Alors même que l’accès aux soins recule dans de nombreuses régions, les projections sur les années à venir inquiètent au plus haut point. Comme le révèle l’étude du cabinet « La longue vue » sur la démographie officinale, sur les 3 438 titulaires âgés aujourd’hui de plus de 62 ans, 476 exercent au sein de l’une des 12 125 communes situées dans un désert médical. « Sans successeurs pour ces pharmaciens, ces territoires deviennent des zones de risque officinal élevé », analyse La longue vue. Le cabinet d’études, qui scrute les évolutions sur l’ensemble de la France, commune par commune, identifie dans une carte très précise, les zones les plus à risques, notamment les régions du centre de l’Hexagone. « Nous sommes en dehors de clichés concernant la diagonale du vide. Il s’agit de communes désertées par les services publics. Or nous avons vu avec la crise sanitaire qu’il y a une véritable volonté de la part de la population de réinvestir les territoires ruraux. Ce mouvement ne pourra cependant pas se faire sans revitalisation », analyse Marine Lombard, directrice générale de La Longue vue, insistant sur de nécessaires mesures d’aménagement du territoire.
« Ce ne sont pas les 20 000 euros d’aide à ces officines identifiées en territoire fragile qui changeront la situation
Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO
Autre lecture factuelle de cette carte, le Nord, PACA, l’Île-de-France, sont quant à elles, les régions où se concentre cette classe d’âge de pharmaciens. Résultat, poursuit Marine Lombard, des politiques d’installations dérogatoires des années quatre-vingt.
« Ce constat soulève des questions sur le système de santé que nous voulons pour l’avenir. Devons-nous recourir pour l’installation des médecins à des quotas comme pour les pharmaciens ?
Marine Lombard, directrice générale de La longue vue
Ces effets conjugués juxtaposent différentes problématiques. Dans ces territoires fragilisés en offre de santé, les officines seront peu attrayantes pour des jeunes repreneurs dont on sait qu’ils sont désormais attirés par l’exercice groupé au sein de pharmacies enregistrant, par conséquent, un chiffre d’affaires supérieur à la moyenne. Ce déséquilibre entre ces départs à la retraite et l’arrivée insuffisante de nouveaux professionnels pour assurer la relève a indéniablement des effets collatéraux sur le maillage officinal et, de manière plus large, sur l’accès aux soins des populations concernées. « Ce constat soulève des questions sur le système de santé que nous voulons pour l’avenir. Devons-nous recourir pour l’installation des médecins à des quotas comme pour les pharmaciens ? », interroge Marine Lombard, pointant particulièrement les inégalités en matière de santé qui toucheront les personnes âgées ou les populations sans moyens de transport.
Le décret sur les territoires fragiles permettra-t-il d’endiguer ces dérives et de consolider le maillage officinal ? Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) en doute. « Ce ne sont pas les 20 000 euros d’aide à ces officines identifiées en territoire fragile qui changeront la situation. Ces pharmaciens vont trembler pour leur relève. » Le syndicat qui a déposé un recours auprès du Conseil d’État a – entre autres- dénoncé l’âge limite de 65 ans pour prétendre à cette aide. Il estime en effet discriminant d’exclure des titulaires encore en exercice qui, de surcroît, devront rester en activité parce qu’ils ne parviennent pas à céder leur fonds. Pierre-Olivier Variot cite les statistiques 2023 de l’Ordre*. 6,2 % des inscrits en section A, soit 1532 titulaires, sont aujourd’hui âgés de 66 ans et plus. C’est 0,5 % de plus qu’un an auparavant.
*Démographie des pharmaciens. Panorama 2023.
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