L’ENTRAÎNEMENT a commencé il y a bien longtemps. À l’origine, les médicaments biotechnologiques, qui ont vu le jour dès le début des années quatre-vingt. À base de principes actifs produits de façon plus complexe qu’un médicament traditionnel (technologie de l’ADN recombinant, expression contrôlée de gènes codant pour des protéines biologiquement actives, méthodes à base d’hybridomes et d’anticorps monoclonaux), ces médicaments sont destinés à traiter des pathologies lourdes et invalidantes. Sont représentés par exemple les hormones de croissance, les interférons, l’EPO, l’insuline… Les marchés de masse ont ainsi laissé place petit à petit à des médicaments appelés parfois « blockbusters de niche ». Et c’est ainsi qu’un nouveau marché s’est constitué avec d’abord un médicament biotechnologique autorisé en 1984, puis 15 en 1995, et 200 prévus en 2010.
Les premiers brevets de ces médicaments ont expiré et continuent de tomber dans le domaine public. C’est donc au tour des laboratoires génériques de prendre leur élan. Mais pour franchir la ligne de départ, le ticket d’entrée est cher : là où un générique classique nécessitait un investissement de 1 à 1,5 million d’euros, la commercialisation du biosimilaire exige 50 à 90 millions d’euros. Le nombre de participants sera donc restreint. Cinq à six laboratoires au plus, devraient être entrés dans la course d’ici peu.
Le laboratoire Sandoz s’est positionné très tôt sur ce marché. En France, le premier biosimilaire apparu sur le marché a été Omnitrope en 2007. Le laboratoire a ensuite lancé Binocrit en 2008 et Zarzio en 2009. Les biosimilaires représentent un axe stratégique important pour le laboratoire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : un « blockbuster » sur cinq est un biomédicament. Nathalie Zenou, responsable de la communication du laboratoire Sandoz, explique : « le médicament biosimilaire est soumis à des exigences réglementaires très fortes, en termes de développement, d’essais précliniques et cliniques, de comparaison au produit princeps. Depuis les années quatre-vingt, le laboratoire s’est investi dans les biotechnologies pour des tiers. Maintenant, nous pouvons utiliser ce savoir-faire pour nos besoins. » En effet, développer un médicament biosimilaire demande une grande expertise. Une simple équivalence pharmaceutique ne suffit pas pour justifier du statut de biosimilaire, contrairement au médicament générique.
Exigences de qualité.
Un médicament issu des biotechnologies est défini par son procédé de production, qui ne peut être strictement identique d’un médicament à l’autre. Les recommandations européennes ont donc défini des exigences de qualité (en terme de procédés de fabrication, de méthodes analytiques d’activité biologique, de caractérisation…), et exigent la réalisation d’études précliniques (in vitro et in vivo) et cliniques (pharmacocinétique, pharmacodynamie, sécurité, efficacité, immunogénicité…) pour établir la comparabilité et l’équivalence au médicament de référence. D’où l’investissement des laboratoires.
C’est ce qu’explique Maurice Guillard, directeur des opérations Hôpital chez Ratiopharm : « Nous avons voulu maîtriser l’intégralité des process depuis les essais jusqu’à la commercialisation. Pour cela, il faut distinguer trois entités distinctes : d’abord, la structure BiogeneriX en Allemagne, au sein de laquelle 50 personnes travaillent sur les études précliniques et cliniques. Ensuite, c’est la société Merckle Biotec qui est responsable de la production des médicaments biosimilaires. La troisième entité est l’entité commerciale. » Et quand on sait qu’un médicament biotechnologique n’est pas substituable par un médicament biosimilaire, on imagine bien que la promotion des produits biosimilaires va suivre un tout autre parcours que celle d’un médicament générique classique. Les officinaux ne sont plus concernés directement. Le taux de pénétration des biosimilaires sera complètement dépendant des prescriptions des médecins, et souvent plus particulièrement des médecins hospitaliers. C’est pourquoi les dix délégués médicaux de Ratiopharm sont des « délégués hospitaliers seniors » à savoir des délégués déjà habitués au fonctionnement de l’hôpital. De même, Sandoz a accru son équipe de délégués hospitaliers qui ciblent notamment les endocrinologues pour leur hormone de croissance, les néphrologues pour l’EPO et les oncologues, les radiothérapeutes et les pneumologues pour leur G-CSF.
Un pipeline prometteur.
Et les projets vont bon train. Le laboratoire Sandoz, qui a déjà commercialisé Omnitrope, Binocrit et Zarzio, a une vingtaine de projets en développement avec par exemple les anticorps monoclonaux. Ratiopharm, qui vient de commercialiser le premier biosimilaire de filgrastim en mars 2009, projette de commercialiser bientôt une EPO, puis d’étendre son potentiel dès l’expiration des différents brevets de biomédicaments.
Malgré le faible recul sur le marché des biosimilaires dont ils disposent aujourd’hui, les laboratoires concernés se disent satisfaits. « Nous observons une progression constante du chiffre d’affaires, qui a progressé de plus de 100 % au premier semestre 2009 », explique Nathalie Zenou.
De façon générale, les ventes de biosimilaires ont progressé de plus de 60 % au premier semestre 2009. Et pour cause : non seulement les laboratoires ont prouvé aux récalcitrants que leur savoir-faire était indéniable et des garde-fous ont été instaurés grâce aux réglementations strictes de l’EMEA, mais le contexte actuel se prête également à l’accueil favorable de ces nouveaux médicaments, dont le coût est 20 % moins élevé et permettra d’engendrer des économies non négligeables. On estime ainsi que le remplacement de six biomédicaments majeurs par six biosimilaires 20 % moins coûteux, permettrait d’économiser 1,5 milliard d’euros à l’échelle de l’Union européenne. Autre exemple : le remplacement de 20 % des prescriptions d’EPO princeps de type rhu-EPO par leur biosimilaire permettrait d’engendrer une économie de 3,5 millions d’euros.
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