Cas de comptoir
Le contexte : M. B, 23 ans, commence un traitement par Rifater (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide). Il profite de son passage à l’officine pour reprendre de la solution d’entretien pour ses lentilles.
Votre conseil : « Rifater contient, entre autres, de la rifampicine qui peut entraîner une coloration anormale (jaune, orange, rouge, brune) des larmes et colorer de façon permanente les lentilles de contact. Il serait préférable de porter des lunettes le temps de son traitement. »
Définitions
- Contactologie : pratique paramédicale dont l’objectif principal est de corriger les défauts visuels des patients atteints d’amétropie.
- Amétropie : ensemble des troubles de la vue basés sur un mauvais mécanisme de réfraction de l'œil, qu’il s’agisse de myopie, d’hypermétropie ou d’astigmatisme.
- Myopie : trouble visuel se caractérisant par une vision floue de loin.
- Hypermétropie : défaut visuel entraînant une focalisation plus difficile des objets situés à proximité. Une forte accommodation est donc nécessaire, ce qui peut provoquer une fatigue visuelle.
- Astigmatisme : défaut visuel entraînant une vision floue et déformée de près comme de loin à cause d’une irrégularité de la courbure du cristallin ou de la cornée.
- Kératite : inflammation de la cornée.
Physiopathologie
Anatomie de l’œil
Le globe oculaire est un organe sphérique constitué de trois enveloppes : la sclérotique (enveloppe externe), l’uvée (enveloppe intermédiaire) et la rétine (enveloppe interne). Il contient trois milieux transparents que sont l’humeur aqueuse, le cristallin (lentille biconvexe) et l’humeur vitrée. Enfin, la cornée correspond à la partie antérieure transparente du globe oculaire.
Le phénomène de la vision
Le phénomène de la vision se fait en plusieurs étapes. Tout d’abord, la lumière provenant des objets alentour traverse la cornée, l’humeur aqueuse, la pupille (qui dirige la quantité de lumière qui va entrer), le cristallin et l’humeur vitrée pour former une image sur la rétine. Au cours de cette première phase, des muscles peuvent tirer sur le cristallin pour modifier sa forme et faire que l’image formée sur la rétine soit plus nette. On parle d’accommodation.
La lumière arrive donc sur la rétine, qui tapisse le fond de l’œil. Cette dernière est l’organe sensible de la vision. En effet elle contient des photorécepteurs, ou cellules sensorielles de la vision, de deux types : à cône et à bâtonnet. Ces photorécepteurs vont créer des messages nerveux sous forme de signaux électriques qui vont être transmis par le nerf optique et emprunter les voies visuelles jusqu’au cortex visuel occipital. Le cerveau va alors interpréter ces signaux électriques en images.
Les défauts visuels sont principalement dus à des imperfections géométriques de l’œil ou à des défauts de puissance de l’œil et certains peuvent être corrigés par le port de lentilles de contact.
Les différents types de lentilles
Les lentilles peuvent être correctrices (pour compenser un trouble de la vue), plus rarement thérapeutiques (agissant comme pansement et/ou comme réservoir de médicament pour traiter certaines pathologies oculaires) ou cosmétiques (à visée esthétique).
On distingue deux grands types de lentilles. Les plus utilisées sont les lentilles souples. Fabriquées à partir d’hydrogel ou de silicone hydrogel, des matériaux contenant une grande quantité d’eau, elles sont réputées pour être confortables. C’est cette eau qui permet le passage de l’oxygène de l’air. En effet, contrairement aux autres organes, dont l’apport d’oxygène se fait par la circulation sanguine, les yeux reçoivent l’oxygène de l’air. Plus grandes que les lentilles rigides, elles sont aussi très flexibles et se posent plus facilement sur la cornée et y restent bien ancrées. Elles sont donc facilement utilisables, même lors d’activités sportives. En revanche, elles ont besoin de beaucoup de liquide lacrymal pour conserver leur forme et les yeux ont donc tendance à s’assécher plus vite. Les lentilles souples peuvent être journalières, bimensuelles, mensuelles ou trimestrielles.
Les lentilles rigides, quant à elles, sont plus petites que les souples et sont constituées de silico-acrylates, un matériau plus dur que les hydrogels qui est, de plus, perméable à l’oxygène. Elles n’ont pas besoin de liquide lacrymal pour conserver leur forme et sont donc plus indiquées chez les patients ayant les yeux plutôt secs. Autre avantage, elles corrigent mieux certains défauts visuels comme un astigmatisme prononcé. Enfin, elles ont une durée de vie plus longue, 18 mois environ. En revanche, s’y habituer est bien plus difficile qu’avec des lentilles souples. Et elles se perdent plus facilement, cela pouvant être un vrai frein lors de la pratique d’activités sportives.
