LES MÉDICAMENTS ne sont pas des produits comme les autres. Les médicaments ne sont pas non plus des déchets comme les autres. Implacable logique qui a abouti à un circuit de récupération des médicaments distinct de celui des déchets ménagers. En France, cette idée s’est concrétisée en 1993, avec la création de Cyclamed. Pourtant, à cette époque, on ne parlait pas de développement durable. Près de vingt ans se sont écoulés et l’association fait aujourd’hui figure de pionnière dans le domaine du recyclage et de la protection de l’environnement. « Les laboratoires pharmaceutiques sont à l’initiative de cette filière de tri sélectif du médicament. Ils se sont associés à l’Ordre des pharmaciens, à la chambre syndicale des grossistes répartiteurs et des syndicats d’officine pour créer Cyclamed, un des premiers éco-organismes apparus en France », rappelle le président de l’association, Thierry Moreau Defarges.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.
Dès sa création, la filière Cyclamed a affiché un double objectif : limiter la présence des médicaments dans la nature tout en garantissant la sécurité au sein de chaque foyer. Comment ? En permettant aux patients de se débarrasser proprement de leur surplus de médicaments. Grâce à ce dispositif, et contrairement aux déchets ménagers qui sont soit incinérés soit stockés (par enfouissement), tous les médicaments collectés sont détruits. Disons plutôt valorisés. Cyclamed a signé un contrat avec 52 incinérateurs, plus justement appelés unités de valorisation énergétique. L’incinération des médicaments permet de produire de l’électricité et de la chaleur.
Consommateur trieur.
Les Français ont un comportement de plus en plus éco-citoyens et semblent de plus en plus conscients de l’intérêt du tri sélectif en général et du tri des MNU en particulier. La collecte des MNU en pharmacie aurait en effet progressé de 9 % en 2011 par rapport à 2010, tandis que, selon une étude menée par l’institut CSA, le gisement des MNU aurait diminué de 6 % entre 2010 et 2012. Autrement dit, les Français ont moins tendance à stocker les MNU chez eux et adoptent plus volontiers le réflexe Cyclamed. Les femmes et les personnes âgées de plus de 65 ans arrivent en tête des meilleurs trieurs, et les habitants des zones rurales semblent plus sensibilisés à ce geste. « D’après les enquêtes que nous menons avec l’institut LH2, il semble que Cyclamed fonctionne mieux en zone rurale, comme le tri sélectif en général. Le manque d’espace en ville pour disposer de poubelles sélectives est un facteur pouvant expliquer cette différence de comportement », souligne Thierry Moreau Defarges. « Si on veut des résultats, il faut que le tri des MNU soit le plus simple possible. Tous les conditionnements de médicaments à usage humain dans lesquels il reste de la substance active doivent être collectés par Cyclamed ».
Les médicaments vétérinaires quant à eux font l’objet « d’un long débat ». Pour le président de Cyclamed, « il serait intéressant que Cyclamed puisse prendre en charge à terme les médicaments vétérinaires vendus à l’officine pour les animaux de compagnie. Ces derniers ne représentent qu’une toute petite quantité. Néanmoins, ce sont des médicaments, avec les mêmes risques et dangers pour l’environnement que les médicaments à usage humain ».
Un éco-organisme consulté.
Fort de son expérience, Cyclamed travaille en étroite collaboration avec le LEEM (Les entreprises du médicament), l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et l’ADELPHE (société agréée pour le recyclage des emballages ménagers), et plus localement avec des communes et des communautés de communes. L’association participe également à plusieurs groupes de travail. « Une de nos missions est de communiquer sur la gestion des déchets. Nous avons déjà mené plusieurs opérations sur le terrain, dans des écoles par exemple. Nous intervenons dans certaines facultés de pharmacie pour présenter notre action et les enjeux de ce dispositif et nous organisons chaque mois une réunion en province. Mais ces actions sont limitées par la petite taille de notre structure », regrette Thierry Moreau Defarges. Par ailleurs, depuis 2011, Cyclamed a engagé une réflexion avec les ARS (Agences régionales de santé) sur l’opportunité d’inclure des critères Cyclamed dans les critères d’inspection des officines.
Réduire la production de déchets.
Une autre piste évoquée par le Grenelle de l’environnement suggère de réduire la production de déchets. Dans les établissements de santé, l’approche durable du médicament s’organise et quelques centres hospitaliers se sont dotés de Commissions de développement durable. Le C2DS (Comité développement durable santé) encourage la réflexion entre les différents acteurs du médicament pour réduire la pollution à la source, en intégrant la notion environnementale lors du référencement et de la prescription des médicaments. L’objectif est de favoriser, à effet thérapeutique équivalent, l’emploi de molécules moins toxiques et moins bio-accumulables (voir notre édition du 18 juin 2012). Cette démarche, qui n’en est qu’à son balbutiement en France, pourrait bouleverser l’exercice de la médecine et de la pharmacie de demain.
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