« Les chiffres du tabagisme ne sont pas bons », souligne en préambule Valérie Rocchi, pharmacienne tabacologue à Marseille, venue partager sa pratique avec ses confrères aux entretiens de Galien.
En effet, d’après l’OMS, en 2015 il y avait 1,32 milliard de fumeurs et en 2021 1,3 milliard. « Le défi d’une génération sans tabac 2030 va être difficile à relever », estime-t-elle.
Pour elle, la coordination des acteurs dans ce domaine est déterminante, avec une participation possible des pharmaciens, des médecins généralistes et spécialistes, des dentistes, de l’hôpital, des médecins scolaires ou du travail, des infirmiers, diététiciens, psychologues ou encore sages-femmes. « Souvent, à l’hôpital, on initie un traitement, qu’il faut ensuite poursuivre en ville pour éviter les pertes de chance », insiste-t-elle. Le dépistage est simple, il suffit de demander « fumez-vous ? » au patient. « Aujourd’hui on considère le tabagisme comme une maladie chronique et on devient plus interventionniste », ajoute la pharmacienne. L’officinal peut intervenir à tous les stades du parcours d’arrêt du patient : initiation d’un traitement avec un conseil d’arrêt, application des bonnes pratiques de délivrance, capitales pour une bonne observance, mais aussi suivi et accompagnement du patient à travers des entretiens pharmaceutiques.
Revoir rapidement le patient
« Les études montrent qu’un conseil d’arrêt assorti d’une prescription multiplie par 6 les tentatives d’arrêt du patient, versus un conseil d’arrêt seul et qu’un accompagnement en plus du traitement a une valeur ajoutée significative, fait remarquer Valérie Rocchi. En revanche, il y a une perte de chance si, après le conseil, le patient doit aller voir le médecin pour avoir une prescription. »
Après un repérage simple au comptoir en demandant au patient s’il fume, le pharmacien peut entreprendre un traitement sans tarder. Les recommandations de la HAS privilégient l’association entre formes transdermiques et orales. Il faut également un dosage adapté, avec pour base 1 mg de nicotine pour 1 cigarette manufacturée (ce dosage peut changer en fonction des cigarettes fumées par le patient). « Tout se joue à l’initiation du traitement, il faut donc revoir rapidement le patient », recommande Valérie Rocchi. La gestion du craving matinal peut être aidée par la prescription d’un patch sur 24 heures, tandis que la gestion des signes de manque (augmentation de l’appétit, changement d’humeur, manque de concentration, troubles du sommeil) doit induire des conseils associés. « Il faut une durée d’accompagnement suffisante, de trois à six mois et il faut envisager le sevrage sur un an, sachant que l’arrêt du tabac n’est pas le sevrage de la nicotine », souligne-t-elle.
Par ailleurs, le renouvellement de l’ordonnance doit être un moment clé pour explorer la non-observance : contraintes d’utilisation, effets secondaires, moment de prise…
Valérie Rocchi note que 72 % des pharmaciens ne se sentent pas suffisamment formés pour se lancer dans le sevrage tabagique. L’institut Pierre Fabre de tabacologie a donc décidé de lancer une plateforme en ligne, pour former et informer les acteurs engagés dans la lutte contre le tabagisme. Baptisée tabagora.com, elle propose 11 modules de formation interactifs en e-learning, des cas patients, des tests d’évaluation et des regards d’experts.
Du 23 au 31 décembre
Menace d’une nouvelle fermeture des laboratoires d’analyses médicales
Addictions
La consommation de drogues et d’alcool en baisse chez les jeunes
Crise sanitaire : le malaise des préparateurs
3 questions à…
Christelle Degrelle