Maladie neurologique fréquente, la migraine affecte entre 14 % et 18 % des femmes et 6 % à 8 % des hommes. La population des migraineux est comprise entre 6 et 10 millions de sujets en France. Concernant plus volontiers l’adulte avec un pic de prévalence entre 35 et 45 ans, elle s’observe trois fois plus souvent chez la femme que chez l’homme pour des raisons d’origine hormonale. Elle est liée à des stimuli environnementaux enclenchant, chez des personnes vulnérables (terrain génétique) une cascade de réactions libérant dans le cerveau des substances pro-inflammatoires qui perturbent l’homéostasie neuronale et vasculaire, en engendrant une douleur unilatérale (d’où la dénomination de « mi » « graine », du grec « hémikrânia »), pulsatile, d’intensité modérée à sévère, qu’aggrave l’activité physique, souvent associée à des nausées, des vomissements, une photo- et une phonophobie. Malgré des traitements adaptés, particulièrement dans les situations de crise, la migraine peut handicaper le patient dans son existence sociale comme familiale.
Facteurs déclenchants la migraine :
De nombreux facteurs environnementaux sont susceptibles d’induire le déclenchement d’une crise de migraine dont notamment des facteurs psychologiques (contrariété, anxiété, émotion, choc psychologique, modifications du mode de vie), des facteurs alimentaires (alcool, chocolat - riche en sérotonine vasodilatatrice -, graisses cuites, agrumes, yaourts ou fromages riches en tyramine, glutamate, aspartam, etc., y compris jeûne, hypoglycémie, irrégularité des repas), des facteurs physiologiques (déshydratation, perturbations endocriniennes, modifications du rythme veille-sommeil, etc.), des facteurs sensoriels (lumière, bruit, odeurs, etc.).
Ces facteurs induiraient l’excitation des terminaisons périvasculaires trigéminales, avec libération de neuropeptides actifs à l’origine de troubles vasomoteurs et d’une stimulation se propageant le long des axones vers divers territoires du cerveau où elle induit des symptômes neurovégétatifs et des douleurs. La migraine est donc une maladie neurovasculaire complexe voyant des facteurs déclenchants environnementaux modulés par un terrain génétique induire une hyperexcitabilité neuronale à l’origine de modifications vasculaires (vasodilatation) et d’une inflammation affectant notamment les vaisseaux de la dure-mère.
Signes cliniques :
Le diagnostic d’une migraine commune, la plus banale des présentations de la migraine, observée dans 75 % des cas chez la femme, est purement clinique. La céphalée s’installe progressivement et atteint un paroxysme en 2 à 4 heures pour se résoudre spontanément, en l’absence de traitement, en 4 à 72 heures La douleur unilatérale peut irradier et être diffuse. L’hémisphère concerné peut changer entre les crises. Le siège de la douleur est fronto-temporal ou rétro-orbitaire, parfois occipital ou cervical. La douleur, exacerbée par les mouvements et notamment par la toux, est pulsatile. Les signes d’accompagnement digestifs (nausées, vomissements, etc.) ne sont pas constants et moins fréquents après quelques années d’évolution de la maladie. Les signes sensoriels (photophobie, phonophobie, etc.) observés lors de l’accès migraineux sont eux aussi inconstants. L’examen neurologique est normal entre les crises. Il faut veiller, face à une céphalée chez un patient connu comme migraineux, à ne pas porter sans précaution un diagnostic de récurrence migraineuse : il peut s’agir en fait d’une hémorragie méningée ou d’une rupture d’anévrisme. Il existe toutefois bien d’autres présentations de la migraine :
- Migraine avec aura. La céphalée suit généralement une ou plusieurs auras, mais elle peut en être contemporaine, voire la précéder. Si les auras sont essentiellement visuelles, elles peuvent être aussi sensitives, aphasiques et/ou motrices.
- Migraine ophtalmique. Elle se caractérise par des signes annonciateurs visuels (mouches volantes, points lumineux perceptibles au centre du champ visuel puis à sa périphérie).
- Migraine vertigineuse. La migraine vertigineuse se caractérise par la survenue de troubles sévères (fourmillements s'accompagnant de vertiges et parfois d'hémiplégie) ayant les mêmes facteurs déclenchants que la crise classique. Cette maladie résulterait d’une atteinte des canaux de l’oreille interne d’origine génétique.
