Médicaments hypolipémiants

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Publié le 03/12/2018
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Le profil d’action des divers hypolipémiants diffère, ce qui justifie l’adaptation de la prescription au caractère spécifique de l’hyperlipidémie (les statines constituant le recours de première ligne). Leur prescription n’a de sens que lorsqu’un régime diététique approprié et correctement suivi pendant au moins six mois n’a pas normalisé les paramètres biologiques : il s’agit d’un régime appauvri en cholestérol et en graisses saturées chez un patient présentant une hypercholestérolémie essentielle, ou d’un régime appauvri en glucides et proscrivant toute consommation d’alcool s’il s’agit d’une hypertriglycéridémie endogène (dans tous les cas, les apports en graisses mono- et poly-insaturées resteront suffisants). S’y ajoutent l’arrêt du tabagisme et une activité physique quotidienne d’environ une demi-heure.

Statines. Dans les hypercholestérolémies pures ou mixtes, les statines constituent le traitement de première intention : l'effet qui en est attendu dépend du niveau de risque cardiovasculaire initial du patient. En cas d'effet insuffisant sur le LDL-c, la posologie de la statine est augmentée jusqu'à la dose maximale ou la statine est associée à l'ézétimibe ou à la colestyramine. En cas d'intolérance aux statines, d'effet insuffisant, de LDL-c < 1 g/l associé à des triglycérides élevés et à un taux de HDL-c bas, ou encore d'hypertriglycéridémie sévère isolée, la prescription d’un fibrate, de colestyramine et/ou ézétimibe peuvent être discutés. L'effet attendu sur les critères de morbimortalité est peu documenté.

Les hypolipémiants ont une moindre efficacité dans les hypertriglycéridémies exogènes dépendantes des graisses alimentaires ou dans les hypertriglycéridémies majeures. Ils ne sont pas prescrits en première intention dans les hyperlipidémies secondaires (syndrome néphrotique, cholestase, hypothyroïdie, etc.) ou dans les hyperlipidémies iatrogènes (contraceptifs oraux, diurétiques, b-bloquants, etc.).

La surveillance de l'efficacité et de la tolérance du traitement commence 1 à 3 mois après son introduction. Un contrôle des transaminases est impératif dans les 3 mois qui suivent son instauration. Ultérieurement, le rythme de surveillance n'est pas défini.

Les statines inhibent la b-hydroxy-b-méthyl glutaryl Coenzyme A (HMG-CoA) réductase, enzyme catalysant l’étape limitante de la biosynthèse du cholestérol. Il s’ensuit, par une cascade de processus complexes, une baisse des concentrations plasmatiques du CT, du LDL-c, des VLDL et des triglycérides avec augmentation parallèle des concentrations du HDL-c. Toutes les statines ont montré un bénéfice sur des critères de morbimortalité cardiovasculaire avec un bon niveau de preuve en prévention primaire (atorvastatine, pravastatine, rosuvastatine, simvastatine) et en prévention secondaire (fluvastatine, pravastatine, simvastatine). Elles constituent la première ligne du traitement médicamenteux de l'hypercholestérolémie. Les molécules recommandées (meilleur coût-efficacité ou efficience) sont la simvastatine et l'atorvastatine.

Deux schémas thérapeutiques sont proposés :

- Initié à la plus faible dose disponible, le traitement est poursuivi à doses croissantes jusqu'à obtention de la dose validée dans les essais de prévention (atorvastatine : 10 mg/j ; fluvastatine : 80 mg/j ; pravastatine : 40 mg/j ; rosuvastatine : 20 mg/j ; simvastatine : 20 à 40 mg/j) ou jusqu'à l'effet thérapeutique recherché sur le taux de LDL-c en fonction du risque.

- La dose initiale est définie en fonction de la cible déterminée et de la différence entre le taux de LDL-c du patient et la cible thérapeutique. Par exemple, si la réduction attendue du LDL-c est < 29 %, la posologie de 10 mg/j de simvastatine peut être proposée ; si cette réduction est comprise entre 30 % et 39 %, la posologie de 20 ou 40 mg/j de simvastatine ou de 10 mg/j d'atorvastatine peut être proposée ; si la réduction attendue est > 40 %, l'atorvastatine à 20, puis 40, puis 80 mg/j peut être proposée.

Les statines bénéficient d’une tolérance satisfaisante. Les effets indésirables, d’intensité légère à modérée, cèdent en général à la poursuite du traitement : douleurs abdominales, flatulences, nausées, parfois vomissements, dyspepsie, troubles du transit à type de diarrhées ou de constipation. L’atteinte hépatique parfois observée (élévation des transaminases), légère, est un effet de classe : elle est indépendante de l’âge, du sexe, de la masse corporelle ou de la consommation d’alcool.

De façon exceptionnelle, l’administration d’une statine peut induire une atteinte musculaire, traduite par des crampes, des myalgies. Son expression ultime, la rhabdomyolyse, constitue l’effet indésirable le plus redouté car elle s’accompagne d’une myoglobinurie susceptible de déclencher une insuffisance rénale aiguë sévère.

