Alors que la France propose cette année à tous les nourrissons de moins d’un an une prévention contre la bronchiolite à VRS avec le traitement Beyfortus (nirsévimab), il importe de savoir s’il y a des risques élevés d’apparition de résistance au traitement. D’autant plus que, lors de l’utilisation de Beyfortus l’année dernière, ce risque a été suspecté. En effet, la grande majorité des 198 cas de pharmacovigilance rapportés (74,7 %) faisait état d’une moindre efficacité ou d’une inefficacité du Beyfortus, avec l’apparition d’une bronchiolite à VRS chez des enfants qui ont pourtant reçu l’anticorps. Par ailleurs, lors des essais cliniques de phase IIb/III, seuls 48 VRS ayant infecté des enfants sous traitement par le nirsévimab avaient pu être étudiés, et des mutations d’échappement avaient été retrouvées chez deux d’entre eux.
Une étude observationnelle, multicentrique
Y a-t-il eu une éventuelle émergence de VRS résistants au nirsévimab, ce qui pourrait expliquer ces quelques infections à VRS chez des enfants immunisés par Beyfortus ?
Une équipe de chercheurs français* a voulu en savoir un peu plus. Dans ce but, ils ont évalué le risque de mutation du VRS sur un plus vaste échantillon grâce à une étude observationnelle, multicentrique, de grande envergure se déroulant en vie réelle au cours de la saison hivernale 2023-2024 (étude Polyres). Ses résultats ont été publiés dans le « Lancet Infectious Diseases ».
L’étude a inclus 695 nourrissons ayant une infection par le VRS, parmi lesquels 349 avaient reçu une prophylaxie par nirsévimab. Les équipes ont analysé les caractéristiques des VRS-A et VRS-B présents dans les prélèvements nasopharyngés réalisés dans le cadre de la prise en charge habituelle des enfants. La séquence complète du génome viral a été déterminée pour rechercher en particulier des mutations dans le site de liaison (le site Ø) du nirsévimab. La capacité du nirsévimab à inhiber la multiplication des virus en culture cellulaire a également été étudiée. L’analyse de 472 VRS-A n’a révélé aucune mutation de résistance au nirsévimab dans le site Ø de la protéine F. Parmi les 73 enfants infectés par le VRS-B, 24 avaient reçu du nirsévimab en prophylaxie. Chez ces 24 enfants, deux isolats de VRS-B présentaient des mutations de résistance à l’anticorps, une déjà connue, l’autre inconnue et décrite ici pour la première fois.
L’analyse montre donc une « faible prévalence des mutations de résistance au nirsévimab chez des patients traités, ce qui est rassurant », estime le Pr Slim Fourati, virologue au CHU Henri Mondor, et co-auteur de l’étude. « Toutefois, quelques VRS-B issus de patients traités analysés à ce jour présentaient des mutations d’échappement, ce qui invite à la prudence et souligne l’importance d’une surveillance moléculaire active dans le contexte d’une future utilisation du nirsévimab à l’échelle mondiale », ajoute-t-il. En conclusion, les résultats de l’étude Polyres sont en faveur de la poursuite de l’utilisation du nirsévimab en prophylaxie pour tous les nouveau-nés dans le monde.
* Chercheurs de l’AP-HP, INSERM, Institut Pasteur et des Université Paris-Est-Créteil et Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, membres des équipes du réseau de virologie de l’ANRS MIE.
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