- Mal migraineux. Étant à la migraine ce que le mal épileptique est à l’épilepsie, le mal migraineux se traduit par la survenue de céphalées continues. Il suit souvent une maladie migraineuse aggravée de façon transitoire mais il peut aussi être inaugural. Souvent, cette pathologie rare résulte d'une consommation excessive de médicaments vasoactifs.
- Migraine dite « chronique ». Cette complication de la maladie migraineuse se traduit par des céphalées satisfaisant aux critères de migraine sans aura mais survenant 15j/mois au moins, depuis plus de 3 mois, en l’absence d’emploi excessif de médicaments anti-migraineux.
Traitement de la crise migraineuse :
Symptomatique, le traitement d’une crise est instauré le plus précocement possible, dès l’apparition des céphalées.
- Antalgiques. Le paracétamol reste insuffisamment évalué chez le patient migraineux en crise et la prise de fortes doses expose à un risque d’hépatotoxicité. L’action, inconstante, de l’aspirine porte uniquement sur les céphalées. Les AINS (ibuprofène, kétoprofène, naproxène) sont efficaces : leur prescription est logique car la migraine s’accompagne d’une inflammation des artères méningées et de l’extravasation de protéines plasmatiques algogènes.
Les opiacés (codéine, tramadol, morphine, etc.), seuls ou associés, doivent être évités en raison du risque d’abus médicamenteux et de leur tendance à augmenter les nausées.
Des gestes simples ont parfois une efficacité notable : compression de la tempe du côté douloureux, application de compresses froides sur la tempe, ingestion de sucre, etc. Dans d’autres cas, il suffit que le patient reste allongé dans une pièce calme et obscure.
- Vasoconstricteurs. Des observations associant la migraine à une vasodilatation localisée dans le cerveau, il est logique d’y répondre par des vasoconstricteurs comme les dérivés de l’ergot du seigle ou les triptans.
> Triptans. Référence du traitement de la crise de migraine, les triptans induisent une vasoconstriction des vaisseaux sanguins méningés dont la vasodilatation est responsable de la douleur (agonisme 5-HT1B), et une inhibition de la libération des neuropeptides pro-inflammatoires et vasoactifs impliqués dans la genèse de la crise au niveau des voies nerveuses trigéminées (agonisme 5-HT1D). Cette famille fédère de nombreux principes actifs (almotriptan, életriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptan) entre lesquels les différences d’activité, d’efficacité et de tolérance demeurent minimes. Il n’existe pas de tolérance ou d’intolérance croisée. Le sumatriptan est présenté sous forme d’un spray nasal et sous forme injectable (SC).
Actifs sur l’ensemble de la symptomatologie (céphalée, nausées et vomissements, photophobie, phonophobie) - à l’exception de l’aura -, ils s’administrent dès l’apparition de la céphalée migraineuse. Il ne faut pas les prendre lors de l’aura car ils risquent de potentialiser la vasoconstriction et d’être inefficaces.
L’utilisation des triptans expose à une iatrogénie bénigne et transitoire, liée à leur activité vasoconstrictrice : réactions cutanées, douleurs, sensation de chaleur ou de fourmillement, troubles circulatoires (« effet triptan » : sensation de striction ou de pesanteur dans la tête, le cou, le thorax, disparaissant en quelques heures), bouffées de chaleur, hypertension artérielle. Observés lorsque les précautions d’emploi et les contre-indications cardiovasculaires du traitement ne sont pas respectées, ces signes miment parfois une crise migraineuse.
L’association d’un triptan à un AINS améliore la puissance du traitement : le patient utilise en première intention l’AINS pour ne recourir au triptan qu’à la deuxième heure - en cas d’insuffisance d’efficacité de l’AINS -. Des échecs successifs de l’AINS invitent à recourir, par la suite, au triptan en première ligne.
L’abus de triptans, caractérisé au-delà de 8 à 15, voire 30, prises régulières par mois concerne souvent d’anciens abuseurs de dérivés ergotés. Il impose l’instauration d’un traitement de fond de la maladie migraineuse.
