« Un traitement plus facile à renouveler qu'à arrêter »

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Publié le 23/06/2022
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Spécialisé en pharmacologie et addictologie, le Pr Nicolas Authier explique au « Quotidien » les raisons de cette prescription qui trop souvent s'affranchit des règles. Il évoque également ce que pourraient être, selon lui, les modalités d'un protocole de décroissance lente de la benzodiazépine menant au sevrage.
Pr Nicolas Authier

Pr Nicolas Authier
Crédit photo : DR

Le Quotidien du pharmacien. — Qu’est-ce qui, selon vous, amène les médecins Français à prescrire les BZD au-delà des recommandations de durée ?

Pr Nicolas Authier.- Leur rapidité d’action et leur efficacité ressentie par les patients en font des médicaments perçus comme très efficaces par les patients, qui sont toujours moins enclins à prendre des antidépresseurs, pourtant indiqués dans des troubles anxieux et sans risque d’addiction. Une première prescription d’un mois est d’ores et déjà difficile à arrêter car probablement trop longue au regard de l’indication officielle de ces médicaments validés pour traiter des symptômes aigus, transitoires.

Mais au long cours, les benzodiazépines deviennent parfois une source d’anxiété pour le patient lorsqu’on évoque leur diminution et leur arrêt.

Il est plus facile de renouveler que d’arrêter les benzodiazépines, Donc leur arrêt doit être évoqué avec le patient dès la première consultation sinon cela devient un objectif après lequel on court à chaque consultation sans avoir toujours le temps de le faire. Il est rapide et facile d’instaurer un traitement par une benzodiazépine mais beaucoup plus long de programmer son arrêt d’où la nécessité d’avoir anticipé.

Il existe un profil de médecins plus enclin à ne pas respecter ces recommandations de durée maximale de prescription. Ce sont plus souvent des hommes âgés et accordant dans leur prise de décision une forte importance aux préférences des patients et une faible importance à la balance bénéfices/risques du médicament. Il est probable que les nouvelles générations de médecins soient plus vigilantes dès l’instauration de ces traitements.

Quels risques encourent les patients sous BZD au long cours ? Singulièrement les plus de 65 ans ?

Les troubles mnésiques et la dépendance sont les deux principaux risques d’une prescription au long cours de benzodiazépines.

Les benzodiazépines à demi-vie longue (> 20 heures) sont considérées comme inappropriées chez les sujets âgés, du fait d’un surrisque iatrogénique. En effet, les BZD à demi-vie longue chez les sujets âgés seraient encore plus à risque de chutes traumatiques, et majorent le risque de fractures de hanches.

De quelle façon la dé-prescription des BZD peut-elle être envisagée ? Des alternatives thérapeutiques existent-elles ?

Il faut d’abord rechercher un trouble psychique (dépression, anxiété…) sous-jacent qui relèverait d’un traitement spécifique. Voir fréquemment le patient pour le rassurer dans un protocole de décroissance lente de la benzodiazépine, parfois en la remplaçant par une molécule avec une demi-vie plus longue (mais non recommandée chez le sujet âgé), comme le diazépam, pour diminuer l’apparition des symptômes de sevrage et disposer aussi de formes galéniques buvables permettant des paliers de dose moins importants. Selon la posologie de départ quelques semaines à plusieurs mois sont nécessaires.

 

Propos recueillis par Didier Doukhan

Source : Le Quotidien du Pharmacien