Dans aucun autre pays que la France, les pharmaciens se sont autant impliqués dans la gestion de l'épidémie. 13 millions de vaccins contre le Covid ont été administrés en pharmacie tandis que les tests antigéniques (TAG) effectués par les officinaux ont culminé à des pics de 7 millions, voire 12 millions, par semaine pour un total de plus de 80 millions. Sans compter les commandes de vaccins assurées pour les professionnels de santé et la distribution des masques à ces mêmes soignants et aux patients vulnérables. Ou encore la délivrance des autotests aux publics ciblés. Cette activité débordante se traduit dans une hausse du chiffre d'affaires pour 2021 estimée entre 1,8 et 2 milliards d'euros pour les seuls tests et vaccins anti-Covid. Mais elle a aussi, en contrepartie, nécessité une réorganisation des officines et des équipes, l'embauche de personnels et la mise en œuvre de nouveaux process.
C'est dans ce contexte que trouve toute sa place la démarche qualité développée par le Haut Comité à la Qualité en officine sous l'égide de l'Ordre des pharmaciens et qui fera l'objet d'une table ronde à PharmagoraPlus*. Car un tel bouleversement de l'exercice officinal induit plus que jamais de nouvelles pratiques et de nouvelles exigences. Il s'agit en effet d'assurer une qualité et une sécurité croissantes à la dispensation et aux missions tout en répondant à des impératifs de gestion du temps et des ressources.
La sérialisation à reculons
Pour autant, toutes les tentatives d'optimisation ne sont pas bénéfiques à l'officine. En témoigne, la sérialisation imposée depuis le début de l'année à la profession. Les pharmaciens, qui se sont arc-boutés dès l'annonce de l'application de cette réglementation européenne dans la loi française il y a un an, doivent se rendre aujourd'hui à l'évidence. S'ils échappent – pour l'heure- à la pénalité financière initialement prévue par la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022, ils ne pourront reculer plus longtemps devant cette nouvelle contrainte. Dès cette année, ils devront se plier au décommissionnement de chaque boîte afin d'en garantir l'authenticité. Et ce, malgré leurs réticences sur la pertinence de ce dispositif et les nombreux bugs qui ont accompagné son démarrage.
C'est dans le même état d'esprit que la profession aborde la dispensation à l'unité (DAU) dont l'entrée en vigueur a été entérinée par un décret publié le 31 janvier au « Journal officiel ». Une mesure, certes facultative et qui ne concerne que quelques médicaments, mais qui rencontre la même hostilité tant elle semble, elle aussi, peu adaptée au quotidien de l'exercice officinal.
L'Académie de pharmacie ne dit pas autre chose. Regrettant que ce texte émis dans la foulée de la loi antigaspillage pour une économie circulaire (AGEC) ne tienne pas compte de ses recommandations d’avril 2021, elle déclare que « le processus décrit dans le décret complique l’organisation du travail à l’officine sans sécuriser l’acte pharmaceutique ni permettre de lutter contre le gaspillage ». En un mot, l'organisation et la sécurité de la délivrance des médicaments seront, selon elle, pénalisées.
La DAU compromise ?
Mais les académiciens vont plus loin encore et estiment que la multiplication des étapes « pour satisfaire aux nouvelles exigences de préparation contrevient aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments et pourrait augmenter les risques d’erreurs pour les patients ». Le danger pourrait même être accentué par « l’ouverture du conditionnement (qui) va à l’encontre de l’obligation de sérialisation et ne garantit pas la stabilité de la forme galénique après le déconditionnement ». Enfin, regrette l'Académie, « aucune évaluation de la DAU à l’officine n’est prévue pour en tirer un retour d’expérience indispensable ».
C'est dire si la généralisation de cette nouvelle mission semble compromise. Ceci d'autant plus qu'à la sortie de crise, les officinaux auront d'autres chantiers à démarrer ou à poursuivre, notamment les entretiens pharmaceutiques laissés en jachère pendant l'épidémie. À l'aune de leur expérience de gestionnaire de crise, les titulaires détiennent aujourd'hui les clés pour définir les contours qu'ils voudront donner demain à leur exercice. Et autant d'arguments pour contester, voire refuser, des missions controversées.
* Le 12 mars de 16 h 30 à 17 h 30, Forum de la profession.
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