Conduite à tenir
« Suivez la prescription de votre ophtalmologiste »
L’adaptation en lentilles de contact est un acte médical. Leur prescription relève de l’ophtalmologiste qui effectuera au préalable un examen ophtalmologique complet et qui vérifiera l’absence de contre-indications. Ensuite, c’est un opticien contactologue qui pourra les délivrer sur présentation de l’ordonnance. Cette dernière est valable 1 an pour les moins de 16 ans et 3 ans pour les plus de 16 ans, sauf contre-indication spécifiée par l’ophtalmologiste.
Les lentilles cosmétiques sont un cas particulier. N’ayant qu’un but esthétique (changer la couleur des yeux par exemple), elles ne sont pas considérées comme des dispositifs médicaux et peuvent donc être vendues hors du circuit classique. Mais cela signifie sans les conseils associés pour bien les manipuler et les conserver donc les risques liés à une mauvaise utilisation sont plus importants.
« Apprenez à bien manipuler vos lentilles »
Avant de mettre ou d’enlever ses lentilles, il est primordial de se laver soigneusement les mains avec un savon neutre non huileux (pour ne pas graisser les lentilles) puis de bien les sécher. Mieux vaut prendre l’habitude d’appareiller les yeux toujours dans le même ordre, surtout lorsque les corrections ne sont pas identiques pour les deux yeux. Tout d’abord, le patient doit placer la lentille sur le bout de son index en s’assurant qu’elle est dans le bon sens. Puis avec le majeur de la même main, il doit abaisser la paupière inférieure en appuyant sur la base des cils. Ensuite, avec les doigts de l’autre main, il doit lever la paupière supérieure en appuyant sur la base des cils et en regardant vers le bas. Il peut alors amener sa lentille au contact de l’œil en pressant légèrement avec son index. Enfin, il peut fermer doucement les yeux, la lentille se centrera alors naturellement.
Pour le retrait (et toujours après un lavage soigneux des mains) des lentilles souples, il suffit de tirer la paupière inférieure avec le majeur puis d’appuyer légèrement sur la lentille avec l’index en la faisant glisser vers le bas tout en regardant vers le haut. Enfin il s’agit de la pincer entre le pouce et l’index pour la retirer délicatement avant de procéder à son entretien (ou de la jeter s’il s’agit de lentilles journalières).
Pour retirer des lentilles rigides, on peut fermer manuellement les paupières en les pressant contre l’œil pour qu’elles passent sous la lentille afin de l’éjecter. Autre méthode, en penchant la tête en avant et en ouvrant grand les yeux, il suffit d’étirer le coin externe des paupières pour recueillir la lentille dans le creux de la main opposé en clignant de l’œil.
« Entretenez correctement vos lentilles »
Afin de limiter au maximum le risque infectieux et après s’être lavé les mains, un entretien irréprochable des lentilles est indispensable, en fin de journée dès le retrait. Cela permet également d’en prolonger la durée de vie et d’en améliorer le confort en limitant le dépôt de poussières ainsi que les résidus de protéines et de gras du film lacrymal sur leur surface. Pour cela, on peut conseiller une solution multifonction ou une solution oxydante, en plaçant la lentille dans son étui. Enfin, tout contact avec de l’eau du robinet ou les eaux minérales en bouteille est à proscrire.
« Le port de lentilles doit parfois être évité »
Il existe des contre-indications au port de lentilles. Certaines sont absolues. C’est le cas par exemple des patients incapables de respecter les consignes d’hygiène indispensables ou de situations impliquant un risque infectieux important comme une immunodépression, une blépharite importante, des antécédents d’herpès…
D’autres contre-indications sont relatives. Par exemple, lors d’une exposition fréquente à la poussière ou d’un traitement concomitant par un médicament induisant une sécheresse oculaire (isotrétinoïne, bêtabloquants, anticholinergiques…) ou lorsqu’un traitement oculaire est nécessaire, mieux vaut éviter le port de lentilles.
Enfin, les lentilles doivent être retirées lors des baignades, ou même sous la douche et dans le hammam. Il existe en effet un risque infectieux potentiellement sévère. On craint notamment la présence d’amibes dans l’eau, à l’origine de kératites redoutables. D’une manière générale, tout signe d’infection oculaire (douleur, rougeur, photophobie, larmoiement) chez un porteur de lentilles doit l’amener à les retirer au plus vite et à consulter. C’est pourquoi il doit toujours avoir une paire de lunettes à sa vue, même s’il ne les porte qu’occasionnellement.
