Le Quotidien du pharmacien.- Que pensez-vous de l’arrivée en France des analogues du GLP-1 comme le Wegovy dans le traitement de l’obésité ?
Anne-Sophie Joly.- Je m’en réjouis. C’est une bonne nouvelle pour tous les Français qui souffrent d’obésité car ils élargissent le champ thérapeutique. C’est même une révolution puisque, jusqu’ici, aucun médicament n’était vraiment efficace dans cette indication. Mais ce n’est pas suffisant car, contrairement à d’autres pays européens - le Portugal depuis longtemps puis l’Allemagne et l’Italie -, la France ne reconnaît pas l’obésité comme une maladie à part entière. L’OMS l’avait reconnue dès 1999… Le CNAO réclame en vain cette reconnaissance depuis des années. La France a édicté des recommandations de bonnes pratiques pour améliorer la prise en charge de l’obésité, lancé des Programmes nationaux nutrition santé (PNNS), mis en place des Centres spécialisés obésité (CSO) et le Nutri-Score mais, curieusement, n’a toujours pas reconnu l’obésité en tant que maladie chronique.
Quels sont vos arguments en faveur de cette reconnaissance ?
Ils sont nombreux. À partir d’un certain stade, l’obésité est une maladie chronique grave et invalidante, lourde de conséquences sur la santé physique et mentale et coûteuse pour la société. Elle favorise directement la survenue du diabète de type 2, la stéatose hépatique puis la NASH, les maladies cardiovasculaires, mais aussi des troubles ostéo-articulaires, respiratoires, dermatologiques (mycoses), les apnées du sommeil, l’infertilité et des complications lors de la grossesse, l’incontinence urinaire, etc. Ainsi qu’une quinzaine de cancers, on l’oublie souvent : œsophage, colorectal, foie, pancréas, vésicule biliaire, rein, ovaire, sein, endomètre, thyroïde… Il serait donc logique, intelligent et, au-delà, économiquement rentable, de prendre en charge les traitements de l’obésité - du moins à partir d’un IMC > 35 ou 40 kg/m2 - de façon à limiter les risques de survenue de toutes ces maladies graves. Pourquoi rembourser les traitements du diabète et des cancers et pas ceux de l’obésité alors que celle-ci est pourvoyeuse de ces maladies, et cause, au total, beaucoup plus de dégâts nécessitant des traitements fort coûteux ?
Pourquoi rembourser les traitements du diabète et des cancers et pas ceux de l’obésité ?
Ne craignez-vous pas des dérives et un usage à des fins purement esthétiques comme c’est le cas aux États-Unis notamment ?
Avec l’Ozempic, par exemple, les mésusages, liés à des ordonnances falsifiées le plus souvent, sont peu nombreux en France et la surveillance est rigoureuse. On peut toujours le craindre mais est-ce que les Français auraient les mêmes comportements que les Américains ? Je ne le crois pas. Je pense aussi que, pour réduire ce risque, la reconnaissance de l’obésité comme une maladie et son encadrement par des professionnels de santé formés (ce n’est pas le cas aujourd’hui) sont précisément nécessaires.
Propos recueillis par Évelyne Gogien
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