèze. L’auteur décrit la vie d’un village de la plaine du Vaunard à travers des séquences de vie de ses habitants, des personnages hauts en couleur ou des taiseux qui cachent souvent des secrets et des mystères. Ces petites histoires brossent le tableau d’une vie rurale âpre soumise aux lois de la nature et du plus fort.
On grimpe en altitude avec « l’Aigle de Bonelli » (7), un thriller d’alpinisme de Bruno Gallet, par ailleurs guide de haute montagne. Après avoir volé à son père des pierres précieuses acquises illégalement, le héros décide de passer du Valais en France par le mythique sommet de l’Innominata, en empruntant sa redoutable face nord. C’est le début d’une haletante course-poursuite dans l’univers minéral et glacier de la redoutable voie « Bonelli », idéale pour les fans de montagne et d’action.
La montagne aussi habite le huitième livre de Valère Staraselski, « Sur les toits d’Innsbruck » (8), qui est à la fois une balade dans les magnifiques paysages des Alpes autrichiennes et une ballade sentimentale mettant en scène une jeune femme originaire d’Allemagne de l’Est et un autre randonneur français, expert en bois. Avec eux on gravit les pentes et on ressent le plaisir de l’effort mais surtout on écoute la voix de l’auteure qui parle de la beauté de la nature et de ses irremplaçables richesses menacées par notre intempérance, de la montagne comme le dernier refuge contre le désespoir induit par la société.
Catherine Velle (« la Vallée des mensonges ») nous entraîne à l’Observatoire météo du mont Aigoual, dans les forêts du Lingas, au village de l’Espérou : « Un pas dans les nuages » (9) a pour décor grandiose les Cévennes, où une jeune femme s’est réfugiée après un drame ; seule et sous une nouvelle identité, elle est chargée d’animer une radio locale perdue en pleine montagne. Un endroit sauvage, comme certains habitants, une nature et des animaux tout aussi inquiétants et parfois salvateurs.
(2) Gallimard, 294 p., 19,50 euros.
(3) Robert Laffont, 1026 p., 30 euros.
(4) Actes Sud, 272 p., 20,80 euros.
(5) Calmann-Lévy, 212p., 18 euros.
(6) Kero, 23 p., 15,90 euros.
(7) Anne Carrière, 340 p., 20 euros.
(8) Le Cherche Midi, 138 p., 12,50 euros.
(9) Anne Carrière, 349 p., 19,50 euros.
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion