ON NE PEUT rien ajouter au déluge de louanges qui, depuis quatre jours, tombent des lèvres de tous les hommes et de toutes les femmes politiques. Jusqu’à Jean-Marie Le Pen qui a vanté le patriotisme de Philippe Séguin. Quand il a été élu député des Vosges en 1978, il est tout de suite apparu comme le chef de file d’une « nouvelle race » de gaullistes et on le présente encore aujourd’hui comme un « gaulliste social ». Ce n’est pas du tout une fausse caractérisation, mais Philippe Séguin était beaucoup plus que ça. Il réclamait, il exigeait, une pratique politique différente de celle qui, de la droite à la gauche et dans les alternances, est encore appliquée aujourd’hui. Son idée enflammée de la chose publique l’a d’ailleurs conduit à se fâcher, au moins momentanément, avec ses meilleurs amis, comme Jacques Chirac, qu’il a contesté, puis servi avec la même passion.
Sous les contradictions apparentes, on devinait le choc des vertus. Il lui fallait parler selon son cœur, au risque de se mettre en porte-à-faux avec son parti, mais sa loyauté l’a ramené à Chirac, lequel s’est servi de lui dans les pires moments de la droite. Par exemple quand, entre les deux tours de 1997, le président, qui n’avait dissous l’Assemblée que pour essuyer une défaite au premier tour des législatives, avait désigné M. Séguin pour remplacer Alain Juppé au poste de Premier ministre. Nomination purement virtuelle. Séguin a accepté de secourir un Chirac désespéré, mais en même temps, il prenait un risque énorme : le président voulait apaiser un électorat qui le fuyait en sollicitant un homme politique déjà très respecté : il a perdu et il a porté un coup terrible à la carrière de Séguin, qui ne s’est jamais vraiment remis de cet épisode.
À chacun des postes qu’il a occupés, Philippe Séguin a fait la preuve de son acharnement au travail et de ses compétences. Il a été notamment un président de l’Assemblée particulièrement respectueux des droits de l’opposition. Capable de prononcer des jugements sévères pour son propre camp, il n’a jamais eu un mot déplacé ou vulgaire pour ses adversaires. Il pratiquait la politique comme si, tous les matins, en se levant, il relisait la Constitution pour s’assurer que, dans la journée, il ne faillirait pas à ses prescriptions. Lors de son débat télévisé du 3 septembre 1992 avec le président Mitterrand, on lui a reproché son obséquiosité. En réalité, il refusait de soumettre la plus haute fonction élective du pays à la passion politique. Républicain, démocrate, il n’en voulait pas moins que les choses changent. Face à Chirac, grand adepte du statu quo, il s’est lancé dans diverses rebellions, par exemple, celle qu’il avait organisée avec Michel Noir et Charles Pasqua. C’était il y a vingt ans. En 1999, il claquait la porte de la présidence du RPR. Il ne supportait plus les compromissions de la cohabitation. Un jour avec Chirac, un autre jour contre.
Le dernier des gaullistes.
En définitive, il aura été le seul gaulliste, social ou pas, qui soit resté authentiquement gaulliste, puisqu’il a fait campagne contre le traité de Maastricht en 1992, c’est-à-dire à une époque où le RPR n’était pas mécontent de montrer son nationalisme tout en sachant pertinemment que l’histoire balayerait toute opposition à l’intégration européenne. Chirac l’a toujours trouvé pour conduire des batailles perdues d’avance, comme l’élection du maire de Paris en 2001, remportée par Bertrand Delanoë. Il a sacrifié Séguin qui méritait mieux que des combats inspirés par des motivations électoralistes. Car il y avait du Mendès chez Philippe Séguin, la même rectitude, la même droiture, inébranlable jusqu’à la défaite. Député des Vosges en difficulté, il a refusé une circonscription plus sûre. Ceux qui l’encensent aujourd’hui feignent d’oublier qu’il leur donnait des leçons de morale et, encore plus souvent, de réalisme financier. C’est d’ailleurs à la Cour des comptes qu’il a pu décrire en long et en large les folies et les gaspillages de la dépense publique. Comme si, enfin, libéré d’une dynamique qui l’eût conduit à la magistrature suprême s’il avait eu un brin de cynisme ou de sournoiserie, il pouvait exceller là où il toujours été le meilleur : l’énumération implacable des dysfonctionnements de la République, mais sans effet direct sur la gestion des affaires. Au moins peut-on dire de lui qu’il n’a nourri d’ambition que pour son pays, pas pour lui-même. Combien d’hommes peuvent en dire autant ?
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