Comment définiriez-vous le portrait type du pharmacien rural ?
Le pharmacien rural est un homme de 55 ans. C'est-à-dire un peu plus âgé que la moyenne nationale. Notez qu'en dix ans, l'âge moyen du pharmacien des campagnes a pratiquement pris dix ans. Quant à l'officine rurale, elle est légèrement plus petite que l'officine de ville avec un chiffre d'affaires un peu inférieur à la moyenne nationale. Ce portrait modeste ne doit pas masquer l'existence sur nos territoires de quelques belles officines. Côté personnel, même si les frais des ruraux sont un peu inférieurs à la moyenne, nos officines ne sont pas mieux dotées que dans les autres zones de l'Hexagone.
Quels sont, selon vous les atouts de l'exercice à la campagne ?
On est allé trop loin dans le pessimisme. Voilà pourquoi je dis et je répète à l'envi ces arguments qui valent de l'or pour les pharmaciens qui partent comme pour ceux qui viennent. À force de noircir le tableau de la pharmacie rurale, toute une génération risque de passer à côté de véritables opportunités.
Parmi les atouts de l'exercice rural, il y a le poids des charges de l'entreprise, qui est un peu moins lourd en zone rurale. En ville, si on n'est pas propriétaire de ses murs, on paie des loyers qui sont souvent déraisonnables, ce qui n'est jamais le cas en milieu rural. Ou en tout cas jamais de façon durable, car les possibilités de construire ou louer à proximité de l'emplacement initial de l'officine et à moindres frais, sont réelles.
Il faut également parler de la qualité de vie. En fait, tout est dans le choix de vie. Si l'exercice en zone rural est le résultat d'un choix, alors ce sera l'Éden. Si au contraire, c'est un choix par défaut, ce sera les larmes. Si on est passionné de cheval, vive la cambrousse ! Si on est adepte de la proximité, des commerces et des services urbains, surtout pas de rural.
La qualité de vie à la campagne, c'est aussi les horaires. La pause de midi, par exemple, y est respectée, voire quasiment sacrée. De toute façon, il ne servirait à rien de rester ouvert, les gens ne viendraient pas. Ce type d'habitude est inscrit dans la culture rurale.
Parce que la clientèle est différente de celle rencontrée en ville ?
La population a conscience du fait que le service est plus rare en milieu rural, donc elle est souvent plus accommodante… Quoi qu'il en soit, le pharmacien de village est encore considéré comme un notable. Notamment parce que le niveau de scolarisation et d'éducation des clients est en moyenne plus bas qu'en ville. Globalement, sans caricaturer, l'essentiel de la clientèle est constitué par des plus de soixante-cinq ans, et les quelques jeunes à être resté au pays sont ceux qui sont allés le moins loin du point de vue des études…
Quelles difficultés rencontrent le plus souvent les titulaires installés à la campagne ?
D'abord, la difficulté de trouver une place au conjoint. C'est l'une des raisons importantes de la dévalorisation de l'officine rurale. De même, la scolarisation des enfants est un autre handicap qui rebute beaucoup de candidats à la reprise d'une officine rurale.
Comment vivre avec le problème de la désertification médicale ?
Quand on est amené à gérer la pénurie, il ne s'agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Certaines solutions sont à considérer, tel l'exercice coordonné. Pour autant, il ne doit pas s'agir de mettre tous les médecins au même endroit. Je m'oppose ainsi à une certaine conception de la maison médicale qui en ferait une mini-clinique mal adaptée au dimensionnement de la population. Le risque est réel de créer de grands vides dans le réseau de soins en passant à côté du but qui est de laisser à des petites communautés rurales le sentiment qu'elles peuvent disposer du minimum de sécurité sanitaire. Je voudrais dire aussi que la désertification médicale peut également être une opportunité pour le pharmacien et pour le développement des nouvelles missions à l'officine. Même si elle n'est pas accolée à une maison médicale, voire justement parce qu'elle est un peu isolée et qu'il faut faire quelque effort pour s'y rendre. Le pharmacien conserve ainsi sa place de professionnel de santé de premier recours qui peut par exemple réaliser une glycémie, voire investir dans la télémédecine si les conditions sont réunies.
Quel message délivrez-vous aux jeunes qui voudraient s'installer à la campagne ?
Ayez de l'empathie ! Si vous en avez pour la population que vous soignez, vous en aurez pour l'environnement dans lequel vous baignez. Même si vous y trouvez un côté un peu Clochemerle, un côté petit pays, vous y trouverez aussi un certain bonheur d'exercer. Le simple fait d'être reconnu comme la personne-ressource est une valorisation de l'exercice en zone rurale. Je voudrais aussi les rassurer sur la viabilité économique de l'officine rurale. C'est même l'un des points forts de la pharmacie de campagne par rapport à la pharmacie urbaine, à chiffre d'affaires égal. Il y a de vraies bonnes reprises à faire en milieu rural, surtout avec des prix de vente inférieur à 60 % du chiffre d'affaires qui permettent à l'acquéreur de dégager rapidement du revenu.
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