LA LÉGISLATION de la communauté européenne distingue trois catégories de produits : les denrées alimentaires - dont les compléments alimentaires et les produits diététiques -, les cosmétiques, et les médicaments.
Concernant les compléments alimentaires, une étape capitale a consisté à harmoniser les législations de 27 états membres. En juillet 2002, fruit de plusieurs années d’échanges entre les institutions européennes, une directive est publiée par le parlement européen et le conseil. Tout est désormais réglementé : composition, étiquetage, qualité, sécurité.
Il faudra pourtant attendre le 20 mars 2006, pour que la transposition française de cette directive se matérialise sous forme d’un décret en France qui reprend la définition européenne claire et précise des compléments alimentaires : « denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés, commercialisé sous forme de dose, à savoir les formes de présentation telles que gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d’un compte gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou poudres destinées à être prises en unités mesurées de faibles doses. »
Exit les dénominations de « compléments nutritionnels », « suppléments » et autres nombreuses appellations ! Soulignons que les compléments alimentaires sont prévus pour les personnes en bonne santé et en aucun cas pour les personnes malades. « Car il n’est pas question d’entrer dans le domaine des médicaments », précise Brigitte Lelièvre, responsable réglementation au sein du SDCA*.
Des plantes libérées dans les compléments alimentaires.
Pour les vitamines et minéraux, les compléments alimentaires sont soumis à une liste positive des vitamines et minéraux et de leurs formes d’apports dont l’emploi est autorisé (ex : pour la vitamine A, seuls sont autorisés le rétinol, l’acétate de rétinol, le palmitate de rétinol, le bêta-carotène). L’ensemble de ces substances a fait l’objet d’une évaluation préalable par le Comité scientifique européen au regard de leur sécurité et de leur biodisponibilité. Cette liste vient d’être mise à jour fin 2009.
Pour les « autres substances avec un effet nutritionnel ou physiologique » (fibres, acides gras essentiels, plantes et préparation à base de plantes, pré et probiotiques…), l’Europe a choisi d’établir, des listes de substances interdites ou limitées d’emploi applicables à l’ensemble des denrées alimentaires lorsqu’un risque pour la santé publique peut être démontré.
La France a adopté des règles nationales strictes concernant les plantes et préparations de plantes et autres substances, grâce au décret compléments alimentaires de 2006. Concernant les plantes médicinales, la Direction Générale de la Santé (DGS) a publié en 2008 un premier décret instituant, pour la première fois en France, une reconnaissance d’emploi dans les compléments alimentaires, de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée française ayant été autorisées conformément aux procédures du décret compléments alimentaires. Puis un second décret a mis à jour la liste des plantes libérées du monopole de vente pharmaceutique pouvant être utilisées dans toutes les denrées alimentaires.
Deux familles d’allégations.
Parallèlement à la définition du cadre réglementaire des compléments alimentaires, s’est engagé, au niveau européen, un travail d’harmonisation des allégations, conformément au règlement européen sur les allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées alimentaires.
Première famille d’allégations : les allégations fonctionnelles génériques visées à l’article 13-1 portent sur le rôle des nutriments (vitamines et minéraux) et autres substances (plantes, etc..) dans la croissance, le développement et les fonctions de l’organisme, aux fonctions psychologiques et comportementales, à l’amaigrissement et au contrôle du poids, à l’augmentation de la sensation de satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire. Un travail préparatoire fut entrepris par les 27 états membres afin d’établir une liste commune de 44 000 allégations à évaluer. La Commission européenne a effectué un travail de consolidation avant de présenter, fin 2008 à l’EFSA**, une liste finale comportant plus de 4 000 allégations. Puis l’EFSA a découpé la liste en 4 lots et son groupe NDA*** a débuté les évaluations.
L’EFSA a émis un premier lot d’avis en juillet 2009 et un second lot d’avis en février 2010, tous deux caractérisés par le très faible nombre d’avis positifs. Sur 416 allégations du second lot examinées, seulement 8 ont reçu un avis positif. Les autres ont été rejetées par l’EFSA au motif que la relation de cause à effet n’est pas établie ou par manque de caractérisation des substances ou des aliments ou manque d’études sur l’homme avec des mesures fiables de l’effet bénéfique allégué sur la santé. On observe que la plupart des avis positifs du 1er et 2e lot d’avis concernent aujourd’hui les vitamines et minéraux.
Une seconde famille d’allégations, relatives à la réduction d’un risque de maladie, est définie par l’article 14-1a du même règlement européen (ex : allégation sur la réduction du cholestérol). À la clé, un dossier d’autorisation préalable. Dossier fort lourd rassemblant les preuves scientifiques justifiant l’allégation, constitué par les demandeurs qui doivent garder à l’esprit qu’une maladie est multifactorielle et que la modification d’un des facteurs peut avoir ou non un effet bénéfique.
Au total, sous l’impulsion des directives et règlements européens, les compléments alimentaires ont de toute évidence gagné en clarté et légitimité. Coté allégations, le haut niveau d’exigence devient une garantie : toute allégation d’un aliment vendu au sein de l’UE doit être justifiée par des preuves scientifiques. Un travail de longue haleine qui devrait prendre fin en 2011. Protéger le consommateur de façon optimale, tel est le mobile qui fait courir le législateur.
**EFSA : European Food Safety Autority www.efsa.europa.eu/fr/ (en français AESA Autorité Européenne pour la Sécurité des Aliments) fournit des avis scientifiques indépendants concernant l’évaluation des risques relatifs à la sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale.
***NDA : Nutrition, Dietetic Product and Allergy, groupe de l’EFSA constitué d’experts scientifiques se focalisant sur les questions relatives aux produits diététiques, à la nutrition humaine et aux allergies alimentaires, et aussi les nouveaux aliments.
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