La iatrogénie musculaire, imprévisible, est favorisée par certains facteurs de risque : âge > 70 ans, sexe féminin, atteinte rénale ou atteinte hépatique pré-existante, antécédents de maladie musculaire génétique, antécédents d’effets indésirables musculaires avec un fibrate ou une statine prescrite antérieurement, diabète, hypothyroïdie, abus d’alcool, exercice physique intense. Mais les cas sont majoritairement corrélés à une prescription à posologie trop importante ou à une association déconseillée. Le risque de lyse musculaire dépend en effet de la concentration sérique et toute interaction cinétique susceptible d’augmenter le taux plasmatique de la statine le majore.

Un symptôme musculaire inexpliqué apparaissant sous traitement par statine doit faire pratiquer un dosage de la créatine phosphokinase (CPK) mais la surveillance systématique de ce paramètre biologique n'est pas recommandée en l'absence de troubles fonctionnels. Un dosage de la CPK avant l’instauration du traitement est toutefois conseillé si un facteur de risque est repéré.

Face à de nombreuses polémiques concernant l’usage des statines, l’Académie de Médecine a publié un rapport (mai 2018) soulignant que le bénéfice/risque de l’emploi de cette classe thérapeutique est particulièrement favorable pour la prévention des accidents cardio-vasculaires notamment chez les patients à très haut risque ou ayant une maladie cardio-vasculaire documentée. Le bénéfice apporté par cette classe de médicament notamment en prévention cardiovasculaire secondaire est sans commune mesure avec les effets secondaires rapportés et une interruption intempestive du traitement peut avoir des conséquences néfastes sur la santé.

Fibrates. Les fibrates interfèrent avec le métabolisme des lipoprotéines riches en triglycérides : inhibition de l’HMG-CoA-réductase hépatique, augmentation de l’excrétion biliaire du cholestérol, diminution de la synthèse hépatique des triglycérides et des VLDL, augmentation du catabolisme des VLDL, augmentation du catabolisme des triglycérides (stimulation de l’activité de la lipoprotéine-lipase). Ils sont indiqués dans le traitement de l'hypertriglycéridémie sévère, associée ou non à un faible taux de HDL-c, et dans celui de l'hyperlipidémie mixte lorsqu'une statine est contre-indiquée ou non tolérée. Ils ne doivent pas être utilisés en première intention dans les hypercholestérolémies primaires mais peuvent l’être en deuxième intention en cas d'intolérance aux statines, ou en association aux statines chez un patient à haut risque cardiovasculaire (toutefois, cette association est généralement déconseillée, car elle majore le risque d'atteinte musculaire).

L’administration d’un fibrate expose à des troubles digestifs, des signes neurologiques (vertiges, céphalées), une élévation des transaminases, un risque de lithiase biliaire, un risque d’atteinte musculaire (crampes, myalgies, exceptionnellement rhabdomyolyse) - surtout s’il y a association de plusieurs inhibiteurs de l’HMG-CoA-réductase -.

Inhibiteurs de l’absorption du cholestérol alimentaire. Déposé à la surface des cellules de la bordure en brosse de l’intestin, l’ézétimibe inhibe de façon sélective l'absorption intestinale du cholestérol. Il est indiqué chez l'adulte dans le traitement adjuvant au régime dans l'hypercholestérolémie primaire, en association à une statine en cas d'insuffisance d'efficacité de cette statine ou en monothérapie, si le traitement par statine est inapproprié ou mal toléré.

Il existe d’ailleurs des associations fixes d’ézétimibe et de statine (atorvastatine = Liptruzet, simvastatine = Inegy), adaptées aux patients chez qui le traitement par statine est insuffisamment efficace ou recevant déjà une telle association.

L'ézétimibe est contre-indiqué en cas de grossesse, d'allaitement, d'affection hépatique évolutive ou d'élévation des transaminases sériques. N'ayant pas montré de bénéfice sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, son utilisation est recommandée en deuxième intention, après échec d'une statine seule ou en cas d'intolérance. Il peut entraîner, y compris en monothérapie, des troubles gastro-intestinaux, des élévations des transaminases et des CPK et, rarement, une atteinte musculaire sévère.

Résine chélatrice. La colestyramine (Questran) chélate les sels biliaires dans la lumière intestinale d’où réduction des taux de cholestérol intrahépatocytaire, et augmentation de l’expression des récepteurs aux LDL. Elle est indiquée dans le traitement de l'hypercholestérolémie essentielle lorsque le régime est insuffisant et/ou qu'il existe des facteurs de risque associés ; elle peut être utilisée en deuxième intention en cas d'intolérance aux statines. Pouvant provoquer une augmentation des triglycérides, son administration est contre-indiquée dans les hypertriglycéridémies.

Anticorps monoclonaux. Deux anticorps monoclonaux sont indiqués dans les hypercholestérolémies et hyperlipidémies mixtes : l’alirocumab (Praluent) et l’évolocumab (Repatha). Utilisés chez les patients pour lesquels les concentrations de LDL-c sont insuffisamment abaissées par une statine à dose maximale tolérée (seule ou associée à d'autres hypolipémiants) ou qui sont intolérants aux statines, ils s'administrent par voie sous-cutanée au plus toutes les 2 semaines. Leur effet sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires n'a pas encore été déterminé et leur positionnement dans la prise en charge de l’hyperlipidémie reste à préciser.

 

 


Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3478