Nul doute, pour le Pr Fabrice Barlesi* (directeur général de l’Institut Gustave Roussy), que le champ de la médecine de précision en oncologie va continuer à s’élargir dans les années à venir.
Cette dernière est, depuis le début des années 2000, intrinsèquement liée au développement des biomarqueurs permettant des traitements de plus en plus spécifiques, que l’on peut ainsi qualifier de bioguidés. Il s’agit donc plus précisément des biomarqueurs dits prédictifs (par opposition aux biomarqueurs pronostiques ; bien que certains biomarqueurs cumulent les deux qualifications) à l’origine de bénéfices très significatifs.
C’est ainsi, par exemple, qu’aux États-Unis la mortalité du cancer du poumon - dont deux tiers des patients au moment du diagnostic sont au stade métastatique - a baissé de 3,2 % par an sur la période 2006 à 2013. Diminution qui s’est accélérée à hauteur de 6,3 % par an entre 2013 et 2016.
L’un des grands enjeux actuels est que chaque patient puisse bénéficier de la recherche de ces biomarqueurs d’intérêt qui correspondent à des altérations/anomalies biologiques (notamment des mutations) des tumeurs, rendue en théorie possible grâce à la mise en place par l’InCa (Institut national du cancer) de grandes plateformes d’analyses génétiques. À ce sujet, une amélioration (annoncée le 29 juin dernier) du remboursement de ces tests devrait bientôt réduire les inégalités territoriales d’accès au génotypage moléculaire.
De nombreux challenges
« Être oncologue aujourd’hui c’est être un spécialiste des maladies rares », souligne le Pr Fabrice Barlesi. De fait, dans l’adénocarcinome du poumon, hormis les mutations KRAS (25 %) et de l’EGFR (10 %), toutes les autres altérations identifiées sont peu fréquentes, souvent seulement de l’ordre de 1 %, voire même moins. Ce démembrement complique les essais cliniques mais permettra aussi de plus en plus de traitements hautement spécifiques.
Les autres enjeux de l’adaptation thérapeutique concernent les co-altérations moléculaires (une anomalie biologique tumorale est rarement unique), les fusions (des anomalies plus difficiles à mettre en évidence), l’amélioration des essais cliniques afin de pouvoir valider plus rapidement certaines hypothèses, l’anticipation de l’évolution de la maladie cancéreuse, la gestion des résistances et l’extension de la médecine de précision au vaste et complexe champ de l’immunothérapie.
Le défi du développement des thérapies ciblées
À l’heure actuelle, indique Nathalie Varoqueaux (directrice médicale Amgen France) plus de 70 % des essais cliniques en oncologie (55 % en 2018 et 15 % en 2000) associent la recherche de biomarqueurs prédictifs de réponse. Ce qui implique de s’appuyer sur des plateformes technologiques à haut débit et d’être capable d’analyser les millions de données générées à toutes les phases de développement des médicaments.
Amgen, qui possède un portefeuille d’une vingtaine de molécules en développement en onco-hématologie dont la moitié sera associée à un ou plusieurs biomarqueurs, annonce avoir réussi à mettre au point un produit ciblant spécifiquement la mutation KRAS - une « forteresse imprenable depuis 40 ans » - et plus précisément la mutation KRASG12C qui concerne 1 patient sur 8 atteint d’un cancer du poumon non à petites cellules.
*Spécialiste du cancer du poumon, de la médecine de précision et de l'immunologie des cancers, le Pr Fabrice Barlesi est un des acteurs majeurs de la recherche sur les thérapies innovantes contre le cancer. Il est, depuis 2020, directeur médical et directeur de la recherche clinique de Gustave Roussy.
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