Vingt ans après la chute du Mur de Berlin

Une Allemagne exemplaire

Publié le 09/11/2009

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Depuis plus d’un mois, les médias nous rappellent tous les jours l’anniversaire de la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Nous ne risquions pas d’oublier cette date. Elle est, effectivement, celle d’un basculement historique si important qu’il marque la fin d’un XXè siècle marqué par deux guerres mondiales. Elle est le point de départ d’une réunification allemande à laquelle personne ne croyait avant 1989. Elle consacre le discrédit définitif du totalitarisme.

D’Où VIENT la chute du bloc soviétique ? Du pape Jean Paul II qui a encouragé sa Pologne natale à s’insurger contre Moscou ? De Ronald Reagan qui, par une course au réarmement qui a ruiné l’URSS, a achevé la décomposition du marxisme-léninisme ? De Mikhaïl Gorbatchev, qui a su très vite la direction du vent de l’Histoire ? De George Bush, le père, qui a saisi l’occasion historique, signe indéniable d’un sens politique développé ? De chacun d’entre eux et de tous à la fois. On ne négligera pas non plus la contribution des Allemands eux-mêmes à un mouvement sans précédent au sein duquel la liberté devenait chaque jour plus indispensable face à un système à la fois criminel et absurde.

On a beaucoup critiqué François Mitterrand parce qu’il accueilli l’avènement de la réunification allemande avec un grain de scepticisme et de crainte. Mais il n’était pas le seul. Nombreux étaient ceux qui, à l’époque, redoutaient le retour à une unité allemande qui aurait créé en Europe une entité puissante d’un poids accablant. Tous les pays limitrophes de l’Allemagne en voie de réunification, tous les peuples comme le peuple juif, que le nazisme a tenté d’éliminer, se posaient des questions graves sur la capacité du premier pays d’Europe par la population et l’économie à éviter le triomphalisme, puis l’hégémonie. On doit aujourd’hui à l’ancien chancelier Helmut Kohl et au peuple allemand le choix incroyable de la modestie, de l’effort national, de la discrétion diplomatique, d’un ordre des priorités où la reconstruction de la RDA a tenu la première place et a d’ailleurs coûté tellement d’argent aux Allemands de l’Ouest (avec des résultats mitigés) que les Coréens du Sud, échaudés par l’expérience allemande, ne souhaitent plus réunifier leur pays avec le Nord.

Ce qui compte aujourd’hui, c’est que l’Allemagne réunifiée, leader européen, est une démocratie exemplaire, plus soucieuse du bien-être de ses ressortissants, frappés comme nous tous par la crise financière et économique, que de son influence dans le monde ; plus soucieuse de sa propre tolérance que de riposter brutalement aux menaces sociales, comme l’immigration ; plus proche qu’aucun autre pays d’Israël et des communautés juives : il est extraordinaire que cent mille juifs russes se soient installés en Allemagne depuis vingt ans plutôt qu’en Israël ; plus indulgente à l’égard d’une France capricieuse et cocoricienne que le Royaume-Uni, plus prompte à se rapprocher de l’Amérique après la victoire d’Obama que d’autres pays de l’UE ; plus minutieuse et méthodique dans l’application des principes diplomatiques, avec ses coalitions bringuebalantes et ses renversements d’alliance, mais toujours un gouvernement à principes, que tentée par l’ordre et l’autorité dont elle a gardé un bien mauvais souvenir.

Vertu intérieure.

On le dit très rarement : cette vertu intérieure forge les grandes nations bien mieux que les guerres et les affrontements, bien mieux que l’usage de la force et les réglements de comptes. En ce sens, si Helmut Kohl, comme doué d’un nationalisme contenu et d’une intuition prodigieuse, a joué un rôle essentiel (ce qui n’a pas empêché son peuple de le récuser à la suite d’un scandale au sujet du financement de son parti : il aura été congédié comme Winston Churchill), Angela Merkel, bonne élève à l’école de la longévité politique, incarne mieux que personne cette Allemagne qui nous rassure tous. C’est donc vingt ans après qu’on peut mesurer l’inanité des craintes qu’alimentait la formation au cœur de l’Europe d’une puissance disproportionnée. Et en faire le procès à Mitterrand, (lequel en l’occurrence n’était que de l’avis de François Mauriac : « J’aime tellement l’Allemagne que j’en veux deux ») n’est facile que pour ceux qui n’ont pas de mémoire et considèrent comme acquise la solidité de la démocratie. L’Allemagne, pourtant, œuvre tous les jours pour maintenir à un niveau supérieur les principes qui fondent ce pays à la fois vieux et neuf, dépecé par la rage des anciennes victimes, réunifié par l’irréfragable amour de la liberté.

› RICHARD LISCIA