La signature de l’avenant conventionnel entre l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM), l’USPO, et plus tard l’Union nationale des organismes d’assurance-maladie complémentaire (UNOCAM) engage la profession jusqu’en 2022. Pour Gilles Bonnefond, président de l’USPO, ce texte de 133 pages « signe une véritable transformation du métier ». Au menu : réduction de la marge commerciale au profit d’honoraires de dispensation, investissements à hauteur de 280 millions d’euros sur trois ans de la part des payeurs, clause de sauvegarde pour les officines qui sortiraient perdantes de cette réforme de la rémunération et mise en place de missions et de nouveaux services à destination des patients.
Mais pour la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) le compte n’y est pas. « Nous sommes défavorables à cet avenant conventionnel pour des raisons exclusivement économiques, affirme Philippe Besset, vice-président de la FSPF. Nous partageons l’évolution métier qui est dans cet avenant et c’est un crève-cœur de ne pas l’avoir signé, mais l’équilibre entre les honoraires et l’impact des baisses de prix n’est pas respecté. » L’avenant prévoit un investissement de la part de l’assurance-maladie de 215 millions d’euros pour la réforme de la rémunération et 65 millions d’euros pour le volet métier. Une enveloppe qui « ne tient pas compte des baisses de prix à venir ». Par ailleurs, la FSPF repart en campagne sur des thèmes qu’elle avait dû abandonner au fil des négociations entre syndicats et avec l’assurance-maladie, tels que l’économie du générique, l’intervention du pharmacien sur l’ordonnance en accord avec le prescripteur, et l’idée d’un forfait structure dédié aux officines en difficultés dont l’existence est nécessaire à la population.
Marge unique
En outre, la FSPF affiche un désaccord global quant aux changements prévus sur la marge dégressive lissée (MDL). La première tranche, pour les médicaments dont le prix est inférieur à 1,91 euro, passerait de 0 % actuellement à 11 % dès 2018, « ce qui resensibilise aux prix des médicaments qui ne l’étaient plus et augmente le reste à charge des patients, nous y sommes donc défavorables ». Pour la deuxième tranche, celle des médicaments dont le prix est compris entre 1,91 et 22,90 euros, la marge actuelle de 25,5 % passerait à 20,75 % en 2018, 12,5 % en 2019 et 6,5 % en 2020. Une bonne idée pour la FSPF, qui note que cela permet cette fois de « désensibiliser la rémunération du pharmacien par rapport aux baisses de prix ». La troisième tranche (prix compris entre 22,90 euros et 150 euros) verrait sa marge passer de 8,5 % à 5 % en 2020, et la quatrième tranche (prix compris entre 150 et 1 500 euros) de 6 % à 5 %. La FPSF s’y oppose fermement : « Nous avons déjà fait un très gros effort dans le précédent avenant pour tous ces produits qui sont les plus innovants, en capant la rémunération à 100 euros sur la 4e tranche. C’est un mauvais signal de diminuer de 22 % la rémunération sur cette tranche et nous voulons un retour à 6 % », explique Philippe Besset. En effet, ces modifications des taux de marge pour chacune des tranches, associées au capage (rémunération maximale) pour les produits les plus chers, réduisent automatiquement la rémunération du pharmacien pour les médicaments de plus 1 500 euros de 97,16 euros à 75,43 euros.
À quelques jours du Congrès national des pharmaciens, la FSPF clarifie son positionnement en réclamant la fin de la MDL et une marge unique de 6 % pour l’ensemble des médicaments jusqu’à 1 590 euros.
Le choix du patient
De son côté, Gilles Bonnefond explique à son tour qu’il aimerait apporter quelques aménagements à la transformation de la marge envisagée par l’assurance-maladie : un taux de 10 % pour la première tranche (au lieu de 11 %), 7 % pour la deuxième tranche (au lieu de 6,5 %), 5,5 % pour la troisième tranche (au lieu de 5 %), 5 % pour la quatrième tranche comme le prévoit l’assurance-maladie, mais avec un seuil relevé à 1 930 euros. Mais rien n’est encore définitif concernant l’arrêté de marge et il ne regrette en aucun cas d’avoir signé l’avenant conventionnel. « Sur la partie économique, il fallait que l’assurance-maladie et l’assurance complémentaire investissent, ce qui est signé avec 215 millions d’euros sur trois ans. Sans investissement, nous avions 50 % de gagnants et 50 % de perdants parmi les officines. Ces 215 millions permettent d’avoir 92 % de gagnants, et pour les 8 % restant, une clause de sauvegarde leur permet de rester à l’équilibre. De plus une clause de revoyure est prévue si l’équilibre global est remis en question au cours des trois prochaines années », décrit Gilles Bonnefond.
La partie métier le satisfait tout autant, que ce soit avec la revalorisation et la simplification des entretiens pharmaceutiques, la mise en place de bilan de médication pour certaines populations cibles et les nombreux services envisagés en termes de prévention. « La convention ne s’arrête pas à la signature de l’avenant au 20 juillet, tout cela va vivre. Nous faisons le choix du patient, et non celui du tout commerce. »
La vie conventionnelle continue
Attentif aux déclarations des deux syndicats, Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance-maladie, rappelle d’abord que « le résultat d’une négociation est toujours imparfait, il est illusoire de considérer que l’on obtient forcément un résultat qui résout tout de manière magique et miraculeuse à l’instant T ». Convaincu de l’importance de désensibiliser la rémunération du pharmacien du prix et des volumes du médicament, il défend la réforme amorcée en 2015, avec la FSPF pour seule signataire, tout autant que cet avenant conventionnel, avec l’USPO pour seule signataire. Et souligne la différence entre les deux signatures : l’importance de l’investissement accordé par l’assurance-maladie. « Nous avons considéré, pour des raisons aussi bien micro que macroéconomiques, qu’il était nécessaire d’investir davantage, avec ces 215 millions qui accompagnent la réforme de l’honoraire, et ensuite les 65 millions liés aux missions nouvelles et à la revalorisation d’un certain nombre d’éléments. Nous sommes partis sur une maquette d’environ 280 millions d’euros, qui pourra être un peu plus ou un peu moins élevée au final, parce que la vie conventionnelle va se poursuivre. » Il insiste par ailleurs sur la garantie que cette réforme ne fera pas de perdants grâce aux clauses de sauvegarde et de revoyure prévues. À ses yeux, l’accord est équilibré, il permet de protéger les officines pendant la réforme de leur rémunération, il transforme la profession et valorise le pharmacien en tant que professionnel de santé. Et compte sur son engagement dans les missions évoquées comme le bilan de médication, « sur lequel nous fondons tous de vraies attentes ».
Quant à la MDL, Nicolas Revel explique sa proposition de « recréer une marge sur la première tranche » par le fait qu’il n’était pas possible de « créer de nouveaux honoraires venant se substituer à la marge avant 2019 », et qu’il était néanmoins urgent de trouver une compensation. « Donc nous avons joué sur l’arrêté de marge, en lien avec le ministère, pour apporter une réponse économique dès l’année prochaine. » La discussion reste ouverte.
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