Selon les Académies de médecine et de pharmacie

Le traitement du rhume est à revoir

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Publié le 30/10/2020
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Le rhume est encore trop souvent traité par antibiothérapie associée à une corticothérapie, ou avec des décongestionnants. Des traitements qui n’ont pas prouvé une grande efficacité, et qui exposent à des effets secondaires, dénoncent les Académies de médecine et de pharmacie. Pour les Sages, on observe une discordance préoccupante entre une affection banale, guérissant spontanément dans l’immense majorité des cas, et une consommation médicamenteuse manifestement excessive.
Les Sages émettent quelques préconisations visant à limiter notamment le recours à l’antibiothérapie, à la corticothérapie et aux vasoconstricteurs.

Les Sages émettent quelques préconisations visant à limiter notamment le recours à l’antibiothérapie, à la corticothérapie et aux vasoconstricteurs.
Crédit photo : BURGER/PHANIE

« Aucun traitement n'a réellement fait preuve d'une grande efficacité, dans le rhume notamment lorsque l’on considère que le pronostic est généralement favorable sans traitement en moins de 15 jours », évoquent les Académies de médecine et de pharmacie dans un rapport intitulé « Les prescriptions médicamenteuses dans le rhume de l’adulte d’origine virale ».

En effet, « les antibiotiques sont inefficaces en première intention dans cette indication et le rapport bénéfices/risques leur est peu favorable ; la corticothérapie orale, trop souvent associée de principe à une antibiothérapie, n’est pas justifiée ; les décongestionnants nasaux ont une efficacité sur l’obstruction nasale mais leur prescription doit être limitée en raison d’effets indésirables », soulignent les auteurs du rapport.

En revanche, les académiciens semblent plus favorables à l’usage des AINS, qui ont « une efficacité sur les symptômes généraux du rhume, en particulier les douleurs liées au processus inflammatoire, mais qui n’ont pas d'effet évident sur les symptômes respiratoires (obstruction nasale, rhinorrhée), ni sur la toux ». Par ailleurs, le bromure d’ipratropium (Atrovent et génériques) à raison de deux pulvérisations par narine, trois fois par jour, pendant les deux premiers jours d'un rhume peuvent être utiles en cas d'importante rhinorrhée. En effet, cette molécule permet de diminuer la rhinorrhée, mais sans modification de l’obstruction nasale. Elle expose à quelques effets indésirables (sécheresse nasale, un mucus teinté de sang et des épistaxis).

Les académiciens se sont également exprimés sur les spécialités associant un antihistaminique H1, un analgésique et un décongestionnant, sans les proscrire. « Elles ont un effet global positif sur les symptômes du rhume de l'adulte avec quelques effets indésirables ».

En ce qui concerne le lavage des cavités nasales au sérum physiologique, la technique est peu risquée, pouvant générer un simple et banal inconfort ou une irritation nasale. Mais les faibles preuves attestant de son efficacité ne permettent pas d'établir une recommandation. Quant à l'ail, les herbes médicinales chinoises ou des humidificateurs d’air… aucun de ces remèdes n’a montré son efficacité.

Des préconisations

Face à ce constat, les Sages émettent quelques préconisations visant à limiter notamment le recours à l’antibiothérapie, à la corticothérapie et aux vasoconstricteurs.

Tout d’abord, ils recommandent le recours aux antibiotiques dans le rhume uniquement en cas de suspicion d’infection bactérienne dont le diagnostic repose sur deux situations cliniques : symptômes persistants sans amélioration au bout de 10 jours ou symptômes sévères (fièvre > 39 °C et rhinorrhée purulente ou des douleurs faciales durant plus de 3 à 4 jours consécutifs).

Ensuite, il faudrait limiter l’usage des vasoconstricteurs en raison de leurs effets indésirables rares mais parfois graves (infarctus du myocarde, AVC) et de leur mésusage (utilisation durant plus de 5 jours, associations de plusieurs spécialités) en suggérant qu’ils ne soient délivrés que sur prescription médicale. Cette préconisation fait déjà l’objet de discussions au sein de l’ANSM. Notamment, en mars 2019, le Comité technique de pharmacovigilance a demandé à la DGS de « passer sur liste I les vasoconstricteurs par voie orale, et de passer de la liste II à la liste I les formes nasales ». Une demande toujours sans réponse à ce jour.

Les académiciens souhaitent également limiter l’usage de la corticothérapie le plus souvent inadaptée. Enfin, ils souhaitent que l’on avertisse le grand public des dangers de l’automédication et de la dangerosité et de l’inefficacité de nombreux traitements utilisés dans le rhume. Cette communication est déjà assurée par l’ANSM, qui a élaboré, en janvier 2020, une fiche d’aide à la dispensation des vasoconstricteurs par voie orale destinée aux pharmaciens et un guide d’information pour les patients (« vous avez un rhume, que faire ? »). Des documents qui ont eu un impact positif sur la baisse de consommation de vasoconstricteurs (voir l'article en page 4 de notre précédente édition).

Charlotte Demarti

Source : Le Quotidien du Pharmacien