LE VOTE des étrangers non européens faisait partie des 101 propositions de François Mitterrand qui, en quatorze ans de présidence, ne l’a pas soumis à un vote parlementaire. Lionel Jospin, peu de temps avant les élections de 2002, qui l’ont éliminé au premier tour, avait réussi à faire adopter par sa majorité à l’Assemblée un projet de loi sur le sujet qu’il n’a pa eu le temps de présenter au Sénat. On ne peut donc pas dire que la gauche se souvient subitement d’un thème qu’elle avait complètement abandonné, même si elle l’a quelque peu délaissé. L’idée de la gauche n’est nullement choquante. Certes, les étrangers peuvent toujours se faire naturaliser français s’ils souhaitent participer aux scrutins nationaux. Mais la République se fait beaucoup désirer et il est difficile d’obtenir la nationalité française. Depuis quelques années, les Français nés à l’étranger ont toutes les peines du monde à faire admettre par une administration particulièrement sévère et tâtillonne leurs droits de citoyens, par exemple quand ils ont besoin d’une carte d’identité.
La question de fond porte sur l’intensité du désir des immigrés non européens de participer aux votes locaux. On a constaté par exemple que les Européens résidant en France ne sont pas nombreux à exercer leur droit de vote. Or le principal échec de l’intégration résulte d’une défiance croissante d’une certaine proportion d’immigrés vivant sur le sol français ou de leurs enfants, nés en France et donc français de droit, à l’égard des institutions républicaines. C’est cette défiance qui anime l’opposition du pouvoir et de l’UMP à la démarche de la gauche. C’est elle qui permet aujourd’hui à Marine Le Pen de s’élever avec virulence contre la proposition de loi. C’est le « risque de communautarisme », tel qu’il est invoqué par les deux droites, qui alimente un débat empoisonné par l’attitude parfois hostile, plus souvent indifférente, des immigrés à l’égard d’une société où l’intolérance continue à sévir ; et par l’amertume des nationaux, qui ne comprennent pas pourquoi les résidents étrangers ne rejoignent pas avec enthousiasme la fête démocratique de l’assimilation.
Mais justement, un droit de vote accordé aux étrangers non européens ne changerait pas la face de la France, sauf à croire que des centaines de milliers de personnes utiliseraient les voies électorales pour imposer leurs idées et leurs croyances à la société française ; ou, plus raisonnablement, que dans les zones à forte proportion d’immigrés, les mêmes idées feraient leur chemin et créeraient des enclaves intégristes. Si le danger est à peu près nul, pourquoi ne pas faire ce geste en direction des immigrés, et contribuer de la sorte à leur intégration ? Inversement, si leur indifférence au problème est majoritaire, pourquoi leur octroyer ce qu’ils ne demandent pas ?
Le but de la manœuvre.
Le vrai sujet n’est donc pas le le vote des étrangers. Il concerne la volonté du nouveau Sénat, à majorité de gauche depuis septembre, de montrer son activisme ; il concerne, aussi et surtout, la volonté plus générale de la gauche d’ouvrir un débat si passionné qu’il creuserait davantage le clivage entre la gauche et la droite et associerait dans le même camp Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Le pouvoir a très bien compris le danger: il s’est rué dans le débat et a fait étalage de son nationalisme, dans l’espoir probablement vain d’empêcher Mme Le Pen de remonter dans les sondages à la faveur de cette affaire complètement artificielle. Voilà donc la droite contrainte d’entonner les chants de l’extrême droite et l’extrême droite qui, allégrement, se caricature elle-même. On ne fera pas aux socialistes le procès de leur misérable manœuvre. Car chacun sait que M. Sarkozy n’a cessé de labourer le champ du Front national pour y faire pousser des suffrages. Le PS le prend au mot, en quelque sorte : si le président veut les voix du Front, qu’il reconnaisse ce qu’il est, un succédané du Front, ou le Front lui-même.
La stratégie de la gauche, décidément infiniment plus manœuvrière qu’il y a cinq ans, fait peser un nouveau danger sur le président de la République. Face à un sujet qui soulève les passions les plus ardentes, les tolérants qui votent UMP préféreront peut-être François Bayrou, les intolérants rejoindront le FN. Et Nicolas Sarkozy, déjà mal engagé dans cette campagne, perdra des voix. On verra à l’arrivée si le calcul était le bon. L’autre question qui se pose est la suivante : pourquoi François Hollande qui a vingt points d’avance sur M. Sarkozy dans les sondages au second tour aurait-il besoin de ce charivari fabriqué pour l’emporter sur son adversaire ?
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