Il y a quelques jours, un pharmacien de Béziers (Hérault), excédé par les vols subis par son officine, a décidé d'afficher sur sa vitrine les photos de voleurs pris en flagrant délit par ses caméras de vidéosurveillance. L'officinal, parfaitement conscient que son initiative était interdite, voulait alerter l'opinion et dissuader les voleurs de revenir « se servir » dans son établissement. Une initiative qui n'est pas inédite. En début d'année, un pharmacien de Perpignan (Pyrénées-Orientales) avait lui aussi collé des photos de voleurs présumés sur sa devanture et sur les caisses situées au comptoir. Sur la page Facebook du « Quotidien du pharmacien », des officinaux sans doute confrontés à des vols à l'étalage, expriment leur soutien à leur confrère de Béziers. « Il a bien fait ! », estime une pharmacienne. « Je le comprends parfaitement ! », admet un autre confrère… L'initiative donne même quelques idées à certains : « On devrait peut-être faire pareil… », s'interroge une officinale.
Les vols à l'étalage peuvent pousser à bout l'équipe officinale et l'inciter à chercher des solutions pour y mettre un terme. Il est ainsi légitime de penser qu'un voleur ne remettra pas les pieds dans la pharmacie si sa photo est affichée à la vue de tous. Néanmoins, des lois existent et les officinaux qui céderaient à ce type de pratiques s'exposent à de lourdes sanctions. « C'est interdit pour tout le monde et encore davantage pour les pharmaciens qui ont un devoir de dignité et de probité comme indiqué dans le code de déontologie qui s'applique à notre profession », rappelle Pierre Béguerie, président de la section A du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens. « Je comprends parfaitement que des pharmaciens pussent être exaspérés mais de là à afficher les visages de personnes et les livrer à la vindicte populaire… C'est un procédé qui me choque et qui peut donner matière à des poursuites disciplinaires », prévient le président de la section A.
Ce que dit la loi
En matière de sanctions, l'article 226-1 du Code pénal précise également ceci : « est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui (notamment) en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. » De plus, le fait de qualifier publiquement de « voleur » une personne qui n'a pas été jugée comme tel est également sanctionnable comme prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (qui s'applique également à l'affichage) : « Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation (...) », précise le texte.
En conclusion, « le pharmacien ne peut montrer la photo d'un voleur présumé qu'à la police. Si la personne est identifiée alors il sera possible de porter plainte contre elle directement au lieu de porter plainte contre X », conseille Pierre Béguerie.
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