Plusieurs huiles essentielles (HE) sont connues pour leur efficacité antibactérienne. Il s’agit notamment des HE contenant des phénols comme le thymol, le carvacrol et l’eugénol, des monoterpénols avec le géraniol, le linalol, le thujanol, le terpinéol ou le menthol et des aldéhydes tel le néral, le géranial, le citronnellal et le cuminal. Les plantes médicinales leur sont volontiers associées pour renforcer l’immunité ou fournir le tropisme.
Des études sont venues valider ces propriétés et ont notamment mis en évidence la capacité de certains composants d’huiles essentielles à rendre perméable la membrane des bactéries et ainsi conduire à leur destruction. L’HE d’arbre à thé (Tea tree), sans doute la plus connue des huiles essentielles antibactériennes, a par exemple démontré une action bactéricide par induction de la fuite d’ions potassium dans des cellules microbiennes d’Escherichia coli et de Staphylococcus aureus (1). De plus, étant donné la diversité des molécules entrant dans la composition des huiles essentielles, il est fort probable que différents modes d’action soient impliqués dans leur action antibactérienne dont certains sont encore à découvrir.
Ces résultats contribuent à une augmentation du recours aux huiles essentielles pour traiter des infections classiques, notamment au niveau de la bouche et de la sphère ORL. Une option de traitement qui, en plus de correspondre à une volonté de certains patients pour davantage de naturel, peut également présenter l’intérêt de diminuer le recours systématique aux antibiotiques et donc le développement des résistances.
Les huiles essentielles contre l’antibiorésistance
La prise excessive ou inappropriée d’antibiotiques (ABT) favorise la sélection des bactéries les plus résistantes. Ce phénomène de résistance aux antibiotiques concerne toutes les espèces bactériennes et constitue aujourd’hui une préoccupation importante. En mai dernier, un article publié dans la revue Antimicrobial Agents and Chemotherapy a révélé l’existence, aux États-Unis, d’un cas de souche mutante de la bactérie E. coli résistante à tous les antibiotiques, y compris la colistine, chez une femme de 49 ans souffrant d’infection urinaire (2).
Une souche de bactéries normalement sensibles à un antibiotique peut devenir résistante par mutation ou par transfert de gènes. La dissémination des gènes de résistance aux antibiotiques peut s’effectuer au sein d’une même espèce, mais aussi d’une espèce bactérienne à l’autre. Au niveau physiologique, cette résistance peut se manifester par une diminution de la perméabilité de la membrane bactérienne, une activation de l’efflux bactérien (transporteurs membranaires qui contribuent à diminuer la concentration en antibiotique en les rejetant dans le milieu extracellulaire), une inactivation enzymatique des ABT ou la modification de leur cible au sein de la cellule bactérienne (3). Parallèlement aux travaux visant le développement de nouvelles générations d’antibiotiques, l’identification de solutions thérapeutiques permettant d’inhiber ces mécanismes de résistance constitue donc un axe majeur de recherche.
De nombreux inhibiteurs de l’efflux bactérien (EPIs – Efflux Pump Inhibitors), isolés de plantes, ont été décrits dans la littérature. L’ensemble de ces EPIs permet de restaurer, sur des souches résistantes à leur action, l’activité de différentes classes d’antibiotiques, incluant les β-lactames, les tétracyclines, les fluoroquinolones et les macrolides (3).
L’huile essentielle d’origan (Origanum vulgare) ainsi que ses principaux constituants, le carvacrol et le thymol, ont par exemple étaient testés sur des souches de Staphylococcus aureus munis de mécanismes d’efflux les rendant résistants à la norfloxacine, l’érythromycine et la tétracycline. La concentration minimale inhibitrice d’antibiotiques, déterminée selon la méthode de dilution sur gélose, a été diminuée jusqu’à quatre fois avec l’association HE/tétracycline. Pour les auteurs, ces résultats apportent la preuve que les huiles essentielles offrent un réel potentiel dans la lutte contre les résistances (4).
Note : le XVIe Colloque européen de phyto-aromathérapie, qui s’est déroulé à Besançon le 26 juin dernier, avait pour thème « Mieux maîtriser l’antibiothérapie ».
(1) Carson CF et al. Melaleuca alternifolia (Tea Tree) oil : a review of antimicrobial and other medicinal properties. Clin Microbiol Rev 2006 ; 19 : 50-62.
(2) McGann P et al. Escherichia coli harboring mcr-1 and blaCTX-M on a novel IncF plasmid : first report of mcr-1 in the USA. Antimicrob Agents Chemother Posted online 26 May 2016
(3) Guinoiseau E. Molécules antibactériennes issues d’huiles essentielles : séparation, identification et mode d’action. Thèse de biochimie – biologie moléculaire, décembre 2010.
(4) Cirino IC et al. The essential oil from Origanum vulgare L. and its individual constituents carvacrol and thymol enhance the effect of tetracycline against Staphylococcus aureus. Chemotherapy 2014 ; 60 : 290-3.
Article précédent
Médecines naturelles et allopathie : Faut-il choisir ?
Article suivant
La nécessaire prise en compte de la globalité du traitement
Pallier les effets secondaires des traitements grâce aux médecines naturelles
Médecines naturelles et allopathie : Faut-il choisir ?
Améliorer l’efficacité de l’antibiothérapie
La nécessaire prise en compte de la globalité du traitement
Une complémentarité utile
Insolite
Épiler ou pas ?
La Pharmacie du Marché
Un comportement suspect
La Pharmacie du Marché
Le temps de la solidarité
Insolite
Rouge à lèvres d'occasion