La Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) fait-elle figure d’OVNI dans le monde des retraites ? Il est vrai que la profession est l’une des seules à disposer d’un régime par capitalisation collective obligatoire. Les pharmaciens font d’ailleurs figure d’exception parmi les professionnels de santé, mais aussi au rang des professions libérales et réglementées. Comme l’énumère Nicolas Marques, directeur général de l’institut économique Molinari, cette alternative d’une capitalisation collective obligatoire existe sur le marché uniquement pour les salariés de la Banque de France, ceux de la Fonction publique, le Sénat et… les pharmaciens. Ces derniers totalisent 7,20 milliards d’euros de provisions au titre de la capitalisation collective obligatoire, soit près de 11 % des provisions totales de ce secteur en France, équivalentes à 2,3 % du PIB.
Un ratio cotisant/retraité en chute
Il y a fort à parier qu’à l’avenir ce triptyque que le régime par capitalisation collective compose avec le régime par répartition de base et le régime complémentaire par répartition puisse séduire plus d’une caisse, l’étau se resserrant sur le niveau des pensions. Car face à l’allongement de la durée de vie et à la baisse de la natalité, un troisième pilier s’avère indispensable pour servir les pensions d’un nombre croissant de retraités, affirme Philippe Berthelot, président de la CAVP, récemment élu à la tête de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).
Comme le souligne Nicolas Marques, sous la pression démographique, le ratio cotisant/retraité plie au fil des décennies. Alors que la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) dénombrait 3,8 cotisants pour un retraité en 1970, elle n’en compte plus qu’1,4 aujourd’hui, de même dans la fonction publique hospitalière tandis que chez les fonctionnaires d’État, ce ratio est passé de 2,6 à 0,9 aujourd’hui. Un taux identique à celui de la CAVP alors qu’en 1970 la profession dénombrait encore 5 cotisants pour 1 retraité ! Sans compter que, phénomène propre aux pharmaciens d’officine, la réduction du réseau officinal ajoute à la fragilisation de la pyramide des âges. C’est dire si, à chaque rentrée universitaire, les places vacantes dans les amphis des facs de pharma sont autant de mauvaises nouvelles pour le régime de retraite.
Pour parer les dommages collatéraux de cette désaffection pour le métier, Nicolas Marques affirme que « capitaliser collectivement permet de préserver le pouvoir d’achat à la retraite ». Car si celui-ci n’est pas encore entamé aujourd’hui grâce à la coexistence des trois piliers du régime des pharmaciens, il pourrait être sérieusement malmené dans les années à venir, met en garde Philippe Berthelot. Alors même que nombre de pharmaciens éprouvent des difficultés croissantes à vendre leur fonds, l’apport d’une couverture par capitalisation collective apparaît plus qu’appréciable, elle est devenue incontournable, selon ses gestionnaires, pour sa capacité à rassurer les (futurs) retraités.
Bien au-delà de l’inflation
Les pharmaciens seraient-ils finalement mieux lotis que la plupart des autres professions ? Leur caisse autonome a, en tout cas, paré les coups durs et surtout a su anticiper les fluctuations d’une profession très chahutée au cours des dernières années. Philippe Berthelot en veut pour preuve la robustesse du système face aux assauts de l’inflation. « Pour une base 100 en 2009, l'inflation, fin 2024, Covid compris, a progressé de 27 %. C’est-à-dire qu'en 15 ans, nous sommes passés d'une base 100 à 127. Or le régime complémentaire par capitalisation pour une base 100 en 2009 se retrouve fin 2024 à 148, avant sa revalorisation qui intervient en décembre, lorsque qu'elle est votée par les administrateurs. »
Et de conclure « la progression du pouvoir d'achat est par conséquent supérieure à 20 %par rapport à l'inflation, autrement dit, le régime de capitalisation double l'inflation française, tandis qu’il double également le régime de base et le régime complémentaire par répartition ». Une analyse corroborée par Nicolas Marques : la capitalisation complémentaire de la CAVP génère plus de richesses que la répartition complémentaire : les montants des prestations versées sont de 10 points supérieur à celui des cotisations. Cette part est proportionnellement inverse pour la répartition complémentaire. Il affirme ainsi qu’ « avec la capitalisation, c’est comme si le retraité continuait de travailler. » En ayant toutefois eu le soin de confier le comptoir aux mains d’un confrère ou d’une consœur plus jeune !
Servir les causes
Au-delà de tout corporatisme, la capitalisation collective pourrait s’imposer comme projet de société. Évoquant l’acceptabilité sociale que ce projet requerrait nécessairement, Philippe Berthelot insiste également sur l’équité intergénérationnelle qu’un tel système doit garantir. De même, le développement d’une capitalisation obligatoire pour tous en complément de la répartition ne pourra se faire, selon lui, sans un accompagnement par les organisations syndicales, les forces politiques et l'État.
S’il est novateur dans son approche, un système par capitalisation collective obligatoire se doit également de l’être dans sa capacité à servir les causes de la société et de la planète. En un mot, ces placements se doivent d’être vertueux en respectant des critères de préservation de la biodiversité et du climat et de durabilité, insiste Maud Vannier-Moreau, directrice générale de Galéa, société de conseil en actuariat, gestion des risques, protection sociale et investissement. La retraite par capitalisation collective peut être en effet un moyen d’accompagner de nouveaux modèles. Ce sont les choix opérés par la CAVP, rappelle-t-elle, qui exclut la filière du tabac de son portefeuille pour miser sur la dynamique économique des territoires en France, le financement de programmes d’activités sportives et d’EHPAD ainsi que l’aide à l’installation des jeunes pharmaciens. 284 installations de jeunes pharmaciens (âge moyen 35 ans) ont été financées à ce jour par le fonds créé par la CAVP, InterPharmaciens.
D’après les Rencontres 2024 de la CAVP, le 17 octobre
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