C’est la preuve qui leur manquait. Pour le professeur Didier Courbet, chercheur à l’Institut Méditerranéen des Sciences de l’information et de la communication d’Aix-Marseille, les conclusions de l’étude menée pendant 5 ans par les chercheurs des Universités d’Aix-Marseille et de Sorbonne Paris Nord sont un premier pas en faveur de l’affichage obligatoire du Nutri-Score dans les publicités alimentaires.
Demandée par nombre de scientifiques (dont les professeurs Didier Courbet et Serge Hercberg, créateur du Nutri-Score en 2019), une proposition de loi à ce sujet avait été adoptée la même année par les députés, contre l’avis défavorable du gouvernement. Mais les sénateurs avaient refusé de la voter, affirmant qu’il n’y avait pas d’élément prouvant l’influence du Nutri-Score sur les habitudes des consommateurs. « C’est désormais chose faite », revendique le Pr Didier Courbet.
Une influence concrète
Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont réparti 27 085 participants issus de la cohorte NutriNet-Santé en trois groupes. Le premier était exposé à des publicités dans lesquelles le Nutri-Score des produits alimentaires était affiché. Le second visionnait ces mêmes publicités, mais sans présence du Nutri-Score. Enfin, le troisième ne regardait aucune publicité. Les chercheurs ont ensuite soumis les participants à un questionnaire concernant leurs perceptions de l’ensemble des produits (céréales, boissons, petit-déjeuner, barres, biscuits, collations salées, charcuterie, plats cuisinés et desserts) et leurs intentions d’achat et de consommation.
La perception positive ou négative de l’aliment est directement liée à la présence du Nutri-Score dans le message publicitaire
Pr Didier Courbet
Les résultats sont très clairs : « La perception positive ou négative de l’aliment est directement liée à la présence du Nutri-Score dans le message publicitaire », explique le Pr Didier Courbet : « Pour le groupe exposé aux publicités avec Nutri-Score, les opinions favorables quant à l’apport nutritionnel des produits notés A ou B, ainsi que leurs intentions d’achat et de consommation, étaient plus élevées que chez les groupes n’ayant pas eu connaissance du Nutri-Score. » Ce qui représente une surprise : « À l’origine, nous pensions que l’influence du Nutri-Score serait exclusivement défavorable aux produits notés D-E. Cependant, l’étude démontre qu’il avantage aussi les aliments bien notés ! »
Protéger les enfants
Le Pr Didier Courbet espère que l’étude permettra de convaincre les politiciens sceptiques. « Le Nutri-Score peut contribuer, même de manière modeste, à freiner la progression de l’obésité et des maladies chroniques liées à une mauvaise alimentation. Ce serait un excellent outil de santé publique », affirme le chercheur. Mais il est possible d’aller plus loin : « il faudrait interdire toutes les publicités d’aliments de mauvaise qualité nutritionnelle à destination des enfants, sur toutes les chaînes entre 7 heures et 22 heures. On peut l’appliquer aux médias français (presse, internet, radio, télévision), ce qui serait déjà une première victoire. Mais les plateformes ou médias étrangers restent encore hors d’atteinte, alors qu’elles sont très populaires auprès des jeunes », alerte le Pr Didier Courbet.
Mais au-delà des réglementations, un changement de mentalité global est encore essentiel : « Coca-Cola est un partenaire officiel des Jeux olympiques et paralympiques, la Ligue 1 et la Coupe du monde de football sont parrainés par McDonald… les événements sportifs devraient s’associer avec des produits sains ! », juge le professeur.
* Publiée le 16 avril dans la revue « International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity ».
En Italie, le Nutri-Score se heurte au populisme
Mis en place en 2017, le Nutri-Score a suscité un vif intérêt en Europe. En effet, depuis son adoption par six autres pays en 2021 (Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse), la Commission européenne réfléchit à l’adoption d’un système similaire, obligatoire et harmonisé entre les États membres. Une démarche qui ne fait pas l’unanimité. En Italie, le gouvernement d’extrême droite de Giorgia Meloni a récemment déposé un amendement interdisant l’introduction du Nutri-Score dans le pays, arguant qu’il pénaliserait les produits italiens traditionnels à base de jambon et de fromage. Le créateur du Nutri-Score, le professeur Serge Hercberg, a dénoncé un « gastro-nationalisme », soulignant que le gouvernement italien « fait passer les intérêts économiques du secteur alimentaire avant ceux de sa population ».
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