> Alcaloïdes de l’ergot. Ces agonistes sérotoninergiques, antagonistes dopaminergiques et antagonistes alpha-adrénergiques, induisent une vasoconstriction prolongée. Ils ne sont efficaces qu’administrés précocement lors du début de la crise.
La dihydroergotamine (DHE) est utilisée par voie transnasale (Diergospray) : ce nébulisat expose à un risque d’intolérance locale : impression de nez « bouché » et sec, ou, inversement, écoulement nasal. L’ergotamine (Gynergène Caféiné) s’administre per os : la caféine favorise l’absorption intestinale de l’alcaloïde.
La HAS considère qu’il s’agit de traitements de dernière intention de la crise, en cas d'échec des traitements recommandés (AINS et/ou triptans) ; même dans cette situation, leur intérêt reste modéré.
- Métoclopramide. Cet antagoniste dopaminergique (neuroleptique « caché ») a un effet anti-émétique : il est indiqué en traitement symptomatique des nausées et vomissements induits par une crise migraineuse. Il expose à un risque de symptômes extrapyramidaux et peut entraîner des arythmies ventriculaires graves et des morts subites (allongement de QT). Ces risques étant dose et durée dépendants, il s’administre à la posologie la plus faible possible, < 30 mg/j ou 0,5 mg/kg/j, pendant moins de 5 jours et dans le respect des contre-indications (comorbidités, interactions médicamenteuses). Le métoclopramide est évité en fin de grossesse et pendant l'allaitement du fait du risque de syndrome extrapyramidal néonatal.
Traitement de fond de la maladie migraineuse :
La prescription d’un traitement de fond se justifie lorsque le patient est victime d’une crise plus de deux ou trois fois par mois. Il permet aussi de prévenir un abus médicamenteux chez un sujet recourant depuis 3 mois à 6 à 8 prises/mois de médicaments de la crise. Il est instauré en monothérapie, à posologie progressive Si le nombre de crises est significativement réduit, ce traitement est diminué au bout de 6 à 12 mois, quitte à être repris. Son inefficacité fait opter pour une autre monothérapie, ou, rarement, pour l’association de deux médicaments à dose plus faible.
- Bêta-bloquants. Les bêta-bloquants agissent par leur action vasoconstrictrice et probablement antisérotoninergique. Seuls le propranolol et le métoprolol bénéficient d’une AMM dans le traitement de fond de la migraine. Ils sont administrés lorsqu’il n’y a pas de contre-indication (asthme, bradycardie) notamment chez les sujets ne répondant pas aux dérivés de l’ergot.
- Anticomitiaux. Ayant une efficacité dans la prophylaxie des crises de migraine voisine de celle du propranolol, le topiramate est prescrit à la posologie de 2x50mg/jour après adaptation posologique progressive.
- Divers. La spécificité des antagonistes sérotoninergiques indiqués dans le traitement de fond de la migraine (pizotifène = Sanmigran, oxétorone = Nocertone) est faible : ils agissent sur la transmission histaminergique (risque de prise de poids avec le pizotifène ; risque de somnolence). Ils ont de plus des propriétés anticholinergiques, d’où un risque de troubles visuels et de troubles mictionnels notamment chez le patient âgé. La flunarizine, un antagoniste calcique, a une action retardée et expose à un risque potentiel de signes extrapyramidaux, de somnolence et de prise de poids.
La prise prolongée d'antimigraineux, notamment d'antalgiques, peut entretenir un état de mal migraineux (phase céphalalgique excédant souvent trois jours et où les intervalles libres de céphalées sont le plus souvent inférieurs à quatre heures, sans compter les périodes de sommeil) ou induire des céphalées iatrogènes, par abus de médicaments. Dans ce contexte, il n’est jamais inutile de souligner que relaxation, acupuncture, biofeedback ont démontré une réelle efficacité, sans faire courir le risque d’effets latéraux. Il importe aussi de découvrir le(s) facteur(s) environnementaux à l’origine des crises pour les éliminer. Le patient migraineux peut ainsi tenir un « journal des migraines » où il consigne les circonstances de survenue des crises (alimentation, stress, conditions environnementales, etc.).
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