RÉGLER le problème des médicaments manquants dans les officines, telle est la volonté du ministre de la Santé. À plusieurs reprises, Xavier Bertrand avait indiqué, avec fermeté, qu’il entendait mettre un terme aux ruptures d’approvisionnement en spécialités. L’été dernier, le ministre avait même haussé le ton, se disant prêt à contraindre les laboratoires et les grossistes-répartiteurs à respecter leurs obligations. Car, pour lui, il s’agit avant tout d’une question de santé publique. « Il est intolérable qu’aujourd’hui certains patients aient des difficultés à suivre leur traitement normalement », affirme-t-il. Lors du dernier congrès national des pharmaciens, à Bordeaux, Xavier Bertrand a enfoncé le clou : « Si certains veulent travailler en France, c’est très bien, seulement ils doivent le faire comme c’est prévu et non pas en jouant sur des circuits parallèles qui se font au détriment des patients. »
Dans l’esprit du ministre de la Santé, ces ruptures sont à mettre principalement sur le compte des exportations parallèles pratiquées par certains grossistes. Mais aussi de quelques laboratoires qui imposent des quotas de livraison. Qu’en pensent les intéressés ? Le contingentement sert à limiter les risques d’exportation parallèle, se défendent les industriels. Faux, il vise à masquer des problèmes de production, affirment, pour leur part, les grossistes.
Interdire les exportations parallèles.
Peu lui importe qui a tort ou raison, le gouvernement est décidé à trancher. Un projet de décret sur l’approvisionnement des officines en médicament est ainsi dans les tuyaux. Ce texte envisage notamment l’interdiction des exportations parallèles, un durcissement des astreintes assurées les samedis et les dimanches par les répartiteurs (les délais de livraison seraient ramenés de 24 heures en semaine à 4 heures le week-end), ainsi que la mise en place d’un circuit d’approvisionnement direct des laboratoires vers les officines en cas de ruptures se prolongeant au-delà de 72 heures.
Du côté des officinaux, principaux acteurs (avec leurs patients) à faire les frais des ruptures d’approvisionnement, le projet de décret suscite un sentiment mitigé. « Il ne me convient que partiellement », déclare ainsi Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Pour lui, vouloir régler le problème des ruptures essentiellement en s’attaquant aux exportations réalisées par les grossistes ne lui paraît pas résulter « d’une vision très réelle de ce que nous constatons sur le terrain ». En outre, cela risque de fragiliser davantage une profession déjà mise à mal par la modification de sa marge depuis le début de l’année. « Je ne souhaite pas que l’officine paye les conséquences économiques de textes qui augmentent les contraintes des grossistes répartiteurs », explique Philippe Gaertner. Quant à l’approvisionnement direct auprès des laboratoires, le président de la FSPF juge le délai prévu trop long. « En cas de rupture, on ne peut pas attendre 72 heures », souligne-t-il.
Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), est plus enthousiaste. « Avec ce texte, l’État prend ses responsabilités », estime-t-il. Pour lui, la remise en cause des exportations parallèles, l’instauration de plate-formes de dépannage par les industriels, mais aussi la création d’un observatoire des ruptures (qui serait également en prévision), sont de nature à résoudre les difficultés d’approvisionnement. Un point manque toutefois à ses yeux, l’exonération sans exception des frais de livraison pour les pharmaciens. « Je souhaite que l’on précise que toutes les livraisons doivent se faire sans frais et sans discrimination, insiste-t-il. Aujourd’hui la marge des grossistes inclut les frais administratifs et de livraison. Donc pas question qu’un répartiteur fasse payer des frais à un pharmacien sous prétexte qu’il ne fait pas assez de chiffre d’affaires chez lui. »
Michel Caillaud, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), se montre également plutôt favorable aux dispositions envisagées dans le projet de décret. « Tout cela va dans le bon sens, le but n’est pas de trouver des coupables, mais des solutions », indique-t-il. De plus, selon lui, il en va de l’intérêt de l’officine, car, quand un médicament vient à manquer, le patient ne voit de responsable que dans le dernier maillon de la chaîne, c’est-à-dire le pharmacien. Michel Caillaud considère que régler le problème des ruptures va de pair avec celui de la rétrocession en pharmacie. « S’il n’y avait pas eu de rétrocession, dans beaucoup de cas, de nombreux malades n’auraient pas pu poursuivre leur traitement », affirme-t-il.
Quoi qu’il en soit, ce décret n’en est encore qu’à l’état de projet. Mais la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP), très remontée contre le texte (voir encadré), demande d’ores et déjà au gouvernement de revoir sa copie. « D’un point de vue théorique, les solutions que le décret met en place peuvent faire illusion, explique la CSRP. Malheureusement, la confrontation avec la réalité d’une chaîne d’approvisionnement complexe les privera de toute efficacité, au détriment des patients. »
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