La gestion de la chaîne du froid a toujours été un casse-tête pour les pharmaciens, et aujourd’hui plus que jamais.
Les produits thermosensibles sont en effet en nette hausse dans leurs stocks, ne serait-ce que depuis la possibilité qu’ont les pharmaciens de vacciner les patients contre la grippe. Mais il y a encore bien d’autres produits concernés, ceux liés à l’HAD, émanant parfois de la réserve hospitalière et donc très coûteux, les bio similaires également. Les prestataires le disent, les pharmaciens tendent à acquérir des armoires de plus grands volumes pour faire face à cet « afflux » de produits thermosensibles. La bonne gestion de la chaîne du froid est en effet une question de coût, le stock moyen contenu dans les armoires réfrigérées est de 5 000 à 6 000 € selon Luis Dos Santos, responsable commercial d’AJPL Pharma. « Cela peut aller de 12 000 à 15 000 € quand le pharmacien stocke des produits de la réserve hospitalière », commente-t-il. C’est aussi une question de responsabilité, morale bien sûr, mais concrète également et ce vis-à-vis des autorités sanitaires, les ARS. Encore que de ce point de vue peu de choses ont évolué ces dernières années, il y a toujours un flou artistique autour de la gestion des bonnes pratiques dans la chaîne du froid, recommandées par le CNOP, et laissée à la libre appréciation des ARS, celles-ci l’interprètent de façon plus ou moins stricte selon les cas.
Suivi plus précis et confortable
Il y a donc une incitation de fait à une chaîne du froid mieux surveillée dans les pharmacies et celles-ci semblent avoir pris de bonnes habitudes, même si pour elles c’est (encore) une contrainte. Sans doute la position des assureurs joue-t-elle aussi un rôle. « De plus en plus d’assureurs refusent de prendre en charge le contenu des armoires réfrigérées si les pharmaciens ne sont pas en mesure de fournir un relevé de température en cas de sinistre », explique Luis Dos Santos. Dans ce contexte plutôt dynamique, les pharmaciens trouvent chez les prestataires des solutions complètes, associant armoires réfrigérées, capteurs de température et système de transmission des historiques, qui peuvent s’exporter sur clé USB puis être analysés sur PC à l’aide d’un tableur. C’est ce que propose Froilabo par exemple. On peut aussi dissocier le matériel réfrigérant et le reste, les capteurs et les systèmes de transmission et chercher des solutions un peu plus pointues. Tout dépend des besoins des pharmaciens.
Ceux qui ont des stocks importants de produits thermosensibles vont être plus exigeants. Et si fondamentalement les technologies ne changent pas beaucoup au fil du temps, des innovations leur permettent un suivi plus précis et surtout plus confortable. « Ce à quoi l’on s’attache est l’expérience utilisateur, faire en sorte qu’elle soit le plus facile possible », explique Benoîst Macé, responsable de Plug & Track chez l’éditeur informatique Proges Plus. À commencer par le cloud. Certes, il existe des offres cloud depuis plusieurs années déjà. Mais les pharmaciens étaient réticents à confier l’hébergement des relevés de températures à l’extérieur. Pour Benoîst Macé, « il n’y a plus de débat sur le cloud, c’est plus sécurisé que les données hébergées sur son propre PC et cela apporte l’avantage de ne pas avoir à s’occuper du stockage de ces données, pourvu seulement que les pharmaciens aient la certitude d’avoir les données quand nécessaire. »
AJPL Pharma, qui a lancé une offre cloud l’année dernière, est plus nuancé : « oui, il y a de plus en plus demandes, mais ce n’est pas encore l’essentiel de nos ventes », affirme Luis Dos Santos. Néanmoins, le cloud semble d’une logique imparable, en témoigne le positionnement d’un nouveau venu sur le marché, Koovea, qui propose ses solutions uniquement via sa plateforme web. « Nous stockons les données pendant cinq ans, précise Yohann Caboni, Directeur général et co-fondateur de la start-up. Leur consultation facilite le travail des pharmaciens lors d’une inspection, qui fait souvent peur. »
Du Bluetooth, du wifi, de l’Ethernet, de la RFID
Koovéa présente une autre caractéristique symptomatique de la tendance de l’offre à proposer des solutions plus faciles, plus confortables, avec une solution conçue dans un esprit « plug & play ». Outre un capteur de température Bluetooth, cette solution propose un routeur intelligent directement connecté qui va automatiquement chercher le signal opérateur le plus fort. Pas besoin de câblage donc. Proges Plus propose de son côté sa solution Sensornet Connect, un boîtier Ethernet ou wifi pour sondes de températures, afin de transmettre les données selon le mode le plus performant et surtout au choix du pharmacien. AJPL préfère quant à lui une autre technologie, la radio fréquence que la société utilise depuis plus de dix ans. « La RFID à 860 MHz a une portée de 50 mètres, une distance rarement dépassée entre une armoire réfrigérée et un PC, et mille fois moins puissante que le wifi dont les hôpitaux se méfient », affirme Luis Dos Santos. Dans tous les cas, les prestataires proposent des systèmes d’alertes, parfois directement sur les armoires réfrigérées comme Froilabo, « des alertes visuelles et sonores », précise Corentin Steffann, chargé de communication et marketing du fabricant. « C’est autonome, pas besoin d’un PC », ajoute-t-il. Les alarmes peuvent être envoyées directement sur le smartphone. Mails, SMS, ou appels téléphoniques automatisés, surtout à travers les plateformes web que certains prestataires utilisent sont proposés par les prestataires. Il n’y a pas une meilleure solution par rapport à l’autre, c’est en fonction des préoccupations des pharmaciens, certains n’apprécient pas d’être alertés à n’importe quel moment, d’autres souhaitent au contraire suivre de près ce qui se passe, où qu’ils soient. L’essentiel est pour tous de disposer des données relatives à toute rupture, aussi infime soit-elle, de la chaîne du froid, en temps réel.
