Le Quotidien du Pharmacien.- Pouvez-vous nous résumer les principes de la télé-épidémiologie ?
Cécile Vignolles.- Le CNES travaille sur plusieurs projets de télémédecine depuis plus de 15 ans, dont la télé-épidémiologie (T.E.). Cette discipline a été développée il y a une douzaine d’années grâce à l’impulsion d’un médecin du CNES. Nous sommes partis d’une idée : les satellites d’observation de la Terre fournissent des informations liées à l’environnement, or certaines maladies infectieuses ont justement des liens avec l’environnement.
Le principe de la T.E. consiste à analyser les relations entre le climat, l’environnement et la santé afin de mettre en évidence les liens qui existent entre l’émergence et la propagation de ces maladies. Des affections qui sont soit liées à des vecteurs, tels les moustiques pour certaines parasitoses, soit à l’eau comme le choléra, soit à l’air comme les pollutions atmosphériques. Précisons-le d’emblée, les satellites ne détectent ni les nuages de moustiques ni les agents pathogènes, mais ils peuvent détecter un environnement favorable au développement d’une maladie.
Quelles sont les maladies ainsi surveillées ? Quelques exemples de régions tests ?
Nous avons commencé les premiers tests il y a une dizaine d’années au Sénégal sur le modèle de la fièvre de la vallée du Rift. La T.E. est forcément multidisciplinaire, nous avons donc sollicité des spécialistes de la télédétection mais aussi des spécialistes du monde médical : des médecins, des vétérinaires, des entomologistes, dont les connaissances nous ont permis de comprendre la maladie et de dégager les facteurs clés qui lui permettent de se révéler et de se propager. Ces spécialistes disposent des données de terrain que nous, télé-épidémiologistes, mettons à profit pour corréler nos propres données statistiques environnementales issues du spatial avec la réalité du terrain. L’objectif final étant d’établir des modèles prédictifs qui permettent d’élaborer des cartes de risque environnemental. Une cartographie dynamique du risque. Notre collaboration avec les spécialistes vise au total trois objectifs : accroître notre connaissance de la maladie, valider nos modèles et fournir à ces mêmes spécialistes des outils prédictifs utiles à leurs actions sur le terrain. Nous souhaitons répondre à leurs besoins, à savoir, leur fournir des informations dynamiques à une échelle locale qui leur indiquent si et comment l’environnement évolue et fait évoluer le risque infectieux.
Nous avons déjà développé plusieurs « démonstrateurs », c’est-à-dire des régions tests. On espère bientôt un premier modèle opérationnel sur la fièvre de la vallée du Rift, nous y travaillons avec les autorités sénégalaises. Nous allons très bientôt leur fournir l’algorithme à mettre en œuvre.
Quelles mesures sont mises œuvre grâce aux informations fournies ?
Dans l’exemple de la fièvre de la vallée du Rift, qui est aujourd’hui le plus abouti, nous avons mis au point des cartes au double impact sur la santé et l’économie locale. Les Sénégalais se servent de nos cartes pour faire de l’alerte auprès des populations, et notamment auprès des bergers qui mènent les troupeaux, en leur indiquant les mares à risque de contamination. L’idée est de diffuser l’information par le biais des centres vétérinaires. Les messages sont du type : éloignez-vous de cette mare-là ou au contraire allez plutôt camper près de cette autre, sachant que la distance de vol des moustiques vecteurs de la maladie est de 500 mètres. En pratique nous avons colligé tous les relevés de terrain et les avons compilés avec nos propres cartes de télédétection grâce au satellite Spot-5 qui donne des images avec une résolution de 10 mètres. Nous avons ainsi construit la cartographie d’une zone de 45 X 45 kilomètres et détecté au total 1 350 mares. Puis, des hydrologues et des entomologistes de l’Institut Pasteur de Dakar nous ont fourni un modèle entomologique qui permet de corréler la pluviométrie à l’évolution des populations de moustiques. En fonction des pluies nous appliquons un coefficient de variation à la superficie des mares. On sait en effet qu’à chaque pluie, une partie de la berge des mares est recouverte par l’eau et permet l’éclosion des larves qui y avaient été pondues. C’est sur la base de ces observations qu’un modèle prédictif a pu être mis au point, le ZPOM (Zone potentiellement occupée par les moustiques). Chaque jour, nous établissons en fonction de la pluviométrie, le risque potentiel autour des mares qui décroît en suivant un gradient de dilution au fur et à mesure qu’on s’en éloigne. C’est ce que nous appelons entre nous la « météo des moustiques ».
Au total, les utilisateurs de nos modèles peuvent établir des stratégies de lutte en alertant les populations, mais aussi en mettant en place des campagnes de vaccination des bétails ou encore en appliquant des mesures de lutte antivectorielle (larvicides, répulsifs ou insecticides).
Peut-on étendre ce modèle prédictif à d’autres maladies ?
Oui, nous travaillons d’ailleurs à la mise au point d’un modèle de surveillance de la dengue en Guyane. Les premiers travaux sont menés à Maturi, banlieue de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni qui sont trois poches où la dengue sévit régulièrement. Une autre zone test est représentée par la Martinique. Mais contrairement à la fièvre de la vallée du Rift, où l’on identifie les mares, il n’a pas été question d’y cartographier les gîtes à moustiques qui sont beaucoup plus petits dans le cas de la dengue : coupelles d’eau, pneus, seau d’eau, etc... En se fondant sur des hypothèses biologiques et socio-économiques, nous sommes plutôt partis de l’idée selon laquelle autour des maisons l’environnement est plus favorable à la présence de ces mini-gîtes. La validation du modèle est en cours.
Sur le paludisme, nous avons déjà mené deux études, dont l’une sur le paludisme urbain à Dakar, en collaboration avec le service de santé des armées, qui a donné lieu à la mise au point d’un démonstrateur scientifique validé.
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