Le Quotidien du pharmacien - : Qu'est-ce qui vous a convaincu de vous lancer dans l'accompagnement des patients pour le sevrage tabagique ?
Maud Mingeau - . J'ai commencé il y a 8 ans. À l’époque, j'organisais des consultations en micronutrition et je me suis rendu compte que c'était un vrai fiasco avec les patients qui fumaient et voulaient perdre du poids, c'est ce qui m'a incité à me lancer dans l'accompagnement des patients pour le sevrage tabagique. J'ai fait beaucoup de recherches et j'ai mis au point un parcours en 5 séances, sur une durée de 6 mois, qui a ensuite été appliqué par d'autres pharmaciens du groupement Giphar.
Comment se déroule le premier entretien avec les patients ?
Pendant 45 minutes, dans l'espace de confidentialité, on effectue premièrement un bilan tabagique complet. On réalise le test de Fagerström pour comprendre quel lien entretient le patient avec la cigarette, depuis quand il fume, quelles sont ses habitudes de consommation, quelles sont les motivations qui le poussent à arrêter de fumer… On lui fait remplir un tableau où il indique quels sont, selon lui, les avantages et les inconvénients de fumer et quels sont les avantages et les inconvénients de ne plus fumer. L'objectif c'est d'aider le patient à trouver quels éléments vont le convaincre de l'intérêt d'arrêter sa consommation.
Quand on s'entretient avec un fumeur, on se rend compte que la cigarette est souvent un prétexte, pour s'esquiver quand on se trouve dans une situation où l'on n’est pas à l'aise par exemple. Certains fumeurs rechignent également à arrêter par peur de prendre du poids… L'un des premiers enjeux c'est donc d'expliquer quels sont les bénéfices de l'arrêt de la cigarette, et d'en faire prendre conscience au patient. Lui dire que, en effet, il risque de prendre 3 kg et qu'il sera important de bouger, de faire de l'exercice. Il y a beaucoup de cigarettes qui sont fumées par habitude, après le repas ou quand on rentre du travail notamment. Il faut amener le patient à changer ces habitudes-là. Ce qui peut être très utile, par exemple, c'est de faire des exercices de respiration, ce que l'on appelle le concept de « cohérence cardiaque ». Cela consiste à faire six respirations par minute durant cinq minutes et trois fois par jour, c'est un excellent moyen pour compenser ces cigarettes que l'on fume par habitude.
Lors de ce premier entretien, il faut par ailleurs s'assurer, par le biais du questionnaire HAD*, que la personne ne présente pas un syndrome dépressif ou un trouble de l'anxiété, auquel cas elle doit être redirigée vers un médecin. Il est important de déterminer également si le patient n'a pas d'autres addictions, au cannabis notamment. Dans ce cas, il devra être redirigé vers un addictologue car, à notre niveau, nous n'avons pas les outils pour l'accompagner.
Comment choisir les substituts nicotiniques qui seront délivrés aux patients ?
Il est déterminé par les résultats au test de Fagerström : si le score est de 3-4 on peut délivrer des pastilles, s'il est de 5-6 on peut penser aux patches et s'il est encore supérieur on peut conseiller des pastilles et des patches en association. Il m'arrivait fréquemment, en complément, de délivrer aux patients du tryptophane ou des huiles essentielles, passiflore, valériane, aubépine… Les médicaments tels que la varénicline ou le bupropion, qui sont sur prescription médicale obligatoire, on peut s'en passer s’il s’agit d’un sevrage tabagique simple. Les substituts nicotiniques suffisent largement pour l'immense majorité des patients.
En quoi consistent les séances de suivi qui sont proposées ensuite ?
Lors de la deuxième séance, à J +8, on teste les patients grâce à un appareil qui permet de mesurer l'évolution de la quantité de monoxyde de carbone dans les poumons par rapport à la 1re consultation. Après seulement une semaine d'arrêt ou de diminution du tabac, le taux descend déjà très rapidement, c'est une donnée qui est extrêmement motivante pour le patient qui se rend compte que ses efforts paient immédiatement. Durant les séances de suivi, au nombre de 4 en tout, on prend également le pouls, la tension, on mesure le tour de taille et on interroge bien sûr le patient pour savoir s'il fume encore ou non.
Quels résultats avez-vous observés avec ce parcours ?
En tout, sur une période de 5 ans, environ 50 personnes ont été accompagnées dans mon officine, majoritairement de plus de 40 ans. Sur ce total, la moitié avait réussi à arrêter de fumer après 6 mois. Ceux qui n'ont pas réussi à aller jusqu'au bout, on constate qu'ils n'osent plus trop mettre les pieds dans la pharmacie ensuite car ils ne sont pas venus au rendez-vous prévu et ils culpabilisent. C'est important de les contacter, de dédramatiser la situation, d'être positif avec eux en leur disant notamment que s'ils ont arrêté pendant quelques semaines, c'est déjà pas mal.
* Hospital anxiety and depression scale.
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