Les solutions d’entretien
Les solutions multifonctions
Ce sont les plus fréquentes car les plus simples d’utilisation. Solutions « tout-en-un », elles permettent d’effectuer la décontamination, le nettoyage et le rinçage. Une fois sa lentille retirée, le patient doit la mettre dans la paume de sa main puis ajouter quelques gouttes de solution multifonction en massant délicatement la lentille pour nettoyer sa surface. La lentille peut alors être rincée avec une plus grande quantité de solution avant de la placer dans un étui préalablement rempli de cette même solution (qui doit être changée chaque jour) pour la nuit.
Les solutions multifonctions permettent d’effectuer à la fois la décontamination, le nettoyage (avec massage) et le rinçage des lentilles
Les solutions oxydantes
Elles sont très efficaces et particulièrement indiquées chez les porteurs de lentilles ayant les yeux sensibles ou tendance à faire des allergies car elles sont dépourvues de conservateurs. Les solutions oxydantes contiennent du peroxyde d’hydrogène qui doit être neutralisé avant de pouvoir porter de nouveau les lentilles. A la différence des solutions multifonctions, elles sont donc composées de deux produits : la solution de nettoyage et de rinçage et la solution neutralisante, et ne nécessitent pas de massage. Pour les utiliser, il suffit de placer les lentilles dans l’étui spécifique et de le remplir avec la solution oxydante. Puis une étape de neutralisation est obligatoire, soit au moyen d’un disque catalytique soit par l’ajout d’une solution neutralisante. Enfin, il ne reste plus qu’à les rincer avec une solution saline.
Les solutions oxydantes sont particulièrement indiquées chez les porteurs de lentilles ayant les yeux sensibles ou tendance à faire des allergies
Les produits déprotéinisants
Ces produits sont utilisés pour les lentilles rigides et celles dont le renouvellement est supérieur à 1 mois car elles sont susceptibles de s’encrasser avec des dépôts protéiques. Cette déprotéinisation doit être effectuée une fois par semaine, avant la décontamination ou en même temps en ajoutant un comprimé spécifique dans l’étui contenant la solution d’entretien.
1 fois/semaine C’est à ce rythme que s’effectue la déprotéinisation des lentilles rigides
Les collyres hydratants
Utiliser un collyre hydratant permet d’hydrater l’œil et d’améliorer le confort des lentilles. En cas de port de lentilles souples, on peut conseiller l’utilisation de collyres à base de povidone (Nutrivisc unidoses), d’acide hyaluronique (Hylovis, Vitadrop, Vismed) ou de carbomères synthétiques (Aquarest, Lacryvisc dosettes). Pour les lentilles rigides, on préférera les collyres à base d’acide hyaluronique.
Points clés
- Il existe des lentilles souples, faites d’hydrogel ou de silicone hydrogel, et des lentilles rigides constituées de silico-acrylates.
- Les lentilles rigides sont plutôt indiquées chez les patients ayant une sécheresse oculaire mais elles sont plus difficiles à supporter.
- La prescription des lentilles se fait par un ophtalmologiste et la délivrance par un opticien contactologue.
- Un bon entretien des lentilles est indispensable pour éviter les risques infectieux.
- L’usage des solutions multifonctions est plus simple mais les solutions oxydantes sont plus adaptées aux patients souffrant d’allergies ou ayant les yeux sensibles.
- Les lentilles ne doivent jamais entrer en contact avec de l’eau du robinet, de la piscine ou l’eau de la douche.
- En cas de signe d’infection oculaire, les lentilles doivent être retirées immédiatement et remplacées par des lunettes.
Testez-vous
1. À propos des lentilles rigides, quelles affirmations sont exactes ?
a) Elles sont plus grandes que les lentilles souples ;
b) Elles ont une durée de vie plus longue que les lentilles souples ;
c) Elles corrigent mieux certains défauts visuels que les lentilles souples.
2. Quels types de médicaments peuvent remettre en cause le port de lentilles ?
a) Les bêtabloquants ;
b) L’isotrétinoïne ;
c) Les collyres antibiotiques.
3. À propos des solutions multifonctions, quelles affirmations sont exactes ?
a) Ce sont les plus couramment utilisées ;
b) Elles nécessitent une étape de neutralisation ;
c) Elles nécessitent une étape de massage.
4. À propos des produits déprotéinisants, quelles affirmations sont exactes ?
a) Ils sont destinés aux lentilles souples journalières ;
b) Ils doivent être utilisés 1 fois par mois ;
c) Ils doivent être utilisés 1 fois par semaine.
5. Que faire en cas de signe d’infection oculaire lors du port de lentilles ?
a) Retirer immédiatement les lentilles ;
b) Attendre une consultation spécialisée pour retirer les lentilles ;
c) Consulter rapidement.
Réponses : 1. b) et c) ; 2. a), b) et c) ; 3. a) et c) ; 4. c) ; 5. a) et c).
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