L’aire de répartition et l’incidence des parasitoses humaines évoluent avec le temps et les activités humaines. Mais les choses sont loin d’être simples et revêtent bien des aspects, parfois inattendus. En voici quelques illustrations.
CONTRAIREMENT à ce que l’on pourrait penser, le réchauffement climatique est loin d’être un facteur clé de l’extension, voire de l’implantation, de diverses parasitoses sur le territoire français, car les variations de température sont heureusement loin du compte. Les paramètres importants sont plutôt représentés par des modifications de la densité des populations des espèces sauvages, hôtes naturels des parasites (l’espèce humaine étant souvent un hôte accidentel), et la fréquentation de plus en plus croissante de biotopes de loisirs dans lesquels nous risquons de rencontrer les vecteurs de ces pathologies.
Trichine : attention aux sangliers.
Si le nombre de cas autochtones de trichinellose (une myosite fébrile provoquée par l’ingestion de viande crue ou peu cuite, notamment de sanglier, renfermant des larves de la trichine) demeure actuellement très faible dans notre pays, certains changements sont porteurs d’interrogations pour l’avenir.
« La prolifération en France des sangliers depuis 1975 peut faire craindre une augmentation du nombre de cas de trichinellose. En effet, leur nombre a été multiplié par un facteur 10 au cours des 25 dernières années, ce qui s’explique prioritairement par une forte augmentation des surfaces boisées, par la politique des jachères et la réduction du nombre des petites exploitations agricoles, souligne le Pr Jean Dupouy-Camet (Chef du service de parasitologie mycologie de l’hôpital Cochin - Paris, et Secrétaire Général de la Société Française de Parasitologie). Mieux vaut consommer le sanglier tué à la chasse cuit en daube plutôt qu’au barbecue qui ne permet pas de bien maîtriser la température. »
Maladie de Lyme : le rôle des chevreuils.
« Cette reforestation de notre territoire a aussi entraîné la pullulation des chevreuils, précise le Pr Dupouy-Camet. Si cet animal n’est pas un véhicule de parasitoses par consommation, l’augmentation de sa population est à l’origine de celle de la biomasse de tiques en général et notamment des ixodes pouvant transmettre la maladie de Lyme, dont par ailleurs les chevreuils ne représentent pas un réservoir en tant que tels. »
Rappelons à ce sujet que la borréliose de Lyme est l’arbovirose la plus fréquente d’Europe et que son incidence augmente. Sont particulièrement exposées les personnes fréquentant les forêts, surtout en période d’humidité (avril à novembre), parmi lesquels les randonneurs, les adeptes du camping sauvage, les cueilleurs de champignons…
D’autre part, le réchauffement climatique est à l’origine d’un relèvement de l’altitude jusqu’où sévissent les tiques transmetteurs de la maladie de Lyme, passée de 1000 à 1500 m, ce qui concourt à un élargissement des zones à risque.
Échinococcose alvéolaire : le renard des villes.
Rappelons que l’échinocoque est un parasite de l’intestin du renard, émis dans le milieu extérieur dans les déjections, qui peuvent souiller par exemple les myrtilles et les fraises des bois. Jusqu’au développement de l’albendazole, l’échinococcose alvéolaire avait une issue presque constamment fatale.
« Bien que l’incidence de cette pathologie demeure faible, longtemps cantonnée à l’est de la France, notamment dans les Ardennes et les Cévennes, de l’ordre d’une dizaine de cas diagnostiqués chaque année, l’augmentation des aires géographiques de cette grave maladie est inquiétante, s’étendant vers l’ouest », explique le Pr Dupouy-Camet. Ce dernier fait est lié à la prolifération des renards sur le territoire. De fait, le renard s’est urbanisé et on le rencontre de plus en souvent en périphérie des villes et même à l’intérieur de celles-ci. L’échinococcose alvéolaire a d’ailleurs notamment été identifiée chez des renards abattus en région parisienne et même l’année dernière chez un renard abattu dans les serres municipales situées en plein centre de la ville de Melun.
On peut donc en conclure que l’échinococcose alvéolaire est une maladie qui a aujourd’hui tendance à s’urbaniser et il convient de rappeler l’importance des règles d’hygiène de base, partout en France, comme de se laver soigneusement les mains après avoir jardiné ou manipulé des végétaux dans le milieu extérieur.
Sans alarmisme mais dans le même esprit, il faut aussi penser que l’hôte intermédiaire de l’échinococcose est représenté par un petit rongeur, le campagnol, pouvant être mangé par les chats, qui semblent peu réceptifs à la maladie, et aussi par les chiens qui représentent à l’inverse un excellent hôte pour le parasite, dont ils peuvent assurer la dissémination dans leur environnement pendant un temps prolongé. Dans un tel contexte, des caresses suivies d’un contact avec la bouche de doigts contaminés par des œufs de parasites microscopiques peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Vers un retour du paludisme en France métropolitaine ?
Ce thème récurrent depuis quelques années doit être abordé de manière très prudente, prévient le Dr Didier Fontenille (Directeur de Recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement*).
En effet, il faut se souvenir que le paludisme a été présent en France et dans une grande partie de l’Europe (il y en a toujours en Russie et en Turquie) jusqu’au XIXe siècle (certainement à Plasmodium vivax et malariae, peut-être aussi falciparum), moment où l’on a identifié l’agent causal, le Plasmodium, et à partir duquel notre pays a connu une augmentation de son niveau socio-économique, ayant entraîné une amélioration de l’habitat, un aménagement de l’environnement, un drainage des marécages, un large accès aux soins, le développement de médicaments efficaces et donc une progressive disparition de la transmission palustre.
La dernière épidémie de paludisme en France métropolitaine remonte à 1972-1973 avec quelques dizaines de cas à P. Vivax en Corse. Bien que le paludisme autochtone n’existe plus sur notre territoire (hors Guyane et Mayotte), faut-il craindre sa réinstallation ? Rappelons à ce sujet que l’on dénombre chaque année environ 5 000 cas de paludisme d’importation, dont 80 % en provenance d’Afrique et 80 % à P. Falciparum.
« S’il existe sur notre territoire de nombreux moustiques anophèles potentiellement capables de transmettre le paludisme, ce sont de mauvais vecteurs car les parasites importés se développent mal chez ces insectes avec qui ils n’ont pas co-évolués. Pour qu’une transmission puisse avoir lieu, il faut qu’un anophèle pique un porteur de parasites, que ce moustique vive ensuite suffisamment longtemps pour que le plasmodium se développe jusqu’aux glandes salivaires, ce qui nécessite 12 à 20 jours, et enfin que ce même insecte pique un autre être humain. Chacune de ces étapes ayant une très basse probabilité, la probabilité résultante est négligeable, même si elle n’est pas totalement nulle. D’ailleurs, en Europe, on observe en moyenne un ou deux cas de paludisme autochtone tous les deux ans. »
Un autre type de risque potentiel ne serait-il pas représenté par l’implantation en Europe d’Anophèles ayant co-évolué avec le P. Falciparum ? « On peut l’imaginer, mais en pratique on ne l’a pas observé. Et, pour l’instant, nous n’avons pas constaté de modifications importantes des aires de distribution des anophèles, ni l’implantation de nouvelles espèces d’anophèles en Europe, phénomène que nous surveillons bien entendu très étroitement », conclut le Dr Fontenille.
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