On ne s’étonnera pas dans ces conditions que le « Baromètre de la pharmacie », qui présente chaque année l’état d’esprit de la profession, n’ait jamais été aussi bas qu’en 2024, avec une augmentation significative du nombre d’officinaux se disant contraints de repousser des investissements ou de réduire leur personnel, voire de baisser le rideau. Rien qu’au 1er semestre 2024, ce sont 300 pharmacies qui ont mis la clé sous la porte, après 500 en 2023, et le phénomène est loin de se limiter aux petites officines mal situées. Ces derniers mois, plusieurs grandes pharmacies urbaines, y compris en plein centre de Berlin, ont annoncé leur fermeture. En 3 ans, le pays a perdu 6,4 % de ses pharmacies, et on en compte actuellement 17 288, contre plus de 20 000 en 2015.
Pour Karl Lauterbach, les « pharmacies sans pharmaciens » s’inscrivent dans une logique de numérisation de la santé dont il n’est pas question d’exclure la pharmacie. Selon lui, ces futures « officines light », comme les surnomment les pharmaciens, seront à la pharmacie « ce que la télémédecine est à la médecine », avec des consultations et des expertises en ligne, et des délivrances assurées sous le contrôle à distance d’un pharmacien diplômé. Le ministre a rappelé aux pharmaciens qu’ils « menaient un combat perdu d’avance en s’opposant à cette évolution ».
Pour les pharmaciens, l’avenir ne passe pas par les « pharmacies light », mais par un renforcement des fonctions et des missions des officines
L’espoir d’une alternance politique
Annoncé en septembre 2023, ce projet a mis plusieurs fois les pharmaciens dans la rue : ces fortes manifestations ont été partiellement couronnées de succès, puisque la classe politique, y compris dans les trois partis formant l’actuelle coalition gouvernementale « feu tricolore » (socialistes, verts et libéraux) se montre désormais très divisée sur ses avantages. Signe de ces doutes, le parcours législatif a pris plusieurs mois de retard et les pharmaciens constatent, avec un certain soulagement, qu’il n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour des députés, alors que cela aurait dû avoir lieu cet été. Karl Lauterbach a toutefois tenu à « rassurer » les officinaux et impute ce retard à « la volonté d’améliorer le dispositif, justement pour tenir compte de leurs observations » (sic). En attendant, les pharmaciens comptent les semaines qui restent jusqu’aux prochaines élections de septembre 2025… et prient pour un éclatement de la coalition avant cette date, avec des élections qui devraient voir les chrétiens-démocrates (CDU), opposés au projet, revenir aux affaires.
Pour les pharmaciens, l’avenir ne passe pas par les « pharmacies light », mais par un renforcement des fonctions et des missions des officines, y compris pour compenser la baisse du nombre de médecins à travers le pays en assurant certains actes de prévention, de dépistage et de diagnostic. Cela passe toutefois, selon l’ABDA, la fédération professionnelle des pharmaciens, par une nette revalorisation de l’honoraire de délivrance, bloqué depuis 2013 à 8,35 euros par boîte. Face à la hausse de leurs coûts et charges, les pharmaciens réclament un honoraire de 12 euros, auquel le ministre a opposé une fin de non-recevoir. Il leur promet néanmoins une revalorisation progressive à compter de 2026, couplée à une évolution du financement de leurs actes… Des propositions lointaines, qui n’ont pas contribué à éclaircir la morosité dans laquelle le congrès s’est déroulé.
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