Dans « la vie meilleure » (1), Étienne Kern s’est attaché à retracer la destinée de cet « obscur pharmacien troyen » qui comprit très tôt l’importance de l’autosuggestion et de l’optimisme face à la maladie comme face à tous les maux dont souffre l’humanité, mais qui eut l’intelligence et l’honnêteté de ne jamais tomber dans le charlatanisme ou les promesses irréalisables. D’abord à Troyes, puis à Nancy, Coué découvrit et fit découvrir l’importance des ressources qui sommeillent en chacun de nous, qu’il résumait avec un credo simple et efficace : répéter 20 fois le matin et 20 fois le soir la phrase « tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ». Coué s’inscrit aussi dans les recherches scientifiques et psychologiques de son temps, dont l’hypnose, et côtoya de nombreux médecins et penseurs pour affiner ses propres travaux. Au soir de sa vie, sa renommée le fit participer aux plus grands congrès mondiaux sur ces sujets, comme à New York en 1923.
À travers son livre, Étienne Kern nous parle bien sûr de pharmacie, dans des pages imprégnées des odeurs de camphre, de menthol et d’iode des officines d’autrefois, mais entrelace aussi la vie de Coué avec la sienne. La table de travail de l’écrivain se fond alors avec le comptoir, point central de l’officine, sur lequel le pharmacien s’appuie avec une lourdeur un peu lente lorsqu’il parle. Coué, contrairement à Kern et sa famille, n’a ni connu, ni écouté John Lennon, mais l’optimisme parfois naïf du premier berça son époque comme le fit bien plus tard la musique du second, enrobée aujourd’hui d’une aura nostalgique. Les jurés du Drouant se répéteront-ils 20 fois par jour que tout ira mieux en couronnant ce livre ? Réponse le 4 novembre prochain !
(1) La vie meilleure, par Étienne Kern, Editions Gallimard, 190 pages, 19,50 euros.
La « révélation » de Coué vue par « La vie meilleure »
« 1884,1885, peut-être. C’est l’hiver, c’est l’automne. La porte de la pharmacie s’ouvre. Une femme. Elle souffre. Elle réclame des cachets, une fiole, n’importe quoi, quelque chose qui la soulage. Émile fait non de la tête : pas d’ordonnance. Elle insiste, elle veut du laudanum. Il se tait, réfléchit un moment, lui adresse enfin ce sourire désarmant, sincère et commercial, qu’on lui verra toujours plus tard. Sa voix est douce, il demande un instant. Dans l’arrière-boutique, il prend de l’eau distillée, du sucre, du colorant. Sur le flacon, il écrit des mots savants, des dosages. Il revient, tend la chose à la dame, attention, c’est très dangereux, deux gouttes maximum. Le lendemain, la femme est de retour, elle veut juste dire merci, le remède est une merveille. C’est un grand jour. Une leçon qu’Émile méditera jusqu’à sa mort : l’imagination fait tout. Effet placebo, oui. Il a compris ça. Qu’avant le remède, il y a le désir de remède et le besoin de croire. »
(1) La vie meilleure, par Étienne Kern, Éditions Gallimard, 190 pages, 19,50 euros.
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