Si l’évolution du chiffre d’affaires est incontestablement l’une des constantes essentielle du bulletin de santé de l’officine, celle de la marge brute globale en est une seconde. Obtenue par le cumul de la marge commerciale, des honoraires de dispensation qui complètent les éléments de la MDL* et des prestations, des coopérations commerciales – remises y compris — et des nouvelles rémunérations et ROSP, elle est sans nul doute l’indice le plus pertinent de l’évolution de la performance de la pharmacie, et par conséquent de sa rentabilité.
Les trois cabinets comptables qui s’accordent sur la définition de ce concept remarquent qu’ils sont les seuls à disposer de ces données, et par conséquent les seuls en capacité de livrer une analyse globale de la situation financière de l’officine. Une remise en cause à peine voilée des statistiques livrées par certaines études institutionnelles. Par ailleurs, rappellent les experts-comptables, les LGO eux-mêmes ne sont en mesure de dégager qu'une marge partielle basée sur la MDL.
Point de rupture
Comme le chiffre d’affaires constaté sur l’exercice 2017 (voir pages précédentes), la marge brute globale, ou rémunération officinale, est elle aussi à la hausse. Elle aurait même tendance à le prendre de vitesse. Ramenée au chiffre d’affaires, elle en constitue désormais 31,74 %, voire 31,93 % ou même 32,40 %, suivant une courbe en hausse pour le quatrième exercice consécutif.
Mécaniquement, sur un chiffre d’affaires en croissance lui aussi, la marge brute globale atteint désormais 480 900 euros selon Fiducial, 526 500 chez KPMG, et même 585 600 euros dans le réseau CGP.
Mieux, selon les experts-comptables, cette progression constituerait même une rupture de tendance, car plus significative que les années précédentes. En effet, elle est en progression de 0, 77 %, voire de 1,05 %, là où il y a deux ans encore elle régressait de 0,05 %. KPMG enregistre pour sa part une hausse de la marge brute globale de 1,70 %, contre seulement + à 0,20 %, un an auparavant.
Une marge en valeur absolue qui évolue plus vite que le chiffre d’affaires est un élément assez positif pour être souligné, analyse Joël Vellozzi, responsable national du réseau Professions de santé chez KPMG. En effet, cette évolution a permis pour l’exercice 2017 de faire face aux évolutions des charges (voir tableau). Car, rappelle Joël Vellozzi, cet indicateur ne peut se permettre d’afficher « zéro » : « Les pharmacies ne peuvent pas vivre avec une évolution à 0 de leur marge. » Sauf à mettre leur rentabilité en péril.
Par conséquent, en valeur, cet indice indexé au chiffre d’affaires se traduit mathématiquement en 2017 par un gain moyen pour l’officine, de 3 700 euros, de 6 100 euros, voire de 8 900 euros, selon les réseaux étudiés, par rapport à l’exercice précédent.
Une harmonie trompeuse
Toutefois, l’évolution de la marge brute globale n’est pas seulement un indicateur appréciable pour le pouvoir d’achat du titulaire. Elle est également un paramètre incontournable pour mesurer la progression de l’officine.
L’analyse plus détaillée des différentes marges par secteur d’activité permet de dégager les grands axes de progression de l’officine. Et d’en identifier le potentiel. Alors que le taux global de marge brute se situe à 32 %, la distinction entre les trois grands secteurs de l’officine fait apparaître quelques nuances. Peu de surprise, le médicament remboursable qui constitue la majeure partie de l’activité officinale dégage un taux de marge de 32 %. Toutefois, relativise Joël Vellozzi, il y a lieu de préciser que ce taux intègre les effets des remises complémentaires sur le générique. Il se situerait sinon entre 22 et 23 %, c’est-à-dire le taux de marge issue de la MDL.
Quant au taux de marge de l’OTC, il avoisine les 33 %, tandis que celui de la parapharmacie atteint 31 %. « Ces différentes moyennes expliquent la répartition des taux de marge par typologies de pharmacie », relève Joël Vellozzi.
Les trois cabinets relèvent que le taux de marge est légèrement supérieur dans les pharmacies des zones rurales. Est-ce à dire que les activités de parapharmacie et d’OTC sont moins concurrencées dans ces zones qu’en centres urbains et que, par conséquent, ces pharmacies parviennent à « surmarger » ?
De fait, les disparités observées il y a encore dix ans, entre les différentes typologies de pharmacies, tendent à se gommer. Il ne faut pas pour autant crier victoire. Car, comme tempère Joël Lecoeur, « ce chiffre magique d’une marge à 32 % que l’on peut retenir pour la profession n’est qu’un taux ». « Et bien qu’il ait tendance à se resserrer sur l’ensemble des officines, pour les petites pharmacies l’évolution du taux de marge ne compense pas la baisse du chiffre d’affaires », explique-t-il. « Ceci d’autant plus que pour le traduire en valeur, il faut l’appliquer à une base : le chiffre d’affaires. La marge en euros est par conséquent un indicateur important », précise-t-il, résumant sous forme de boutade, « ce ne sont pas les taux qui font vivre les pharmaciens mais les euros ».
Conséquence, indicateur essentiel de la santé officinale, la marge en valeur s’érode dans les pharmacies des territoires ruraux. Un constat qui ne manque pas d’interpeller à l’heure où les pharmacies de proximité, et plus particulièrement le modèle de pharmacie de premier recours, se cherchent une nouvelle définition (voir page 21). Certes, comme le soulignent les experts-comptables, l’ensemble de ces chiffres est encore sous l’emprise de l'ancienne convention. Le nouveau modèle économique, esquissé par l’avenant 11 de la convention pharmaceutique, suffira-t-il à lui seul à inverser les courbes ?
* Marge dégressive lissée.
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