Si l’Académie nationale de pharmacie s’époumone depuis plus de 10 ans pour la mise en place d’une stratégie de lutte contre les ruptures de stock de médicaments tout en dénonçant la délocalisation à outrance, ce n’est que récemment que ce fléau a été « pris à bras-le-corps » par la puissance publique. Muriel Dahan, pharmacienne et inspectrice générale des affaires sociales (IGAS), connaît parfaitement le sujet.
Nommée personnalité qualifiée du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021, elle a, à ce titre, participé à formuler plus de 200 propositions qui forment le socle du plan Innovation santé 2030 présenté par Emmanuel Macron en juin dernier. « L’un des axes majeurs de ce plan vise à soutenir l’industrialisation des produits de santé sur le territoire français et accompagner la croissance des entreprises du secteur, explique Muriel Dahan. Cette stratégie est cohérente avec l’indispensable lutte contre les pénuries et la nécessité d’améliorer la sécurité d’approvisionnement en renforçant l’attractivité industrielle. »
Depuis les premières mesures dictées par le CSIS précédent (2018), les avancées sont marquées. Le LEEM se félicite des progrès dans les six axes qu’il avait déterminés dans son propre plan anti-rupture de 2018. « Il faut être clair sur les médicaments qui doivent être prioritaires. Les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) représentent 50 % de la pharmacopée et beaucoup ont des alternatives, nous proposons donc de déterminer une liste de médicaments d'intérêt stratégique sanitaire (MISS). C’est le travail que réalise l’INCa sur les anticancéreux, tout comme cela correspond à la méthodologie du Haut-Commissariat au plan (HCP) pour identifier les médicaments critiques à la fois d’un point de vue thérapeutique et industriel », souligne Thomas Borel, directeur scientifique du LEEM.
Obligation de stockage
Parmi les autres mesures qui entrent en application, les industriels plébiscitent celles qui permettent d’augmenter le prix d’un médicament dont la production en France est menacée par un tarif inférieur aux coûts d’exploitation, qui favorisent des appels d’offres multi-attribution par les hôpitaux dont les critères de choix incluent non seulement le prix mais aussi la sécurité d’approvisionnement, et qui encouragent la relocalisation.
L’obligation de stockage sur le sol européen des MITM équivalent à deux mois de traitement pour les patients français est entrée en vigueur l’an dernier. Une disposition nationale qui, selon le ministre de la Santé Olivier Véran, intéresse beaucoup l’Union européenne. Mais, prévient Emer Cooke, directrice générale de l’Agence européenne du médicament (EMA), il faut porter attention à ce qu’une mesure décidée par un pays n’ait pas de conséquence pour les autres. En l’occurrence, que cette obligation de stockage pour la France « ne mette pas en péril l’approvisionnement d’autres pays », comme le souligne Pascale Gerbeau-Anglade, pharmacien responsable chez GSK. C’est dans ce cadre qu’une coordination européenne prend toute son importance.
D’après une table ronde organisée le 9 mars par l’Académie nationale de pharmacie.
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