LE CHANTIER de la revalorisation de la marge de dispensation du médicament est en marche. Venue inaugurée le salon Pharmagora la semaine dernière, Roselyne Bachelot a en effet annoncé qu’elle voulait « y voir clair sur l’évolution des marges des pharmacies ». Aussi a-t-elle demandé la mise en place d’un groupe de travail réunissant ses services et les syndicats d’officinaux.
La ministre de la Santé en est consciente, la crise économique n’a pas épargné la pharmacie. Même si l’activité des officines a été relativement mieux préservée par rapport à d’autres secteurs, Roselyne Bachelot reconnaît toutefois que certains titulaires, confrontés à des difficultés croissantes, n’arrivent plus à s’en sortir. « Il est donc impératif d’adapter le modèle économique de l’officine à un marché du médicament structurellement moins dynamique qu’avant », estime-t-elle.
Un système inadapté.
« Il y a aujourd’hui une prise en compte très sérieuse de l’état économique de l’officine », se réjouit Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) qui, la veille de l’intervention de la ministre, demandait l’ouverture immédiate d’une négociation pour la revalorisation de la marge, ainsi que pour la rémunération des nouvelles missions prévues par la loi HPST*. Deux semaines plus tôt, c’était l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) qui réclamait la correction d’urgence de la trop forte dégressivité de la marge. « La MDL (marge dégressive lissée, Ndlr), instaurée en 1990, modifiée substantiellement en 1999, est désormais totalement inadaptée du fait d’un taux d’inflation faible et d’un ONDAM** inférieur à 3 % », argumente le syndicat présidé par Claude Japhet.
Le message a donc été entendu par la ministre. Reste un point de désaccord avec les syndicats. Roselyne Bachelot compte se servir des conclusions du groupe de travail pour les intégrer au prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2011. Les organisations professionnelles estiment, à l’inverse, que le Parlement n’est pas le meilleur endroit pour discuter de la marge des pharmaciens, alors qu’une simple modification de l’arrêté dit « de marge » pourrait régler l’affaire. « Au travers des PLFSS, on cherche avant tout à dégager des économies », souligne Gilles Bonnefond, président délégué de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO). D’où la réticence des syndicats à l’idée de mélanger PLFSS et avenir de la rémunération des pharmaciens.
Des conditions.
Quoi qu’il en soit, la profession pose déjà quelques préambules à la discussion avec les pouvoirs publics. « On ne pourra modifier la MDL que si l’on réinjecte d’abord 300 millions d’euros dans le réseau, estime Gilles Bonnefond. Sinon, on risque la destruction d’un certain nombre de pharmacies. » Autre mesure nécessaire, selon lui, pour permettre aux officinaux de sortir la tête de l’eau : l’arrêt des grands conditionnements qui coûtent 100 millions d’euros par an à l’officine. Pour le reste, les organisations professionnelles semblent ouvertes au dialogue. « Il peut s’agir d’une revalorisation du seuil de la première tranche, mais pas seulement, indique Philippe Gaertner. Toutes les pistes doivent être étudiées. »
Voilà pour l’urgence. Dans un deuxième temps, les syndicats comptent bien sûr aborder la question d’une rémunération complémentaire à celle reposant sur la marge. « La rémunération à la marge n’est plus suffisante pour couvrir l’étendue des compétences du pharmacien », affirme Gilles Bonnefond. Le rapport réalisé par Michel Rioli, et signé par l’ensemble de la profession, préconise ainsi la mise en place d’un système mixte qui devra distinguer la marge sur le médicament, de l’honoraire sur les actes pharmaceutiques et de l’indemnisation de prestations de services. « Mais avant, il faut régler le problème de la marge », insiste Claude Japhet. C’est tout l’enjeu du groupe de travail proposé par Roselyne Bachelot.
** Objectif national des dépenses d’assurance-maladie.
D’après des débats du 25e salon Pharmagora.
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