« La pauvreté, première des maladies ». Dans sa préface de « La santé des populations vulnérables* », le Pr Marc Gentilini souligne que toutes les institutions spécialisées, OMS (Organisation mondiale de la santé) en tête, font ce constat et lancent cette alarme.
La précarité ne fait pas en effet que créer ou amplifier la transmission des maladies infectieuses, elle fragilise les personnes et provoque des dérèglements sociétaux qui engendrent bien des troubles nutritionnels, comportementaux ou addictifs (alcoolisme, tabagisme, drogues). Bien sûr, il y a des pathologies surreprésentées dans les populations pauvres. En France, la moitié des nouveaux cas de tuberculose, estimés chaque année entre 15 000 et 20 000, affecte des personnes en situation de précarité, 40 à 50 % d’entre elles vivant en région parisienne. C’est une maladie opportuniste directement corrélée au niveau de vie et aux phénomènes migratoires (enfants nés dans les pays où la maladie reste endémique). Bien sûr, il y a une population plus à risque que les autres, celle des personnes sans domicile fixe. Parmi « le peuple des sans » (sans-nom, sans-patrie, sans-famille, sans-dents, sans-droits, sans-papiers…), les SDF, dont le nombre est estimé à 141 500 (chiffre INSEE 2012, en hausse de 50 % par rapport à 2001), sont les plus exposés. Âge moyen de décès : 41 ans pour les femmes et 56 ans pour les hommes.
Non-recours.
Bien connues des politiques, ces données n’ont pourtant pas à ce jour donné lieu à l’élaboration d’une politique ciblant franchement les ISS (inégalités sociales de santé) et tentant d’enrayer les inégalités en matière d’espérance de vie selon les catégories sociale, comme le déplore le Haut conseil de la santé publique (rapport d’avril 2010). La loi de modernisation du système de santé (LMSS, 2016) propose bien des mesures d’accompagnement des populations vulnérables avec des structures dédiées, mais elle a oublié dans son axe prévention des orientations pour les populations vulnérables, alors qu’au niveau régional les PASS (permanences d’accès aux soins) restent soumises aux choix des dirigeants d’hôpitaux. Et quand bien même des dispositifs sont créés, le phénomène dit du « non-recours » en limite la portée : en 2014, plus de 20 % des bénéficiaires du RSA ne demandaient pas leur droit à la CMU-C, alors que l’absence de complémentaire fait renoncer à tout type de soins dans 53 % des cas (Journées efficience des systèmes de soins 2015).
C’est tout l’intérêt de ce compendium dirigé par l’ancien président de Médecins du Monde, Pierre Micheletti, de militer pour le croisement des savoirs et des pratiques : en ces temps d’hyperspécialisation médicale et sociale, il est urgent de faire travailler ensemble tous les professionnels qui prennent part à l’amélioration de la santé des plus fragiles. Cette « démocratie participative en santé » a maintenant sa Bible. Un répertoire des savoirs, savoir-faire et savoir-être, indispensable, mais toujours oublié dans la formation initiale des médecins.
*Dirigé par Ch. Adam, V. Faucherre, P. Micheletti et G. Pascal, éditions Ellipses, 414 p., 28 €.
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