Homogénéité des températures
Une autre contrainte pèse sur les pharmaciens, bien qu’imprécise, il s’agit de l’homogénéité des températures au sein des armoires réfrigérées. Imprécise parce que les bonnes pratiques évoquées par le CNOP recommandent la qualification ou la cartographie de ces enceintes. C’est-à-dire acquérir la certitude que la fourchette de températures de la chaîne du froid exigée en pharmacie, entre deux et huit degrés, soit acquise. C’est un processus un peu technique, il faut placer quatre capteurs en haut, quatre en bas, et un au milieu de l’armoire réfrigérée pour s’assurer que la fourchette en question est bien respectée partout. Certaines enceintes sont livrées qualifiées mais il faudrait les cartographier régulièrement. Or, il n’y a ne semble-t-il pas d’obligation, ou tout au moins est-elle laissée à la libre appréciation des ARS. Les prestataires proposent en général soit d’assurer la cartographie eux-mêmes, soit de contacter des organismes qui le feront. Et les pharmaciens peuvent les faire par eux-mêmes, des kits existent pour cela. Et envoyer les données à un organisme qualifié. Il est préférable pour cela d’avoir des capteurs autonomes et non intégrés à l’armoire réfrigérée.
C’est en tout cas la remarque effectuée par AJPL Pharma et Froilabo qui tous deux regrettent la présence d’un seul capteur intégré, au quotidien, il faudrait en avoir deux selon les recommandations du CNOP, ensuite parce qu’en cas de problème de l’enceinte, la mesure de la température risque d’en être affectée, et enfin parce que dans le cadre d’une cartographie, il faut faire venir l’organisme spécialisé, ce qui coûte évidemment plus cher. AJPL Pharma, distributeur des armoires réfrigérées de l’Allemand Liebherr, l’une des marques les plus connues dans le domaine de la gestion professionnelle du froid, explique par ailleurs les évolutions cette fois du côté des armoires elles-mêmes. « L’isolation s’est beaucoup améliorée, elles consomment moins, tiennent plus longtemps en cas de rupture de courant, intègre des plaques anticongélation », précise Luis Dos Santos.
En amont et en aval
La chaîne du froid commence bien avant le stockage des produits thermosensibles en pharmacies, et va au-delà, chez les patients. Il n’est évidemment pas du ressort des pharmaciens de ce qui se passe avant, c’est l’affaire des grossistes et logisticiens qui se sont bien équipés, peut-être leur faut-il, pour une meilleure traçabilité, s’assurer de la bonne température des produits à leur réception. Plus délicat est le sujet de la chaîne du froid une fois remis le produit thermosensible au patient. Certes, il existe des pochettes isothermes mais selon les prestataires, elles ne durent pas longtemps et celles qui ont une réelle efficacité sur la durée sont chères. Par ailleurs, les patients mettent ces produits dans leur réfrigérateur, mais peut-être pas au bon endroit. Il faut donc les informer, leur donner des conseils. Mais la technologie viendra au secours des uns et des autres, si l’on en croit Yohann Caboni qui imagine un capteur très fin sur le médicament ou le vaccin, capable de sonner quand la température du frigo ne lui convient pas ou plus. « Cette puce pourrait très bien donner des informations à travers une plate-forme qui serait partagée par tous les acteurs de la chaîne du froid, avec les vérifications à chaque passage de témoin, et le patient est lui aussi acteur de la chaîne du froid », explique-t-il.
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