DANS une période difficile, l’offre peut être tentante. Il s’agit de prestataires commerciaux d’un nouveau genre. Ils ont parfois signé des conventions reconnues avec des CHU qui proposent un nouveau service à leurs patients : acquérir ou louer matériels médicaux et médicaments via un interlocuteur unique aux pertinences reconnues qui assure les livraisons. Mais il y a aussi des aigrefins. Ils récupèrent des ordonnances afin de pouvoir vendre des prestations et des matériels médicaux, pas toujours garantis, à des patients affaiblis. Ces sociétés commerciales, qui n’ont rien de médicales, tombent sous le coup de la loi.
Des visiteurs du soir.
Jean François Houivet est l’un des fondateurs de G-Pharm, un groupement d’une vingtaine d’officines créé par des pharmaciens normands désireux d’innover ensemble et d’améliorer leurs performances économiques. L’officinal, installé à Notre-Dame-de-Bondeville, entre Rouen et Dieppe, a été approché à deux reprises par des commerciaux d’organismes prestataires. « Ils m’ont proposé de " rabattre " vers moi des ordonnances de médicaments de patients alités après un séjour à l’hôpital alors qu’eux-mêmes se chargeraient d’assurer les locations de matériels médicaux, pompes et autres lits. Ils m’ont dit rechercher un partenaire pharmacien privilégié pour assurer la fourniture de l’ensemble des médicaments des patients. Le premier visiteur a même insisté fortement sur le fait qu’il ne fallait surtout pas parler de cet arrangement à l’Ordre des pharmaciens… » Quant à la seconde, il s’agissait d’une jeune femme qui finissait son stage de formation et qui, visiblement, ne connaissait rien à la pharmacie.
« Dans les deux cas, je leur ai vite répondu que ce qu’ils proposaient était parfaitement illégal, dans la mesure où il y avait atteinte aux droits des patients qui ne pouvaient plus choisir leur fournisseur. » L’une a paru étonnée. L’autre, non. « Si vous ne passez pas accord avec nous, nous en prendrons un autre. Cela ne sera pas difficile », a rétorqué le visiteur. Jean François Houivet n’a pas alerté l’Ordre après ces rencontres. Et ses visiteurs ont eu la « sagesse » de ne laisser aucune trace écrite de leur offre, ni aucun nom, ni aucun document commercial.
Une approche totalement illégale.
Le titulaire, qui est par ailleurs professeur associé à la faculté de pharmacie de Rouen où il enseigne la dispensation, a raconté cette aventure à ses confrères lors d’une récente réunion. Et il a connu un vrai succès. « Bravo ! C’est l’exemple même de ce qui tue les petites pharmacies », s’exclame une consœur de Gaillefontaire, dans l’Eure. « Et pourquoi ne pourrions-nous pas nous organiser dans les officines pour proposer ce type de services plutôt que de laisser ces prestataires d’un nouveau genre le faire à notre place ? » propose-t-elle.
Ces prestataires commerciaux récupèrent les ordonnances dans les hôpitaux et les cliniques. Ils se font délivrer les médicaments prescrits et offrent un service complet en assurant la location de leurs matériels médicaux aux patients juste après leur sortie.
Certes, ces interventions de prestataires commerciaux ont toujours existé. Et certaines de ces prestations sont parfaitement licites. Mais elles doivent se dérouler dans le cadre de protocoles de délivrance extrêmement précis et dans un strict respect des règles de droit. Bernard Dieu, pharmacien chef du CHU de Rouen, insiste sur le fait que les prestataires doivent être clairement identifiés, tout comme les missions qui y sont associées. Bernard Gamblin, pharmacien inspecteur de l’ARS de Haute Normandie, souligne, lui, que cette histoire rappelle une « vieille affaire » de détournement d’ordonnances qui a longtemps hanté les murs du CHU de Rouen. Une affaire aujourd’hui enterrée. Mais elle n’était sans doute pas la dernière.
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