C’EST François Hollande qui a le mieux décrit cette faille particulière de la société française, à savoir l’igérence du pouvoir politique dans les affaires judiciaires. Le scandale déclenché par Mme Prévost-Desprez ne se serait pas produit si l’Élysée n’avait pris la fâcheuse habitude d’exercer sur les procureurs et les juges de très vives pressions et s’il ne s’était engagé dans une reprise en main de la justice. De sorte que l’affaire Bettencourt, censée opposer Liliane Bettencourt à sa fille Françoise, s’étend maintenant aux institutions à cause du rôle joué par Éric Woerth, ancien ministre du Budget et ancien trésorier de l’UMP. Voilà maintenant que M. Sarkozy lui-même, sur lequel pesaient déjà des soupçons soigneusement entretenus par ses adversaires, est directement cité par Mme Prévost-Desprez comme le bénéficiaire d’une remise d’argent devant témoin.
L’ouvrage de MM. Davet et Lhomme consiste à faire le tour des personnages, connus ou moins connus, qui ont payé de leur carrière la hargne du président. Effectivement, Mme Prévost-Desprez, qui a eu maille à partir avec le procureur Philippe Courroye, se présente comme la victime de Nicolas Sarkozy parce qu’elle a été dessaisie du dossier Bettencourt, lequel a été « dépaysé » à Bordeaux où les investigations se déroulent dans un climat beaucoup plus serein. Il n’y a aucune raison de croire qu’elle ment. Il n’empêche qu’elle a commis deux fautes, la première en trahissant le secret de l’instruction, la seconde en faisant état d’un témoignage qui n’en est plus un dès lors qu’il n’a pas été consigné dans un procès-verbal et que le témoin elle-même a formellement démenti, tout en mentionnant des « menaces de mort » qui la condamneraient au silence mais dont elle ne nous dit pas l’origine, pas plus qu’elle ne semble en mesure d’en prouver la véracité. Les dits ou non-dits de l’infirmière s’ajoutent aux accusations de l’ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, dont on oublie trop souvent qu’elle était stipendiée par Françoise Bettencourt, la fille de Liliane, pour espionner sa mère. Enfin, mais, après tout, on ne s’étonne plus de rien, il est puéril d’imaginer un candidat à la présidence de la République en train de recevoir, en présence d’une tierce personne, une enveloppe pleine de billets.
La presse présente Isabelle Prévost-Déprez comme une personne au fort caractère, comparable à ce que Eva Joly fut, elle aussi, en tant que juge d’instruction. Si elle pris la décision d’oublier les règles de procédure et les contraintes de la loi, c’est probablement parce qu’elle en veut beaucoup à Nicolas Sarkozy. Elle ne pouvait cependant ignorer qu’elle s’accordait un rôle dans la campagne électorale. Le président a tout le loisir de méditer sur les haines inextinguibles qu’il inspire et ce qui, dans son comportement personnel, les a déclenchées. Mais il ne sera pas battu par des manipulations politiques. L’opposition dispose d’assez d’atouts pour récuser une forme de combat qui consiste non pas à préconiser une politique mais à discréditer le pouvoir par des moyens contestables.
« Repérage téléphonique ».
M. Sarkozy pourra donc écarter la menace peu crédible qu’une juge souhaite faire peser sur lui. Il sera moins à l’aise pour expliquer, au cours de la campagne, pourquoi il fait écouter des journalistes, ce qu’une loi de 2010 interdit absolument. Il s’agit d’une autre conséquence désastreuse de l’affaire Bettencourt. Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a reconnu que divers services de l’État se sont livrés à des actions de « repérage » téléphonique qui leur ont permis de remonter jusqu’à une « source » au ministère de la Justice ; cette source aurait informé « Le Monde », jour après jour, de ce que découvraient les enquêteurs sur l’affaire Bettencourt. On connaît l’informateur, David Sénat, qui a été limogé et se plaint aujourd’hui d’être « payé à ne rien faire ». Il était chargé des relations avec la presse, ce qui ne l’autorisait pas à violer le secret de l’instruction. Une fois de plus, Nicolas Sarkozy, sous le coup d’une fureur irrépressible, a dépassé les bornes juridiques et M. Sénat, du coup, devient la victime d’une méthode illégale d’investigation.
On ne se réjouira pas de ce tour donné à la campagne électorale qui devrait porter sur les sujets de fond, économiques et sociaux, sur la France et l’Europe, sur les moyens de sortir de la crise et de créer les emplois. Le dénigrement systématique du pouvoir, justifié ou non, ne changera rien à l’humeur du peuple qui veut seulement savoir s’il y a un homme ou une femme d’État capable, aujourd’hui, de défendre les emplois et le pouvoir d’achat en dépit de la crise.
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