« Le cancer du poumon localisé et opérable représente environ un tiers des tumeurs pulmonaires au diagnostic, soit à peu près 15 000 patients par an en France, précise le Pr Girard. Le risque de rechute est d’autant plus important que la taille de la tumeur est élevée. Pour des tumeurs de 5 à 6 cm, on estime que plus de la moitié des patients seront en rechute au bout de 18 mois. » Au total, 30 à 55 % des CBNPC non métastatiques récidivent après l’opération. Une prise en charge efficace avant la chirurgie pourrait donc faire la différence…
L’association de l’immunothérapie à la chimiothérapie ayant déjà fait ses preuves dans le CBNPC métastatique, elle a logiquement été évaluée en néoadjuvant dans les formes localisées au cours de l’étude CheckMate-816. « L’avantage est que l’on traite avant la chirurgie tous les patients sélectionnés sur un temps très court, avec seulement trois cures d’immuno-chimiothérapie, pendant deux mois, explique le Pr Girard. Alors qu’avec une stratégie adjuvante, la moitié des patients ne reçoivent pas le traitement en raison notamment de complications chirurgicales. » Ainsi, dans cet essai international de phase 3 coordonnée depuis 2017 par les équipes de l’Institut du thorax Curie-Montsouris, 358 patients atteints d’un CBNPC non métastatique recevaient une chimiothérapie préopératoire à base de sels de platine, associée ou non au nivolumab.
Près d’un an de bénéfice en survie sans progression
Les résultats présentés l’année dernière avaient déjà mis en évidence une amélioration de la réponse pathologique complète qui atteint 24 % grâce à l’ajout du nivolumab (versus 2,2 % sous chimiothérapie seule). Présentées le 11 avril par le Pr Girard au congrès de l’AACR, les données de survie sans progression (SSP) révèlent, après 21 mois de suivi, une réduction de 37 % du risque de rechute grâce à l’addition du nivolumab à la chimiothérapie. La SSP atteint ainsi 31,6 mois avec l’association versus 20,8 mois sous chimiothérapie seule (HR = 0,63 ; p = 0,005), soit une amélioration de près d’un an. La proportion de patients en SSP à un an s’élève respectivement à 76,1 % versus 63,4 %. À deux ans, elle passe à 63,8 % versus 45,3 %. Le bénéfice en termes de SSP est retrouvé quel que soit le sous-groupe de patients. Néanmoins, il était plus élevé chez les patients de stade IIIA (versus stades IB et II), en cas d’expression de PDL1 ≥ 1 (versus PDL1 ≤ 1) et dans les cancers non épidermoïdes (versus épidermoïdes).
Quant à la charge mutationnelle des tumeurs, elle impactait peu les résultats en termes de réponse pathologique. Selon le Pr Girard, les biomarqueurs auraient donc un rôle prédictif de l’efficacité moindre à ce stade qu’en situation métastatique.
Vers un nouveau standard thérapeutique
Si la survie globale (SG) n’était atteinte dans aucun des deux groupes, elle était cependant prometteuse. En effet, la réduction du risque de décès était de 43 % avec l’ajout de l’immunothérapie (HR = 0,57, p = 0,008). À deux ans, la SG atteignait 82,7 % avec l’association (versus 70,6 % sous chimiothérapie seule). Ces résultats sont en passe de changer les pratiques. « Le standard thérapeutique devient aujourd’hui l’association immunothérapie et chimiothérapie administrée avant la chirurgie, reconnaît le Pr Girard. C’est une innovation thérapeutique majeure qui augmente la proportion de patients guéris dans cette situation de CBNPC opérable ». En effet, aucun des patients en réponse pathologique complète n’a rechuté.
L’immunothérapie étant délivrée sur un temps très court (trois injections), aucune augmentation des effets secondaires n’a été constatée (tous grades : 92,6 % avec l’association versus 97,2 % sous chimiothérapie ; grades 3-4 : 33,5 % versus 36,9 %). « On a même moins de complications chirurgicales (41,6 % versus 46,7 %) », note le Pr Girard.
Si l'association a été homologuée en mars aux États-Unis en situation néoadjuvante par la Food and Drug Administration, la question de son accès à ce stade se pose en France. « J’espère qu’un dispositif d’accès précoce pourra permettre à nos patients de bénéficier de ce traitement le plus rapidement possible », projette le Pr Girard.
D’après la conférence de presse réalisée par le Pr Nicolas Girard, le 11 avril 2022.
(1) Forde PM et al. Neoadjuvant Nivolumab plus Chemotherapy in Resectable Lung Cancer, "NEJM" April 11 2022, DOI : 10.1056/NEJMoa2202170.
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