Près de six pharmaciens sur dix se disent convaincus du bien-fondé du développement durable et 74 % ont le sentiment de mener des actions dans cette perspective.
C'est ce que révèle une étude menée par Pharmedinsight (1) en décembre 2019. Cinq mille pharmaciens répartis dans toute la France et exerçant dans des officines aux profils divers ont répondu à cette enquête tandis que les parlementaires étudiaient le projet de loi antigaspillage (2).
Convaincus plus qu'opportunistes.
Un premier enseignement de ce sondage est l'implication des pharmaciens, en tant qu'entrepreneur et professionnel de santé, pour transformer des idées en actes. Dans un cas sur deux, c'est de leur propre initiative que les pharmaciens s'engagent dans cette voie, indépendamment des autres acteurs de la pharmacie. Si les groupements arrivent en tête des partenaires sur lesquels les pharmaciens peuvent compter en matière de développement durable, ce partenariat reste encore frileux et n'est effectif que dans 22 % des expériences. Autre enseignement, les pharmaciens mettent en avant leur conviction plus qu'un éventuel intérêt commercial. Pour seulement deux pharmaciens sur 10, le développement durable représente une opportunité pour l'entreprise. Et si un tiers d'entre eux espèrent donner une image positive à leur clientèle, 24 % n'attendent rien en retour, si ce n'est de contribuer par leurs actes à l'effort écologique.
Déchets et recyclage : les pharmaciens en ordre de marche.
Au-delà de l'évocation, les pharmaciens agissent : la réduction des déchets, en particulier les sacs et les emballages, arrive en tête des mesures prioritaires pour 36 % des personnes interrogées, suivie de la réduction des dépenses énergétiques liées à l'officine pour 21 %. En toute logique, parmi les pharmaciens qui ont engagé des mesures de développement durable, 30 % se sont définitivement orientés vers la distribution de sacs biodégradables et dans 27 % des cas, vers une incitation au recyclage des médicaments non utilisés (MNU), un service pour lequel ils peuvent s'appuyer sur un système performant et parfaitement rodé depuis 30 ans (lire également notre article en page 10). L'enquête de Pharmedinsight montre que dans l'année à venir (2020), un quart des pharmaciens interrogés visent l'élimination complète des sacs quels qu'ils soient, et une incitation plus active auprès des clients concernant les MNU via le réseau Cyclamed. Enfin, parmi les autres engagements que les pharmaciens plébiscitent, le référencement de produits respectueux de l'environnement est un objectif pour 30 % des interrogés, ainsi que les efforts sur les économies d'énergie dans le cadre de l'activité de l'officine pour 27 %.
Un train d'avance sur la demande.
Le référencement de produits est un acte d'engagement fort pour le développement durable : 65 % des pharmaciens sélectionnent déjà l'offre de parapharmacie sur ces critères écoresponsables, tels que le bio ou l'utilisation d'emballages recyclables. Pourtant, pour 1/3 des pharmaciens, la proportion de clients sensible à leurs efforts est inférieure à 10 %. Les pharmaciens montrent ainsi leur capacité à anticiper sur les tendances qui se profilent et qui vont au fil des prochaines années se confirmer pour devenir une règle. Selon l'enquête, 39 % des pharmaciens estiment que plus d'un patient sur 3 sera sensible à une sélection de produits respectueux du développement durable dans les cinq prochaines années. Les pharmaciens sont 77 % à vouloir s'engager plus franchement sur cette voie dans les années à venir, et 76 % pensent entraîner leur équipe avec eux.
Développement durable et santé : une cohérence indiscutable.
Les pharmaciens sont certainement les plus réceptifs aux dangers sanitaires que représente la dégradation des écosystèmes ; ils sont aussi confrontés au dilemme de soigner avec des médicaments issus de l'industrie chimique, source potentielle de contamination de l'environnement. La notion de développement durable est dans l'ADN du pharmacien, dont la culture du médicament lui rappelle tous les jours un principe simple : primo, non nocere. Un principe applicable à la drogue elle-même qui, prise de façon directe peut présenter des bénéfices et des risques. Mais cette notion de nuisance peut aussi s'appliquer de manière plus large, à savoir la drogue dans son environnement : comment est-elle produite de façon la plus respectueuse possible, et comment doit-elle en disparaître sans laisser d'empreinte délétère ? En tant que maillon de cette chaîne, le pharmacien est indiscutablement amené à s'interroger sur le développement durable, et sur les moyens de faire pencher la balance du bon côté, même si les conséquences ne sont pas visibles d'emblée. En tant que dispensateur de produits, l'autre questionnement du pharmacien porte sur l'empreinte de son activité, qu'il s'agisse des déchets, de la consommation d'énergie, ou encore d'utilisation de matériaux écoresponsables. Au final, la pharmacie d'officine, bien que tributaire de la prescription, de la stratégie des industriels pharmaceutiques, de règles commerciales et des politiques de santé, n'aura d'autres choix que de s'inscrire toujours plus par ses actes, ses référencements et ses orientations dans le développement durable, au risque de ne plus être en cohérence avec les valeurs qui la fondent : l'intérêt de la Santé.
1) Étude Pharmedinsight : enquête réalisée en décembre 2019 auprès de 5 000 officines sur l'ensemble du territoire, et aux profils divers
2) Loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.
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